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Le bio pour sortir les agriculteurs de la crise ?

Posté le par Matthieu Combe dans Environnement

Au moment où les agriculteurs sont frappés de plein fouet par la crise, pourquoi ne pas passer à l'agriculture biologique ? Une nouvelle étude parue le 3 février 2016 dans la revue Nature Plants passe en revue une centaine d'études consacrées à l'agriculture biologique ces 40 dernières années. De quoi mettre en exergue ses avantages par rapport à l'agriculture conventionnelle.

En compilant les données provenant d’une centaine d’études, deux agronomes américains – John Reganold et Jonathan Wachter – ont comparé l’agriculture biologique à l’agriculture conventionnelle selon les 4 indicateurs de durabilité retenus par l’Académie nationale des sciences américaine : la productivité, l’impact environnemental, la viabilité économique et le bien-être social.

« Sur la base de données actuelles, nous soutenons que, bien que les systèmes en agriculture biologique produisent des rendements plus faibles qu’en agriculture conventionnelle, ils sont plus rentables et respectueux de l’environnement, et délivrent des aliments autant ou plus nutritifs avec moins ou pas de résidus de pesticides », affirment les auteurs de cette nouvelle étude. En outre, ils relèvent que les systèmes en agriculture bio semblent fournir de meilleurs services écosystémiques et ont des bénéfices sociaux supérieurs.

Productivité : Ne pas se cantonner à la question des rendements

Les principales critiques à l’encontre de l’agriculture biologique portent sur les rendements. De nombreuses études ont exploré les différences de rendements entre les agricultures bio et conventionnelle. Selon les méta-analyses compilées par les auteurs, les rendements en bio sont de 8 à 25 % plus faibles qu’en conventionnel. Néanmoins, les chercheurs soulignent que ces chiffres doivent être manipulés avec précaution, les résultats dépendant énormément des cultures, des pratiques agricoles et du climat.

Selon l’étude « The crop yield gap between organic and conventional agriculture » parue en 2012, les meilleurs rendements obtenus en agriculture biologique concernent le riz, le soja, le maïs et le trèfle. Les rendements n’y sont « que » de 6 à 11 % plus faibles qu’en agriculture conventionnelle. En revanche, les fruits et le blé s’en sortent le plus mal, avec des rendements inférieurs, respectivement, de 28 et 27 %. Une autre étude parue dans Nature en 2012 relève des rendements inférieurs de 37 % pour le blé et 33 % pour les légumes cultivés en bio.

Malgré ces chiffres, les auteurs restent optimistes sur l’intérêt de l’agriculture bio, car les fermes sont plus résilientes et les progrès dans les sélections de variétés pourraient lui permettre de rattraper son retard. « En cas de sécheresses sévères, qui risquent d’augmenter avec le changement climatique dans de nombreuses parties du monde, les fermes en gestion biologique ont souvent montré qu’elles avaient de meilleurs rendements que leurs homologues en conventionnel, grâce à une meilleure capacité de rétention en eau des sols », relèvent les deux agronomes. En outre, l’amélioration des techniques de culture et des semences pour les systèmes organiques pourrait également combler cet écart de rendement. »

S’intéresser au rendement est une chose, mais les productions sont-elles de qualité égale ? Les auteurs notent qu’une alimentation bio permet de diminuer l’exposition aux pesticides chimiques, notamment des enfants. En revanche, ils soulignent que l’impact sur la santé humaine d’une exposition à des résidus de pesticides chimiques demeure flou et que « les pesticides certifiés biologiques doivent être mieux identifiés et pris en compte » pour évaluer leur impact potentiel sur la santé humaine.

Par ailleurs, les auteurs se sont intéressés à 15 méta-analyses portant sur l’intérêt nutritionnel des produits biologiques et conventionnels. 12 de ces études relèvent des intérêts nutritionnels en faveur du bio grâce à des teneurs supérieures en vitamine C, antioxydants, omega-3, etc. Mais les écarts relevés sont faibles et ces résultats demeurent très débattus. Les trois autres études n’ont pas trouvé de différences nutritionnelles substantielles.

Environnement : avantage certain pour le bio

L’agriculture biologique présente un impact environnemental moindre, c’est certain. « « Par exemple, de telles études globales ont constaté que les systèmes en agriculture biologique ont toujours des sols présentant une teneur en carbone plus élevée, une meilleure qualité des sols et une moindre érosion des sols », relèvent les chercheurs. En outre, les fermes biologiques présentent généralement une plus grande biodiversité des plantes, des insectes, des animaux, des microbes et de la diversité génétique en général, ainsi qu’une plus grande variété de paysages. Cette biodiversité augmente les services rendus par la nature, comme la pollinisation.

Le bio présente d’autres avantages environnementaux : il ne participe pas à la contamination des eaux par les pesticides chimiques et les fermes sont généralement plus efficaces en énergie. Il relargue également moins de nitrates et de phosphore et moins de gaz à effet de serre par hectare. Mais du fait d’une productivité plus faible, cet avantage peut être inversé lorsque l’on fait le bilan par tonne produite.

Economie : Le bio est plus rentable

Les auteurs n’ont identifié qu’une seule étude portant sur les performances économiques des fermes bio comparées aux fermes conventionnelles. Cette analyse porte sur 40 ans de production couvrant 55 cultures sur les 5 continents.

Il en ressort que l’agriculture biologique est significativement plus profitable, de 22 à 35 % grâce à des prix plus rémunérateurs. Un avantage effacé si l’on alignait le prix des produits bio sur ceux du conventionnels. En absence de ce surcoût librement consenti par le consommateur, c’est l’agriculture conventionnelle qui est la plus rentable, de 23 à 27 %.

Prendre en compte les externalités négatives de l’agriculture conventionnelle (par exemple, la pollution par les pesticides chimiques) et les externalités positives de l’agriculture bio (par exemple, la hausse de la biodiversité) dans le prix des productions permettrait d’améliorer nettement la compétitivité du bio. Ainsi, une étude a estimé que le passage à une production 100% biologique en Grande Bretagne ferait baisser les coûts externes de l’agriculture de 75 %, passant de 1,96 milliards d’euros par an, à 498 millions.

Bien-être : des agriculteurs plus heureux

L’agriculture biologique diminue l’exposition des travailleurs agricoles aux pesticides chimiques, notamment dans les pays en développement où les équipements de sécurité sont très chers et pas toujours utilisés en conventionnel. Par ailleurs, elle permet des interactions sociales supérieures entre les fermiers et les consommateurs, un taux d’emploi supérieur et une meilleure coopération entre fermiers.

Les auteurs concluent que le bio devrait, à l’avenir, prendre une part plus importante dans la production agricole aux côtés d’autres alternatives respectueuses de l’environnement, telles que l’agroforesterie ou l’agriculture intégrée. Pour nourrir les 9 à 10 milliards d’habitants en 2050, plutôt que de s’intéresser à la seule question des rendements, les chercheurs proposent de lutter contre le gaspillage alimentaire, améliorer l’accès et la distribution des productions, arrêter les biocarburants alimentaires et diminuer la consommation mondiale de viande. Aujourd’hui, l’agriculture mondiale produit largement assez de calories pour nourrir l’ensemble des 7 milliards d’habitants. Mais la distribution des productions reste inégale : 1,9 milliards d’adultes sont en surpoids, 600 millions sont obèses, lorsque 793 millions sont sous-alimentés.

Par Matthieu Combe, journaliste scientifique

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