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Décryptage

Le désert de Gobi, nouvel eldorado pour l’éolien?

Posté le par La rédaction dans Environnement

Un grand groupe japonais souhaite que le désert de Gobi alimente la Chine, la Corée du sud et le Japon en électricité éolienne.

S’il est un endroit sur Terre où les parcs éoliens ne gênent pas le voisinage, ce sont bien les déserts. Compris entre le nord de la Chine et le sud de la Mongolie, le désert de Gobi pourrait devenir l’une des méga-fermes à électricité verte de l’Asie.

Personnellement très marqué par la catastrophe nucléaire de Fukushima et la détresse des habitants qui ont dû évacuer le secteur, le milliardaire japonais Masayoshi Son veut trouver des solutions afin que son pays produise l’électricité qui lui est nécessaire autrement qu’avec le nucléaire. Président Directeur Général et fondateur du holding japonais SoftBank Corp., numéro trois mondial des opérateurs de téléphonie mobile et opérateur exclusif de l’iPhone au Japon, Masayoshi Son s’associe à la très grande majorité de la population japonaise qui est aujourd’hui fortement opposée à cette énergie qui, sur cet archipel très sismique, fait peur.

Renouvelable, et bon marché

Pour que la transition énergétique soit acceptable et rapide, Masayoshi Son, homme d’affaires très expérimenté, a conscience qu’il convient que l’électricité verte soit compétitive et que l’installation des unités de production ne fasse pas l’objet d’oppositions locales.

Le potentiel de la géothermie est élevé au Japon (lire à ce sujet sur Techniques de l’ingénieur l’article « Japon : Vers une exploitation du potentiel géothermique de l’archipel»), mais le secteur du thermalisme, très développé au Japon, craint que l’utilisation des eaux chaudes pour la production électrique ne tarisse la ressource. Le solaire photovoltaïque offre de belles perspectives, mais à un coût à ce stade encore élevé. Etant donné l’absence de grands fleuves, le potentiel hydroélectrique japonais est limité.

Importer de l’électricité éolienne en provenance du désert de Gobi qui est, à vol d’oiseau, situé à environ 2.000 kilomètres de l’archipel japonais, s’avère l’option la plus solide. Bien plus pertinente économiquement, par exemple, que de construire des parcs éoliens offshore dans les eaux territoriales japonaises. Softbank et Newcom LLC, entreprise basée à Oulan Bator en Mongolie, viennent ainsi d’établir un partenariat afin de réaliser des études de faisabilité pour la construction de parcs éoliens au sein de ce grand désert.  C’est ce qu’a déclaré Naoki Nakayama, un porte-parole de SB Energy Corp., la division énergie de SoftBank, au  journal japonais Nikkei, le quotidien économique le plus important du monde.

Des centaines de kilomètres carrés de terrains relativement plats jouissant d’une très bonne ressource éolienne sont disponibles dans le désert de Gobi. On peut y envisager d’excellents facteurs de capacités, en moyenne environ deux fois supérieurs à ceux des parcs éoliens terrestres allemands. Il est ainsi possible d’envisager de produire un kWh éolien à un coût inférieur à 4 centimes d’euros.  

SofBank  et Newcom LLC vont examiner avant la fin de l’année un site dans le désert de Gobi qui pouvant accueillir un premier parc éolien de 300 MW. Les opérations pourraient commencer dès 2014. Le montant de l’investissement de ce parc pourrait s’élever à 626 millions de dollars (491 millions d’euros) selon le Nikkei.

Le  mercredi 7 novembre 2012, le producteur d’électricité Tepco a déclaré que le coût total de la catastrophe nucléaire de Fukushima, comprenant la décontamination et les dédommagements des victimes, pourrait atteindre les 100.000 millions d’euros. Ce qui plombe lourdement l’équation économique du nucléaire.

