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Reportage

Informatique et épuisement des ressources naturelles

Posté le par La rédaction dans Environnement

L’Analyse du Cycle de Vie d’un produitt débute par l’extraction de ressources naturelles. C’est un aspect souvent passé sous silence qui est pourtant crucial surtout si l’on prend conscience que ni les avancées en matière d’éco-conception, ni le développement du recyclage des DEEE ne peuvent actuellement faire face à une demande de plus en plus pressante en équipements électroniques.

Pourquoi observe t-on une augmentation continuelle de la demande en équipements électroniques ? L’augmentation continuelle de cette demande est le fruit de plusieurs événements concomitants :

  • une augmentation de l’offre en occident induite par la réduction des coûts (industrialisation et délocalisation) et les avancées technologiques ;
  • la réduction de la durée de vie des équipements électroniques : pour des raisons marketing, de coûts de fabrication, on fabrique des équipements à durée de vie de plus en plus réduite (la durée de vie moyenne d’un ordinateur a chuté de 6 ans en 1997 à 2 ans en 2005) ;
  • si la production des équipements électroniques s’est déplacée vers des pays à bas coût de main d’œuvre (Asie du Sud-est essentiellement), la réparation d’un équipement se fait au plus près du consommateur où le prix de la main d’œuvre est dissuasif par rapport au prix d’achat du produit. Le consommateur préfère donc remplacer plutôt que faire réparer, le fabricant élaborer des produits jetables plutôt que durables dans le temps ;
  • l’émergence de pays aspirant au niveau de vie occidental augmente elle aussi la demande en produits électroniques, or l’équilibre entre ressources puisées dans le sol et consommation était jusqu’à maintenant maintenu car les pays occidentaux étaient les seuls à consommer ces réserves. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et dès 2005, selon le WWF, on aurait excédé les capacités de la Terre de 30%.

Les ressources en matières premières ne sont pas inépuisables !

Comme les énergies fossiles, les ressources naturelles en matières premières ne sont pas inépuisables. L’industrie électronique est très gourmande en matières premières (métaux, cristaux, eau, énergie…). Diverses études montrent que nous serions très proches de l’épuisement de ces réserves naturelles, beaucoup plus proches que nous le pensons. De plus, l’extraction de ces matières premières est en partie effectuée dans les pays du tiers monde (ou émergents), où les conditions sociales du travail sont très loin d’être les nôtres (comme nous l’avons déjà constaté en Asie du Sud-est pour la production d’équipements électroniques) et où les impacts environnementaux liés à ces exploitations causent de graves dommages à l’environnement et aux populations proches de ces zones d’exploitation.

Plus grave, comme dans le cas de l’extraction du coltane en République Démocratique du Congo, où l’exploitation de ce minerai largement utilisé dans les téléphones portables, les consoles de jeu, les ordinateurs portables et les réacteurs nucléaires, alimente une guerre pour le contrôle de cette ressource stratégique. (voir : La guerre du coltan fait rage au Congo (infosud.org)

Matières premières nécessaires à la fabrication d’un ordinateur portable

Les données se basent sur le dossier de PCMAG.com (anglais). Quelques éléments dont la fin de vie serait programmée à court terme et entrant dans la composition des équipements informatiques et les installations connexes (classés par date de disparition estimée) :

