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Décryptage

La Commission attentiste sur le gaz de schiste

Posté le par La rédaction dans Environnement

[Europe]

Bruxelles ne prévoit pas de légiférer sur l'extraction de ce gaz. Aujourd'hui, l'exécutif juge les règles européennes et nationales suffisantes.

Le sujet est écologiquement sensible. Chaque État étant libre de décider de son bouquet énergétique, la Commission européenne hésite donc à se prononcer sur le gaz de schiste. En Europe, tous les pays cherchent à sécuriser leur approvisionnement en énergie et ce gaz fait parfois figure d’alternative. Certains Etats ont d’ailleurs été contraints de prendre position récemment.

A l’issue d’un débat houleux, le Parlement français a décidé, en juillet 2011, d’interdire l’utilisation de la principale technique d’extraction du gaz de schiste. Trois permis d’exploration ont été abrogés. Depuis janvier 2012, la Bulgarie a rejoint le camp français. En Allemagne, les régions attendent les résultats d’une étude sur l’impact environnemental avant de décider de poursuivre ou non les projets d’extraction.

Au contraire, la Pologne rêve déjà de devenir le “Qatar de l’Europe centrale”, confie une source diplomatique. Les premiers projets d’exploration devront débuter en 2013. L’Europe, unie dans la diversité … De son côté, le Parlement européen a commencé à s’intéresser aux risques environnementaux de l’extraction et publié une étude en juillet 2011. Certains députés veulent des règles communes pour encadrer les activités d’exploration. D’autres vont plus loin et appellent à une interdiction européenne de l’extraction du gaz de schiste pour des raisons de protection de l’environnement. Une option exclue par la Commission, qui réaffirme en janvier 2012 “qu’elle n’a nullement l’intention d’interdire l’exploration du gaz de schiste en Europe ».

Toutefois, les approches divergentes entre les États et les craintes formulées par les écologistes sur la manière dont ce gaz est exploité semble avoir finalement obligé la Commission à s’intéresser au cadre réglementaire en place.

Pas d’urgence

Les conclusions d’une étude commanditée par la direction générale de l’énergie, dévoilée vendredi 27 janvier, indiquent le chemin que l’exécutif compte prendre ces prochaines années. Selon le commissaire en charge de l’énergie Günther Oettinger, “l’étude confirme qu’il n y a pas de besoin immédiat de modifier la législation européenne”.

Le résultat principal de l’étude, qui porte sur la réglementation européenne et les règles applicables en France, en Allemagne, en Suède et en Pologne, est clair. « Ni au niveau européen, ni au niveau national, nous n’avons constaté de lacunes significatives dans le cadre légal actuel », écrivent les experts.  La liste des textes réglant les différentes phases de l´exploitation est longue. L’attribution des permis aux opérateurs est couverte par la directive sur les hydrocarbures.

La directive cadre sur l’eau définit les règles de base à respecter pour la protection de l’eau. L’utilisation des substances chimiques lors de l’extraction du gaz de schiste est réglementée par la directive REACH sur les produits chimiques…  Aujourd’hui satisfaisant pour la Commission, le cadre réglementaire pourrait ne plus l’être dans quelques années. Les activités d’exploration se limitent actuellement à une dizaine de projets d’expérimentation  dans des pays comme la Suède, la Pologne et en Allemagne.

Ainsi, si l’Europe décidait de se servir de cette ressource énergétique autant que les États-Unis – où l’exploitation commerciale du gaz de schiste compte actuellement pour plus d’un quart de la production gazière nationale – les effets cumulatifs d’une multitude de site d’exploitations devraient être examinés de plus près, expliquent les auteurs de l’étude publiée par la Commission. C’est pourquoi, Günther Oettinger a annoncé surveiller de près l’évolution dans les États membres pour s’assurer que le cadre légal reste approprié.

Risques maitrisables?

Cette attitude attentiste ne satisfait guère les écologistes. Neuf eurodéputés du groupe des verts au Parlement européen déplorent l’inactivité de la Commission et l’ont appelé, dans une lettre datée du 30 janvier, à améliorer la réglementation européenne. Pour Greenpeace Europe, il est également temps d’agir, car même des projets à petite échelle comportent des risques considérables. “Avant de lancer des projets d’exploration, nous devons savoir exactement dans quelle aventure s’embarquent les compagnies du secteur de l’énergie”, déclare Frauke Thies, chargée des politiques énergétiques pour l’ONG. Jusqu’à voir plus clair, toutes les activités d’exploration devraient ainsi être arrêtées.

Certains scientifiques ne vont cependant pas aussi loin. “Les risques peuvent être maîtrisés techniquement”, estime Ingo Kapp du centre de recherche géologique de Potsdam (GFZ). En Allemagne, la facturation hydraulique est employé pour l’exploitation d’autres types de ressources que le gaz de schiste depuis les années 1960. Aucun incident majeur sur l’environnement n’a été enregistré par les autorités, selon l’institut fédéral des sciences géologiques (BGR) qui conseille le gouvernement allemand.

Juge et partie

L’étude publiée par la Commission révèle une autre faille dans les règles en vigueur. Les évaluations de l’impact environnemental ne sont pas toujours obligatoires pour les activités d’exploration, et les consultations publiques sont rares. Les quantités exploitées dans le cadre d’une simple exploration sont inférieures aux seuils critiques au-dessus desquels l’impact environnemental doit impérativement être évalué.

Ainsi, pour Mathias Altman, co-auteur de l´étude du Parlement européen, il serait opportun d’abaisser les seuils inscrits dans la directive européenne sur l’évaluation des incidences sur l’environnement (EIE). Selon la direction générale de l’énergie, ce n’est pas nécessaire, les États étant déjà tenus de faire, quoi qu’il arrive, un « examen préalable » (screening) des projets d’extraction, c’est-à-dire une procédure moins approfondie. Mais dans ce cas là, les Etats eux-mêmes jugent s’il est nécessaire d’aller plus loin et de procéder à une étude d’impact. Une manière d’être juge et partie.

Par Julian Schorpp

Source : EurActiv.fr

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