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Décryptage

« Le Bilan Carbone est avant tout un outil »

Posté le par La rédaction dans Environnement

[Interview] Bertrand Swiderski, CONVIS

Bertrand Swiderski, consultant au sein de la société CONVIS, élabore, avec ses clients, des démarches de développement durable dans les entreprises. Parmi les différentes formes que peut prendre effectivement cette démarche, la réalisation d’un diagnostic gaz à effet de serre, via l’outil bilan carbone, est souvent incontournable. Entretien.

Instantannés Techniques : Quelles est la place du Bilan Carbone dans le diagnostic gaz à effet de serre ?

Bertrand Swiderski : Le Bilan Carbone de l’ADEME fonctionne comme un véritable outil pour faire ces « diagnostics gaz à effet de serre ».

Le Bilan Carbone tel que proposé par l’ADEME est-il certifié ?

Pas du tout. C’est plutôt un outil franco-français, développé par l’ADEME. On pourrait dire que le seul défaut de cet outil est qu’il n’est pas international. Certains de nos clients nous demandent d’utiliser le GHG (GreenHouse Gas) Protocol, qui est un outil équivalent, fourni par l’ONU. C’est un outil beaucoup plus international, même s’il est moins ergonomique que le bilan carbone. Aujourd’hui, une entreprise française ayant des clients étrangers devra jongler entre les deux outils.

Utiliser la méthode Bilan Carbone nécessite une formation. Pour autant, s’agit-il d’un outil réservé aux experts ?

Oui. La formation est importante car elle permet de comprendre comment récupérer les données, et les utiliser dans l’outil. C’est clairement un outil destiné à des experts, même s’il se résume finalement à une table excel.

Quel est l’intérêt pour les entreprises d’entreprendre une évaluation « diagnostic gaz à effet de serre » ?

Le diagnostic gaz à effet de serre sur une activité industrielle, ou une activité tertiaire d’ailleurs, va permettre d’étudier les émissions de ces mêmes gaz à effet de serre. Ces émissions peuvent être liées à l’utilisation d’un bâtiment, ou d’un outil industriel. Le diagnostic gaz à effet de serre permet de mettre en valeur les émissions globalement, mais aussi à travers différents postes. C’est intéressant pour évaluer la stratégie pour l’entreprise en termes d’amélioration continue des résultats de ces bilans.

Quelle va être la typologie de votre clientèle, au niveau de la démarche ?

Certaines entreprises vont faire cette démarche après une demande explicite d’un client, cela représente une grande partie de notre clientèle. Après, certains de nos clients sont plus sensibles à cette démarche et demandeurs. Les aides allouées pour encourager la démarche ont aussi permis à certains de franchir le cap. L’obligation pour les entreprises de plus de 500 salariés d’effectuer ce bilan carbone est évidemment une raison supplémentaire. Aussi, certaines entreprises sont déjà dans une démarche d’affranchissement progressif vis-à-vis des énergies fossiles, vis-à-vis du développement du mix énergétique plus généralement.

Il y a donc clairement un aspect économique pour vos clients ?

La contrainte écologique marche bien, la contrainte économique marche mieux. Pour ces deux entreprises, le PNAQ a permis de transformer une contrainte en opportunité. Ces investissements deviennent rentables grâce à la location de quota. Depuis Kyoto, la France a mis en place le PNAQ (plan d’allocation national des quotas) : 1 100 entreprises ont un quota d’émissions de CO2. Quand elles dépassent ce quota, elles sont dans l’obligation d’acheter des crédits carbone, de compenser financièrement ce dépassement. La mise en place de PNAQ a eu beaucoup d’effets dans les entreprises. L’aspect économique est donc devenu un enjeu, de plus en plus important. Pour l’entreprise, la dépendance aux énergies fossiles devient non seulement pénalisante au niveau économique, via les crédits carbones, mais elle le devient également sur le plus long terme, car elles se raréfient dangereusement. Dans ce sens là, le Bilan Carbone est un outil de prospective intéressant.

Quelle va être la démarche pour les entreprises financièrement très pénalisées par la mise en place du PNAQ ?

Nos clients investissent fortement pour réduire leurs émissions. L’un de nos clients, qui entre dans la troisième année de mise en place du projet de réduction des émissions, a déjà fortement réduit ces dernières. Au bout de quatre ans, les résultats annuels pondérés sur ces quatre dernières années devraient être inférieurs aux quotas alloués. L’entreprise en question a investi dans une chaudière bois intégrale à la place du chauffage au gaz. Bien sûr, il s’agit d’une entreprise énorme, hyper consommatrice d’énergie. L’investissement était de quatre millions d’euros. Pour une autre entreprise, la solution est passée par la mise en place d’un dispositif de cogénération, afin de réduire fortement sa consommation de gaz, tout en produisant de la vapeur d’eau et de l’électricité.

