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Décryptage

Les cellules STAP existent-elles vraiment ?

Posté le par La rédaction dans Innovations sectorielles

Le suicide d’un des co-auteurs de l’étude sur ces nouvelles cellules pluripotentes jette encore plus le trouble sur la véracité des travaux parus dans la revue Nature.

Elle s’appelle Haruko Obokata. Elle a à peine 30 ans et dirige déjà une unité de recherche de l’Institut  public Riken, célèbre institut japonais à Kobé. En janvier 2014, elle est l’auteure principale de deux publications qui paraissent dans la prestigieuse revue Nature. Les travaux présentés concernent la fabrication de cellules pluripotentes à partir de cellules somatiques. Le procédé est ultra-simple, rapide, peu coûteux et les cellules initiales utilisées ne sont pas embryonnaires, évitant tout problème éthique. C’est une véritable révolution qui impressionne l’ensemble de la communauté en lien avec la médecine régénérative. La jeune chercheuse Obokata est immédiatement portée aux nues et devient une icône de la recherche japonaise.  

Cet engouement parait justifié tant la découverte est exceptionnelle. Imaginez. A partir de cellules somatiques adultes plongées dans un bain d’acide citrique pendant moins d’une demi-heure puis passées  en centrifugeuse cinq minutes, Haruko Obokata affirme obtenir des cellules pluripotentes. Ces cellules tant convoitées que l’on peut spécialiser  en a peu près n’importe quelle cellule du corps et ainsi régénérer un organe, de la peau, des neurones…Mieux, le rendement est inespéré puisqu’en appliquant cette technique à des globules blancs, un quart de ces derniers a montré un comportement de pluripotence au bout de  quelques jours. Un tiers d’entre elles a pu être reprogrammées, soit un rendement de plus de 8%. Bien mieux que les 1% obtenus par le professeur Yamanake et les cellules souches pluripotentes induites (iPS) qui lui ont valu le prix Nobel en 2012. 

Les études menées au Centre pour la biologie du développement par l’équipe du Pr Obokata portent sur la mise au point d’une méthode de production de cellules pluripotentes  en infligeant un stress à des cellules somatiques, les cellules non germinales qui forment la quasi-totalité du corps d’un organisme. Pensant que même des cellules de mammifères sont  capables de se reprogrammer par instinct de survie, mimant le mécanisme permettant la repousse de la queue d’un lézard par exemple,  les scientifiques planchent sur la nature du stress qui pousserait les cellules à un tel exploit. Les résultats publiés dans Nature valident cette théorie pour des cellules de souris. Les Cellules pour acquisition de pluripotence déclenchée par stimulus (STAP) sont officiellement nées. 

C’est la première fois que le phénomène est observé. Mais les cellules STAP vont encore bluffer les scientifiques puisqu’elles pourraient servir à la formation de tissu placental, impossible à obtenir à partir des cellules souches, iPS ou embryonnaires. Une compétence qui va encore plus loin que la pluripotence. Il s’agirait ni plus ni moins de totipotence, soit la capacité de se transformer en n’importe quelle cellule et de former un être vivant dans sa totalité. De quoi envisager le clonage à partir d’une unique cellule alors qu’aujourd’hui un ovocyte hôte est nécessaire.

Mais l’enthousiasme des scientifiques des quatre coins du monde va vite retomber. En effet, l’Institut Riken met en place un comité d’enquête suite à des signalements d’incohérences dans les articles de Nature : Haruko Obokata aurait-elle trichée ? Car les erreurs relevées paraissent peu fortuites et plutôt volontaires. Le comité s’est focalisé sur six points douteux et conclu que des images ont été falsifiées. C’est un véritable coup de tonnerre. D’autant que le Riken est impitoyable, écrivant qu’ « En mêlant des images issues d’expériences différentes et en utilisant des données antérieures, le professeur Obokata a agi d’une façon qui ne peut aucunement être permise. […]Les actions de Mme Obokata et la façon bâclée dont elle a géré ses notes nous conduisent à conclure qu’elle manque non seulement de sens éthique mais aussi d’humilité et d’intégrité ». 

Haruko Obokata s’est défendu en affirmant la réalité des cellules STAP, tout en reconnaissant des erreurs de forme dans ses publications. Le biologiste Yoshiki Sasai, entraîné dans la tourmente médiatique en tant que superviseur de la jeune chercheuse, n’a pas résisté à la pression et s’est donné la mort début août.

Alors, les cellules STAP sont-elles une vaste tromperie ? A ce jour, si l’Institut a officiellement dénoncé les visuels comme des faux, il n’a pas su dire si l’ensemble des recherches relève aussi de la fumisterie. Le Riken indique qu’il lui faudra pas moins d’une année pour vérifier le travail d’Haruko Obokata.

Par Audrey Loubens

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