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Le projet Soultz ou la géothermie des roches fracturées

Posté le par La rédaction dans Environnement

Après plusieurs années de recherche et d'exploration du sous-sol alsacien, le projet expérimental de centrale géothermique de Soultz-sous-forêts a enfin vu le jour. Objectif : développer une nouvelle forme de géothermie dite "profonde des roches fracturées". Le point sur cette nouvelle technologie.

Le projet Soultz, situé à 50 km au nord de Strasbourg, est un projet de recherche à long terme qui vise le développement d’une nouvelle forme de géothermie (dite Géothermie profonde des roches fracturées ou géothermie HFR – Hot Fractured Rocks). Son objectif est de développer les techniques nécessaires pour extraire l’énergie contenue dans des roches fracturées profondes et chaudes, trop peu perméables pour constituer des réservoirs géothermiques classiques.

Le principe
Le principe de base est le suivant : il s’agit de profiter de la fracturation naturelle que présentent en profondeur certains sites pour créer un échangeur thermique profond et chaud, constitué d’un réseau de fractures dans lequel circulerait de l’eau injectée depuis la surface par un forage. L’eau se réchauffant au contact des roches serait ensuite captée par un ou plusieurs autres forages, puis réinjectée dans l’échangeur par le biais du premier forage après exploitation, en surface, de son contenu énergétique.Atteindre cet objectif permettrait d’accroître considérablement le potentiel d’énergie exploitable contenu dans le sous-sol, dans la mesure où les sites fracturés naturellement en profondeur sont relativement nombreux et sachant, qu’en théorie, 1 km³ de roches refroidi de 20 °C par circulation d’eau permet de libérer une quantité de chaleur équivalente à la combustion de 1.275 millions de tep. Ceci traduit bien l’importance des enjeux des recherches menées.

Le pilote de Soultz
A Soultz, la chaleur est recherchée entre 4.500 et 5.000 mètres de profondeur, là où la température des roches fracturées dépasse les 200 °C (Voir schéma ci-contre). L’eau présente est ramenée en surface grâce à une pompe de production. La température attendue du fluide naturel, une fois les 4,5 km parcourus dans le tubage, est d’environ de 180°C, le débit de 35 litres/s par puits de production.Une fois l’eau remontée, on lui enlève les calories en la diffusant à travers un échangeur de chaleur, elle est ensuite renvoyée dans son milieu d’origine par un puits d’injection. De retour à 5.000 m de profondeur, elle se fraye un chemin dans le réseau de fractures existant, pour s’y réchauffer avant d’être récupérée à nouveau par un des deux puits de production distants chacun d’environ 500 mètres du puits d’injection. On a créé ainsi une boucle de circulation.En surface, l’eau chaude récupérée réchauffe un fluide de travail qui fait tourner une turbine couplée à un alternateur électrique qui injecte l’électricité produite sur le réseau.

Historique du projet Soultz
Le projet est né d’un accord de coopération franco-allemand signé en 1987, suite à des travaux préliminaires conduits par le BRGM avec le soutien de l’Ademe pour la France et par le Geologisches Landesamt du Bade-Wurtemberg pour l’Allemagne. La Commission européenne s’est intéressée au projet et a contribué à son financement dès 1989. Le projet Soultz est soumis à chaque étape à une évaluation indépendante permettant de statuer sur la poursuite du programme. 

Les différentes étapes du projet
Ce projet est aujourd’hui le plus avancé au monde en termes de résultats acquis pour ce type de recherches. La mise en place d’un premier groupe turboalternateur de 1,5 MW est actuellement en cours. Les premiers kWh seront ensuite délivrés sur le réseau électrique.

Financement et organisation du programme
Le coût du programme s’est élevé à ce jour à environ 114 millions d’euros, dont 96 millions ont été investis également par la Communauté européenne, l’Allemagne et la France. Depuis 1995, le projet est conduit par un GEIE (le GEIE « Exploitation Minière de la Chaleur ») qui assure la maîtrise d’ouvrage. Il regroupe des industriels français et allemands producteurs et/ou distributeurs d’électricité. La présidence du GEIE est assurée par le Directeur Général d’Electricité de Strasbourg.De nombreuses équipes scientifiques françaises (BRGM, CNRS, universités) et allemandes (BGR, GGA, Mesy, GTC, Stadtwerke Bad Urach), mais aussi suisses, anglaises, japonaises, américaines participent aux travaux scientifiques. Elles sont pour la plupart regroupées ou représentées au sein de l’« European Hot Dry Rock Association » qui assure le pilotage et la coordination scientifique du projet.