Peut-on imaginer que le PNAQ s’applique, à terme, à toutes les entreprises ?

C’est l’idée… Pour les plus petites entreprises, la démarche mérite d’être adaptée. On semble se diriger vers une prise en compte d’une partie du diagnostic gaz à effet de serre pour établir des exigences cohérentes écologiquement et économiquement. Une ISO vient de sortir, avec trois scopes de résultats. Le Bilan Carbone comme le GHG permettent d’extraire des données selon ces trois scopes. On peut donc imaginer une taxation sur un de ces scopes là.

Quelle va être le suivi de la démarche « diagnostic à effet de serre » dans une entreprise, au-delà du dit diagnostic ?

Quand on établie un diagnostic gaz à effet de serre, on établie par la suite un tableau de bord, qui va mesurer l’évolution des émissions de CO2. Bien sûr, on va pondérer les émissions par rapport à la production de l’entreprise elle même. Quand les entreprises produisent moins, elles polluent moins. Le diagnostic se fait tous les deux ans.

Les entreprises s’intéressent également à l’empreinte carbone des produits qu’elles fabriquent…

Oui. Mais l’outil de l’ADEME ne permet absolument pas d’évaluer l’empreinte écologique d’un produit. Les entreprises craignent beaucoup la mise en place de l’étiquetage CO2. Maintenant, on parle plus d’étiquetage environnemental que d’étiquetage CO2. Du coup, elles font la démarche pour évaluer par quels biais elles pourraient réduire leurs émissions. Les transports de marchandise sont une source d’émission importante, donc nous sommes très sollicités sur ce type de réflexions. Sur le site de l’Afnor, on trouve les modalités de calcul de l’empreinte écologique d’un produit. On s’est rapproché d’une ACV (analyse du cycle de vie) simplifiée. Hormis le CO2 émis, elle prend en compte la consommation d’eau, rejets d’eau, émission de polluants…

Qu’est-ce qui a changé dans la démarche de vos clients depuis la mise en place de ces outils d’aide à l’évaluation des émissions polluantes ?

L’obligation pour les entreprises, la probabilité de la généralisation de ce type de démarche, fait évoluer les motivations de notre clientèle. Avant, nous étions destinés à des gens qui voulaient être vertueux, maintenant nous sommes plus dans une relation client / fournisseur.
Au-delà de la généralisation du bilan carbone pour les entreprises de plus de 500 salariés, quelles décisions du Grenelle jugez vous impactantes, au niveau des entreprises avec lesquelles vous collaborez ?
La collecte des déchets organiques obligatoires est une avancée énorme. Trois grosses usines se construisent autour de Paris rien que pour ça. Au niveau des industriels, la réflexion est complète, puisque traiter les déchets séparément est quelque chose de très nouveau. Toute une chaîne se met en place.

C’est plutôt positif…

C’est même une révolution. Après, il faut faire attention. Le Grenelle peut nous faire beaucoup de bien comme beaucoup de mal. Si rien ne change après les décisions du Grenelle, il risque d’y avoir une remise en cause de l’importance que l’on accorde à l’écologie.

Propos recueillis par P.T

EN SAVOIR PLUS :

Le bilan carbone obligatoire pour les entreprises :
Bilan Carbone obligatoire pour les entreprises de plus de 500 personnes. Le Parlement est allé plus loin que le Sénat en étendant l’obligation de réalisation du Bilan Carbone à toutes les entreprises de plus de 500 personnes quel que soit leur secteur d’activité (le texte du Sénat limitait l’obligation aux secteurs fortement émetteurs). Ce Bilan doit avoir été établi pour le 31 janvier 2012. Il est rendu public et doit être mis à jour au moins tous les trois ans (art.75).

Affichage environnemental et contenu carbone :
La loi Grenelle 2 prévoit aussi, en son article 228 des mesures qui devraient inciter de nombreuses entreprises, quelle que soit leur taille à s’intéresser à leur impact environnemental et en particulier, à leur empreinte carbone. Il s’agit des mesures concernant l’affichage environnemental des produits de grande consommation.
L’article 228 stipule notamment : À partir du 1er juillet 2011 « À partir du 1er janvier 2011 […] une expérimentation est menée […] afin d’informer progressivement le consommateur par tout procédé approprié du contenu en équivalent carbone des produits et de leur emballage […] qui sont imputables à ces produits au cours de leur cycle de vie.»

Pour aller plus loin

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