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Décryptage

Quel « Partage de l’Effort » en Europe pour 2030 ?

Posté le par Matthieu Combe dans Environnement

Les négociations post-COP21 avancent en vue de la COP22 qui se déroulera à Marrakech du 7 au 18 novembre. Mais où en est le Partage de l'Effort du Paquet Énergie-climat 2030, pierre angulaire pour atteindre la contribution nationale (INDC) soumise par l'Union européenne en amont de la COP21 ?

Avec l’accord de Paris, l’Europe s’engage à travers son futur Paquet Énergie-Climat 2030 à baisser d’au moins 40% l’ensemble de ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030 par rapport à 1990. Cet objectif se décline en deux sous-objectifs. Les secteurs visés par le système d’échange de quotas d’émission (SEQE) – production d’électricité, gros sites industriels et aviation civile – devront baisser leurs émissions de 43% par rapport à 2005. Les secteurs hors-SEQUE – transports, bâtiments, agriculture,  déchets et petites installations industrielles – devront baisser leurs émissions de 30% par rapport à 2005. A ce point de départ, les secteurs SEQE couvraient environ 45% des émissions totales de GES de l’UE, et les secteurs hors-SEQUE environ 55%.

Le Paquet énergie-climat 2030 est en cours de négociations au sein de l’Union européenne. L’une des questions épineuses à trancher est la révision du règlement « Effort Sharing » (ESR) sur le partage des efforts de réduction des émissions de GES hors-SEQUE parmi les 28 Etats membres. Celui-ci succèdera à la décision « partage de l’effort » établi pour 2013-2020. La Commission européenne a fait une proposition le 20 juillet 2016 pour la période 2021-2030. Celle-ci a été présentée au conseil environnement le 17 octobre 2016. Avant fin 2016, le rapporteur devra rendre un  premier rapport reprenant les amendements retenus pour que la proposition soit votée fin mai à la Commission environnement du Parlement. Elle sera ensuite discutée en plénière au Parlement, avant de nouvelles négociations entre le Parlement, la Commission et le Conseil environnement.

« La proposition  sera satisfaisante si des objectifs de réduction ambitieux sont mis en place, couplés à des mesures nationales concrètes. Mais aussi s’il y a la possibilité de réviser à la hausse l’ambition de cette régulation pour aligner les objectifs globaux de l’Union Européenne à ses objectifs de long-terme », prévient Charlotte Vailles, chef de projet – Industrie, énergie et climat chez I4CE (Institute for Climate Economics). Car l’objectif européen sur la table est de réduire les émissions totales de 20% en 2020 par rapport à 1990 et d’au moins 40% en 2030. « La trajectoire retenue pour 2030 est la moins ambitieuse pour atteindre les objectifs de long-terme de l’Union européenne qui se situent dans une fourchette de réduction des émissions de 80 à 95% en 2050 par rapport à 1990», note l’experte. A ce train là, la réduction ne sera donc que de 80% en 2050.

Paquet Energie climat 2030 vs 2020

Sur la période 2013-2020, l’objectif européen était d’atteindre une réduction de 10% par rapport à 1990 pour le secteur hors-SEQE. « Cet objectif global était divisé en objectifs nationaux, eux-mêmes traduits en allocations annuelles d’émissions suivant une trajectoire linéraire entre 2013 et 2020 », note Charlotte Vailles. Les objectifs nationaux étaient calculés en fonction du PIB/habitant de 2005 par rapport à la moyenne européenne. Ils s’échelonnaient de -20% pour le Danemark, l’Irlande et le Luxembourg à +20% pour la Bulgarie. Des flexibilités étaient prévues pour remplir les objectifs annuels : le report de certains quotas d’une année sur l’autre, le transfert de certains quotas entre Etats et le recours aux mécanismes de projets du protocole de Kyoto (MDP et MOC). La mise en conformité avec les objectifs se faisait annuellement et les pays devaient communiquer tous les deux ans sur les politiques et mesures nationales mises en place pour respecter leurs objectifs.

En 2014, l’objectif de 2020 était déjà atteint, puisque les émissions couvertes par l’ESR étaient inférieures de 12,9% au niveau de 2005. Selon les projections, les émissions des secteurs hors SEQE vont rester en dessous des objectifs fixés pour 2020 dans la plupart des pays. « On estime que seulement 4 Etats [Autriche, Belgique, Irlande et Luxembourg] auraient besoin d’avoir recours à un mécanisme de flexibilité pour respecter leurs objectifs d’ici 2020 sans mesures additionnelles », prévient Charlotte Vailles.

Pour la période post-2020, la proposition de la Commission conserve le même principe. Les objectifs nationaux iront de -40 à 0% par rapport à 2005. La France a un objectif de -37%. Il y aura là encore des allocations annuelles d’émission. Mais cette fois-ci, le PIB/habitant n’est plus le seul facteur pour déterminer les objectifs des différents pays. Il y aura un ajustement relatif des objectifs pour les pays dont le PIB/habitant est supérieur à la moyenne de l’UE, pour tenir compte du rapport coût-efficacité de l’effort supplémentaire qui leur est imposé.

Il y a par ailleurs deux nouveautés. Le cycle de conformité est prévu tous les 5 ans et non plus chaque année. « Si cela réduit les coûts administratifs, cela augmente le risque de non-conformité et diminue la flexibilité du système », observe Charlotte Vailles. Le système prévoit également plus de transparence dans les transferts d’allocations entre Etats. Dans cette proposition, les Etats devront faire une déclaration publique d’intention d’acheter ou vendre des allocations.

Dans la proposition actuelle, les flexibilités existantes sont maintenues. Mais deux nouvelles flexibilités sont introduites : un lien avec les activités liées à l’utilisation des terres, au changement d’affectation des terres et à la foresterie (UTCATF) et le système communautaire d’échange de quotas d’émission. Les séquestrations nettes de certaines catégories comptables du secteur UTCATF peuvent être utilisées pour entrer en conformité. Mais dans une limite totale de 280 millions de tonnes de CO2 équivalent (MtCO2 eq) sur l’ensemble de la période. 9 Etats pourront par ailleurs annuler des enchères du SEQE pour entrer en conformité, dans une limite totale de 100 MtCO2 eq sur l’ensemble de la période. Mais plusieurs Etats réclament encore le renforcement ou la création de nouveaux mécanismes de flexibilité.

Par Matthieu Combe, journaliste scientifique

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