Rôle de l’Ademe
L’Ademe est présente sur ce programme depuis son origine. Elle a contribué à sa naissance en 1987 dans le prolongement du programme de Géothermie Profonde Généralisée dont elle s’était vue confiée la coordination en 1984, par le Ministère de la Recherche.Elle a assuré l’essentiel du financement français et organisé les différents audits du programme aux étapes cruciales (Audit Centrale Management en 1992, Mission Curien en 1996, Audits technique et financier via un groupe d’experts indépendants en 2002).C’est aussi à l’Ademe qu’a été confiée en 1995 la mission de définir une structure de maîtrise d’ouvrage adaptée (Mission ERDYN Consultants). Cette mission a abouti en 1996 à la création du GEIE « Exploitation Minière de la Chaleur ». Enfin, l’ADEME a régulièrement contribué aux actions de communication réalisées autour du programme.

L’avenir
Les conditions hydrogéologiques un peu particulières nécessaires au développement de la technologie décrite limitent le potentiel économiquement accessible. Néanmoins, en Alsace, ces conditions semblent être réunies sur une superficie de 4.000 km², ce qui représente un potentiel d’énergie électrique à produire exploitable de façon pérenne de 2.000 à 3.000 MW, en limitant l’exploitation à 5 % environ de la surface favorable. Sur le reste du territoire français, des conditions assez similaires se retrouvent dans le couloir rhodanien et dans la plaine de la Limagne, avec des potentiels équivalents. Le potentiel global français pour une production pérenne à terme serait ainsi de 6.000 à 9.000 MW.Le calendrier prévisionnel pour l’émergence d’une véritable filière industrielle fondée sur cette technologie est aujourd’hui envisagé comme suit :
  1. La phase d’évaluation de la faisabilité économique (jusqu’à 2010). C’est le projet actuellement en cours à Soultz-sous-Forêts. Son objectif est de fournir les éléments qui permettront de déterminer les paramètres économiques de production, les stratégies de développement et de valorisation, les enjeux réels relatifs à l’exploitation de ces ressources géothermiques très profondes. Pour réduire les incertitudes et les risques, un programme d’essais de circulation longue durée doit être engagé à Soultz dans les prochains mois pour une durée de l’ordre de 2 ans.
  2. La phase de test industriel (prototype industriel) – horizon 2010-2020. En cas de validation des hypothèses technico-économiques étudiées dans la phase précédente, l’objectif sera de construire un premier module prototype de dimension et de structure véritablement industrielles, et de le tester pour en améliorer ensuite les performances et organiser la fabrication de série de modules standards. La puissance serait dans un rapport de quatre à cinq avec celle du pilote (25 MW).
  3. La phase de réalisation industrielle et de diffusion – après 2020. Elle consistera sur chaque site en des combinaisons de modules avec des valorisations adaptées aux débouchés. La standardisation des modules et le type de gestion industrielle permettent d’escompter des baisses de coût substantielles comme la démonstration en a déjà été faite en Toscane (Italie), en Islande, ou en Indonésie à la faveur d’exploitations géothermiques plus classiques.
 Le projet en chiffres– 21 années de recherches menées dans un cadre européen– 15 laboratoires de recherche impliqués et plusieurs centaines d’entreprises sous-traitantes– 430 publications scientifiques de rang A, 34 thèses de doctorat– Trois forages à 5.000 m (20.000 mètres forés, 60.000 m³ d’eau injectés en six grandes phases de stimulation des fractures)– 114 millions d’euros investisLe site de Soultz : Soultz.net Par Philippe Laplaige, responsable de la géothermie à l’Ademe

Cet article se trouve dans le dossier :

Géothermie : quelles opportunités ?

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  • Le projet Soultz ou la géothermie des roches fracturées

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