Objectif 7.000 MW

Trois autres sites éoliens du désert de Gobi sont dans la ligne de mire de SoftBank et Newcom LLC. Au total, ce ne sont pas moins de 7.000 MW qui sont en perspective, assez pour produire 24 TWh (milliards de kWh) par an dans l’hypothèse d’un facteur de capacité de 40%, ce qui est le cas sur les meilleurs sites. C’est équivalent à 2,4% de l’électricité consommée au Japon chaque année, grand pays industriel de 127 millions d’habitants qui engloutit deux fois plus d’électricité que la France.

A raison d’une densité éolienne de 10 MW par kilomètre-carré (hypothèse basse), la surface nécessaire est d’environ 700 kilomètres carrés, c’est-à-dire 0,05% de la surface du désert de Gobi, région semi-aride s’étendant sur 1,3 million de km2. Délimité par les montagnes de l’Altaï, la steppe de Mongolie, le plateau tibétain et la plaine du nord de la Chine, le désert de Gobi  offre un colossal gisement éolien. La Mongolie a la volonté de devenir un grand producteur d’énergie renouvelable, ce qui contribuera à son développement économique.

D’un point de vue théorique, une dizaine de projets semblables, occupant au total 0,5% de la surface du désert de Gobi, permettraient de répondre à un quart de la demande électrique japonaise.

Cap vers une “Asia Super Grid”

Transférer de l’électricité sur de très grandes distances n’est pas un problème avec la technologie HVDC (Courant Continu Haute Tension). Les pertes sont inférieures à 3% pour 1.000 km. Selon le groupe helvético-suèdois ABB, l’un des leaders du secteur qui domine la moitié du marché mondial, le coût du transport de l’électricité par câble HVDC sur 3.000 kilomètres, y compris si une partie de la ligne est sous-marine (pour relier Chine et Corée du sud en mer jaune, puis Corée du sud et Japon en mer du Japon) est inférieur à 1 centime d’euro par kWh. Le kWh éolien du désert de Gobi, transport compris, est donc très compétitif (5 centimes d’euro au total) par rapport au kWh gaz naturel que le Japon importe massivement par bateau méthanier (LNG), et au nucléaire japonais.

La montée en puissance de la Chine, de l’Inde et du Brésil a été un facteur clé pour l’émergence de l’HVDC terrestre. Tous trois ont en effet besoin de raccorder de très grands barrages hydroélectriques situés à plusieurs milliers de kilomètres des grandes villes, comme par exemple le barrage des Trois-Gorges en Chine, le plus grand du monde.

Ce nouveau marché a poussé ABB, Siemens et Areva TD (racheté par Alstom Grid) à développer des outils de très haute technologie permettant de travailler avec des tensions de 600 kV, puis de 800 kV. Les progrès sont rapides : nous sommes aujourd’hui entrés dans l’ère de l’ultra-HVDC (UHVDC), avec des tensions de plus d’un million de volts. La plus longue liaison HVDC du monde (2.600 km) est actuellement en construction en Inde, et opérera sous 1.100.000 volts.

Le PDG de Softbank souhaite qu’émerge un super-réseau électrique pan-asiatique. Un SuperGrid qui puisse abreuver en électricité verte la Mongolie, la Chine la Corée du sud et le Japon. Puis l’Inde et les pays du sud-est asiatique.  « Ce partenariat entre SoftBank et Newcom LLC est la première étape du plan Asia Super Grid », a déclaré Naoki Nakayama.

Tout comme l’Allemagne en Europe, en décidant de sortir du nucléaire, le Japon va probablement devenir l’un des principaux laboratoires à grande échelle des énergies vertes.

Une solution pour économiser l’eau douce

Contrairement au centrales thermiques, l’éolien a l’énorme avantage de ne pas consommer une seule goutte d’eau douce. Un atout très appréciable en Asie où cette ressource, vitale pour l’agriculture, l’industrie et les particuliers, devient de plus en plus précieuse.  

Par Olivier Daniélo
 

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Posté le par La rédaction


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