  • le terbium (Tb) est la première ressource fossile à disparaître (2012). Substance phosphorescente pour tubes cathodiques, activateur des phosphores verts pour tubes cathodiques sous forme d’oxyde Tb2O3.
  • le hafnium (Hf) : les gisements exploitables à un coût admissible seront épuisés en 2018. On le trouve dans les processeurs, isolant remplaçant le dioxyde de silicium SiO2.
  • l’argent (Ar) : épuisement prévu entre 2021 et 2037. Il est utilisé dans l’industrie (électricité, électronique, brasures, soudures et autres alliages : 41%).
  • l’antimoine (Sb) : épuisement prévu en 2022 ; composant de plaques d’accumulateurs plomb-acide (courant secouru), des semi-conducteurs : InSb, GaSb utilisés pour la détection dans l’infrarouge, pour les sondes à effet Hall (détection de champ magnétique), dans les processeurs, isolant remplaçant le dioxyde de silicium SiO2, sous forme d’oxyde Sb2O3, il diminue la propagation des flammes dans les matières plastiques.
  • le palladium (Pd) : les gisements exploitables à un coût admissible seront épuisés en 2023. 13% de son utilisation est destinée à l’électronique : principalement utilisé pour la production de condensateurs multicouches en céramique (MLCC) qui entrent dans la fabrication de composants électriques, d’autres applications du type électro-déposition pour les connecteurs et les composants de puces pour les circuits électroniques, et les circuits intégrés hybrides existent également.
  • l’or (Au) : les gisements exploitables à un coût admissible seront épuisés en 2025 ; utilisé dans l’électronique au niveau des contacts pour ses propriétés de conductivité, d’inaltérabilité, d’inoxydabilité et sa finesse.
  • le zinc (Zn) : les gisements exploitables à un coût admissible seront épuisés en 2025 ; utilisé dans l’électronique comme par exemple dans la fabrication des « magnetic random access memory » (MRAM).
  • l’indium (In) : les gisements exploitables à un coût admissible seront épuisés en 2025 (voire 2018) ; utilisé massivement depuis peu dans le cadre de la fabrication des écrans LCD ; mais il semble qu’il pourrait être remplacé par des matériaux de nanotechnologies comme le graphène (cristal de carbone).
  • le plomb (Pb) : les gisements exploitables à un coût admissible seront épuisés en 2030 ; 71% de la production sert dans le fonctionnement des batteries.
  • le tantale (Ta) : les gisements exploitables à un coût admissible seront épuisés en 2038 ; la plus grande utilisation du tantale, sous forme de poudre métallique, est faite dans la fabrication des composants électroniques, et principalement des condensateurs. On trouve des condensateurs au tantale dans les télé-avertisseurs et les ordinateurs personnels.
  • le cuivre (Cu) : les gisements exploitables à un coût admissible seront épuisés en 2039 ; avec 55% d’utilisation, il est essentiellement mis en œuvre dans l’industrie électrique (câbles, bobinages).
  • l’uranium (U) : fin probable estimée dans une fourchette allant de 2025 à 2060 ; essentiel à notre production électrique, ce qui doit nous inciter encore plus à modérer notre consommation par tous les moyens possibles. Selon « Uranium Resources and Nuclear Energy » du Energy Watch Group (2006-12), une pénurie d’uranium pourrait se produire dès 2015.
  • le nickel (Ni) : les gisements exploitables à un coût admissible seront épuisés en 2048 : utilisé dans les batteries (piles bouton pour BIOS, batteries d’ordinateurs portables)
  • le pétrole : les gisements exploitables à un coût admissible seront épuisés en 2050 ; le pétrole entre dans la fabrication des plastiques utilisés dans les équipements informatiques. En outre, il entre dans le cycle de vie du produit, de sa fabrication à son recyclage
  • le platine (Pt) : les gisements exploitables à un coût admissible seront épuisés en 2064 ; utilisé dans les industries électroniques et électriques

Quelle proportion de recyclage pour les éléments que nous consommons ?

Quelle est la proportion des éléments que nous consommons provenant de la filière du recyclage, toutes industries confondues :

  • Plomb : 72%
  • Aluminium : 49%
  • Or : 43%
  • Germanium : 35%
  • Nickel : 35%
  • Cuivre : 31%
  • Etain : 26%
  • Zinc : 26%
  • Chrome : 25%
  • Tantale : 20%
  • Gallium : 0%
  • Indium : 0%
  • Phosphore : 0%
  • Platine : 0%
  • Uranium : 0%

Cependant, certaines voix s’élèvent contre ce scénario alarmiste (voir l’article « Épuisement des mines : aux sources du mythe » ci-dessous). Dans cette bataille d’experts, il est bien difficile de se faire une idée précise de la situation. Mais nous pouvons tirer un certains nombre de conclusions de ces points de vues divergents :

  • les ressources naturelles constituent un stock fini et donc pas inépuisable ;
  • nous sommes sans doute en train de vivre la fin de l’exploitation des gisements faciles ;
  • les gisements futurs seront plus difficiles à exploiter, ce qui ne sera pas sans conséquences sur l’environnement ;si la demande continue de croître et qu’en même temps les ressources sont de plus en plus difficiles à extraire, le coût des matières premières va s’envoler de manière durable ;

Par Eric Drezet

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