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Décryptage

Les néonicotinoïdes toujours sur la sellette

Posté le par Matthieu Combe dans Environnement

L'Assemblée Nationale va examiner en deuxième lecture le projet de loi Biodiversité. Les députés devront notamment se prononcer sur l'interdiction des insecticides néonicotinoïdes. Retour sur un feuilleton français, mais aussi européen.

Les néonicotinoïdes, ces insecticides qui agissent sur les systèmes nerveux des abeilles, n’ont pas fini de faire parler d’eux. En mars 2015, l’Assemblée nationale avait voté deux amendements dans le projet de loi Biodiversité pour restreindre l’utilisation de cette famille d’insecticides, contre l’avis du gouvernement. Retirés en juillet 2015 par la Commission du Développement durable du Sénat, ils n’ont pas été réintroduits en séance lors de l’examen du texte en janvier 2016 par le Sénat. Les sénateurs ont également rejeté un amendement visant à étendre le moratoire européen existant sur 3 néonicotinoïdes à l’enrobage des semences des céréales d’hiver, conformément à l’avis de l’Anses du 7 janvier 2016.

Les sénateurs ont néanmoins adopté un amendement qui renvoie à un arrêté du ministre de l’Agriculture le soin de déterminer les conditions d’utilisation des néonicotinoïdes prenant en compte l’avis de l’Anses. Il s’agira de mieux encadrer les « usages en traitement de semences pour les céréales d’hiver et des usages en pulvérisation après la floraison sur vergers et vignes ». Ce texte devra être « pris dans les trois mois après la promulgation de la loi ». Un sous-amendement a également été adopté afin que le ministre prenne aussi en compte les « conséquences sur la production agricole au regard des alternatives de protection des cultures disponibles ».

Mais rien n’y fait. 62 députés reviennent à la charge et ont signé un nouvel amendement qui stipule que « l’utilisation des produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes, y compris les semences traitées avec ces produits, est interdite à partir du 1er janvier 2017 ».

Il semble néanmoins peu probable que cette interdiction puisse être décidée au niveau français. « Les décisions d’interdiction ne peuvent pas se prendre de cette manière, sur un amendement présenté au Parlement Français », relativise Maître Bernard Fau, Avocat à la Cour de Paris et Avocat de l’Union Nationale de l’Apiculture Française (UNAF). « Seule l’administration compétente en charge de ces questions selon les procédures mises en place par le réglement européen peut en décider », prévient-il. En revanche, le droit européen permet bien d’encadrer davantage les usages de ces produits en France.

Néonicotinoïdes : l’Europe schizophrène?

Sept substances néonicotinoïdes sont désormais autorisées dans l’Union Européenne. Depuis 2013, le règlement 485/2013 restreint l’usage de 3 néonicotoninoïdes (imidaclopride, clothianidine et thiaméthoxame) à l’enrobage de semences des céréales d’hiver uniquement et à la pulvérisation après la floraison des cultures attractives pour les abeilles. Mais ni les céréales à paille semées en hiver, ni les betteraves, ni les traitements en forêts ne sont concernés par cette interdiction. Par ailleurs, cette interdiction ne couvre que les usages précédant et pendant la floraison.  « Ces produits présentent pourtant une très grande persistance dans le sol, les rendant ainsi capables de contaminer les cultures suivantes ou les plantes adventices », prévient l’UNAF. La contamination des abeilles se poursuit donc.

En parallèle de ce moratoire, l’Europe a récemment autorisé deux nouvelles substances néonicotinoïdes. En juillet 2015, la Commission européenne autorisait le Sulfoxaflor de Dow Agrosciences, malgré les mises en garde de l’Efsa : « un haut risque pour les abeilles n’est pas à exclure pour les utilisations en champs ». L’EFSA a pointé l’absence de données sur le couvain, les abeilles sauvages et la mortalité des colonies. Des données absentes, similaires à ce qui avait entraîné le moratoire sur les 3 néonicotinoïdes en 2013… Tout en autorisant ce produit, la Commission demande des informations supplémentaires sur la toxicité à long-terme pour les abeilles. En Octobre 2015, la Commission autorisait la Flupyradifurone de Bayer CropScience, malgré l’absence d’une évaluation appropriée de sa toxicité chronique et sublétale pour les abeilles.

Francesco Panella, président de Bee Life, critique la schizophrénie des institutions européennes, qui restreignent l’usage de certaines molécules pour leurs risques pour les abeilles et les lacunes dans les évaluations des risques, tout en autorisant des molécules similaires, présentant les mêmes risques et lacunes.

Le feuilleton des néonicotinoïdes n’est pas prêt de s’achever.

Par Matthieu Combe, journaliste scientifique

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