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Décryptage

Probiotiques et obésité : des experts contre-attaquent

Posté le par La rédaction dans Environnement

Syndifrais (Syndicat national des fabricants français de produits laitiers frais) regroupe les fabricants, des secteurs privé et coopératif, de yaourts & laits fermentés, fromages frais, desserts lactés frais et crèmes fraîches. Suite aux études parues il y a peu et liant consomation de probiotiques et obésité, les experts à la Mission Scientifique de Syndifrais ont tenu à donner leur point de vue sur l'interprétation des résultats de ces études.

Nous assistons ces derniers jours à une multiplication des articles sur un lien supposé entre la consommation de probiotiques et l’obésité, allant jusqu’à une remise en cause de l’intérêt des produits laitiers pour la santé humaine. Des amalgames malheureux et des raccourcis trompeurs sont à l’origine de ces articles. Il est nécessaire et urgent de combattre les fausses rumeurs qui touchent à un champ de recherche aussi prometteur pour la santé humaine.

Depuis plusieurs années, des amalgames sont faits dans les média entre les études chez l’homme et les études chez l’animal, entre les études portant sur des probiotiques utilisés pour améliorer la croissance des animaux d’élevage et celles sur des probiotiques utilisés dans les produits laitiers. Ces amalgames peuvent être compréhensibles au vu de la complexité de la recherche dans ce domaine. Néanmoins, la communauté internationale est catégorique aujourd’hui : rien ne permet de conclure à un lien entre obésité et probiotiques. Les scientifiques internationaux les plus renommés dans ce domaine, regroupés au sein de l’Association Scientifique Internationale pour les Probiotiques et les Prébiotiques (ISAPP), ont conclu à cette absence de lien après une analyse approfondie de la littérature dès 2009.

Analyse critique de l’article paru dans la revue Microbial Pathogenesis, mai 2012 : ne confondons pas « croissance en bonne santé » et « obésité »

L’origine des articles parus ces derniers jours est la parution fin mai d’une méta-analyse  intitulée « Méta-analyse comparative des effets des espèces de lactobacilles sur la prise de poids chez l’homme et l’animal ». Elle a conclu à une association entre la consommation de certaines souches de probiotiques et une prise de poids. La prise de poids ne signifie pas obligatoirement une augmentation de la masse grasse : en particulier chez ces animaux en croissance (poulets, porcs), il s’agit surtout de muscles et d’os, pas de graisse.

En réalité, cette méta-analyse montre que :

  • Certaines souches de Lactobacilles ont des effets anti-obésité, chez des sujets minces ou en surpoids (six études chez l’animal, une étude chez l’homme).
  • Le probiotique L. fermentum, utilisés par des éleveurs de volailles ou autres animaux d’élevage, favorise la croissance des animaux et non l’augmentation de leur masse grasse. Pour rappel, cette espèce probiotique n’est pas présente dans les produits laitiers. Concernant l’espèce L. ingluviei, qui fait l’objet de plusieurs études traitées dans la méta-analyse, elle ne figure pas dans la liste des espèces autorisées en Europe pour l’alimentation animale.
  • Chez l’animal, le probiotique L. acidophilus a des effets différents selon l’espèce à qui il est donné : 4 études sur 11 rapportent un gain de poids (qui correspond, là encore, à une meilleure croissance et non un gain de masse grasse), les 7 autres études ne montrant aucune influence du probiotique sur le gain de poids.
  • Chez l’homme, les 2 seules études considérées dans la méta-analyse suggèrent que le probiotique L. acidophilus a des effets différents selon qu’il est consommé par des adultes ou des nourrissons : chez l’adulte, les variations de poids sont qualifiées de « négligeables » par les auteurs de l’étude. L’étude faite chez le nourrisson, qui date de 1952, comporte trop de biais pour être interprétable, comme l’auteur l’indique lui-même. Conclure des seuls résultats de cette étude que L. acidophilus serait un facteur favorisant l’obésité reviendrait à postuler que l’allaitement maternel favorise l’obésité des enfants…
  • Par ailleurs, les auteurs de la méta-analyse ignorent de nombreuses études portant sur l’impact de L. acidophilus sur le métabolisme humain, qui concluent à l’absence d’effet sur la prise de poids, voire à une perte de poids.

La consommation de laits fermentés et de yaourt ne fait pas grossir

Les études de consommation réalisées par le CCAF (Comportement et Consommation Alimentaire en France) montrent qu’il n’y a aucun lien entre consommation de laits fermentés et surpoids ou obésité. Au contraire, les résultats de ces études suggèrent que les personnes minces (IMC<18,5), consomment davantage de yaourts et de lait fermenté que le reste de la population.

Le yaourt fait l’objet en France d’une définition très précise quant aux bactéries qu’il contient : il s’agit exclusivement des espèces Streptococcus thermophilus et Lactobacillus bulgaricus. Ces bactéries, utilisées depuis des milliers d’années par l’homme dans les processus de fermentation du lait, n’ont jamais été mises en cause par des études scientifiques sur un quelconque lien avec une prise de poids.

Au contraire, des travaux récents montrent un rôle bénéfique des probiotiques sur la prévention de l’obésité :

  • Une étude finlandaise présentée au 17e Congrès Européen sur l’Obésité en mai 2009  montre sur 256 femmes que la prise d’une combinaison de probiotiques pendant la grossesse diminue très significativement l’apparition d’obésité abdominale un an après l’accouchement
  • Une autre étude  montre que les bébés qui possèdent un nombre élevé de bifidobactéries dans leur microbiote intestinal (de la naissance à 12 mois) sont moins nombreux à devenir obèses à l’âge de 7 ans.

Les produits laitiers participent à un meilleur équilibre alimentaire

La consommation de 3 à 4 produits laitiers est un des repères de consommation du Programme National Nutrition Santé. Les produits laitiers fermentés représentent une famille de produits très variés, ancrée dans la culture alimentaire française. Ils regroupent les yaourts, les fromages, les petits suisses… Ils sont une source de plaisir alimentaire importante, tout en apportant des nutriments essentiels à notre santé. Il nous semble important de le rappeler ici, car l’équilibre alimentaire est un facteur majeur de bonne santé tout au long de la vie.
La recherche sur les probiotiques et le microbiote porte de nombreux espoirs pour la santé humaine

Les produits laitiers fermentés comme le yaourt, les fromages ou les laits fermentés contiennent des bactéries aux propriétés bénéfiques utilisées depuis des centaines, voire des milliers d’années. Ces bactéries sont l’objet d’études scientifiques depuis le début du 20ème siècle.
Depuis 20 ans et l’amélioration des techniques de recherche scientifiques, le nombre d’études sur les probiotiques ne cesse d’augmenter. Les études scientifiques sont particulièrement prometteuses sur l’influence positive des probiotiques sur le système immunitaire et le système digestif, et les champs de recherche s’élargissent en permanence.

Nous devons prendre le temps de l’analyse et favoriser le partage de nos questionnements avec nos confrères. La diffusion d’informations alarmistes et erronées, ou au contraire trop élogieuses, peut conduire à des comportements alimentaires à risque, l’éviction ou la surconsommation de catégories d’aliments importants pour notre équilibre, pas seulement sur le plan nutritionnel.

Par Pr Jean-Louis Bresson, Dr. Jean Fioramonti, Dr Gérard Corthier, Dr Robert Ducluzeau

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