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Décryptage

Ressources fossiles et réalité géopolitique : tension maximale

Posté le par La rédaction dans Énergie

Le World Energy Outlook (WEO), publié annuellement par l'Agence Internationale de l'Energie, envisage les scénarii énergétiques de demain. Retour sur la cuvée 2014 du WEO, qui nous projette jusqu'à 2040. Retour vers le futur de l'énergie.

Le scénario proposé à travers l’édition du World Energy outlook 2014 scénario prévoit une augmentation de la demande énergétique mondiale de 37 % d’ici à 2040. Cependant, les développements liés à la croissance démographique et économique mondiale présentent une intensité énergétique moins élevée que par le passé. Ainsi, dans le scénario central, la hausse de la demande mondiale connaît un ralentissement significatif : après s’être maintenue à plus de 2 % par an pendant les vingt dernières années, elle passe à 1 % par an après 2025, en raison des choix politiques et des prix pratiqués ainsi que d’une réorientation structurelle de l’économie mondiale vers les services et les secteurs industriels légers.

La répartition mondiale de la demande énergétique connaît une transformation plus radicale : si la consommation d’énergie est essentiellement stable dans la majeure partie de l’Europe, ainsi qu’au Japon, en Corée du Sud et en Amérique du Nord, elle augmente dans le reste de l’Asie (60 % du total mondial), ainsi qu’en Afrique, au Moyen-Orient et en Amérique latine. Un jalon est franchi au début des années 2030, lorsque la Chine devient le plus grand pays consommateur de pétrole alors que les États-Unis voient leur consommation d’or noir retomber à des niveaux oubliés depuis des décennies. Mais, entretemps, l’Inde, l’Asie du Sud-Est, le Moyen-Orient et l’Afrique subsaharienne deviennent les moteurs de croissance de la demande énergétique mondiale.

À l’horizon 2040, le mix énergétique mondial se divise en quatre parts d’importance presque égale : le pétrole, le gaz, le charbon et les sources d’énergie à faibles émissions de carbone. Les ressources ne sont pas une contrainte pendant cette période, mais ces quatre piliers doivent relever chacun des défis différents. Les choix de politiques et les évolutions de marché entraînent une baisse de la part des combustibles fossiles, qui représentent un peu moins des trois quarts de la demande énergétique primaire en 2040.

Mais ceci ne suffit pas à enrayer l’augmentation des émissions de dioxyde de carbone (CO2) liées à l’énergie, qui augmentent d’un cinquième, menant à une trajectoire de hausse de la température moyenne mondiale de 3,6°C à long terme. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estime que pour limiter cette hausse à 2°C – l’objectif adopté au niveau international pour prévenir les répercussions les plus graves et les plus étendues du changement climatique – le monde ne devra pas émettre plus d’environ 1 000 gigatonnes de CO2 (à compter de 2014). Notre scénario central prévoit l’épuisement de ce budget à l’horizon 2040. Or, les émissions ne vont pas cesser soudainement une fois ce seuil atteint. Pour respecter l’objectif de 2°C, il est donc nécessaire de prendre des mesures d’urgence afin de mener le système énergétique sur une voie plus sûre.

La sécurité énergétique : une question de plus en plus préoccupante

L’image à court terme d’un marché pétrolier bien fourni ne doit pas cacher les défis à venir, car l’approvisionnement est de plus en plus dépendant d’un nombre relativement restreint de producteurs. La demande de pétrole évolue différemment selon les régions ; ainsi, pour chaque baril de pétrole qui n’est plus consommé dans les pays de l’OCDE, deux barils supplémentaires le sont dans les pays non-membres de l‘OCDE. L’augmentation de la consommation de pétrole pour le transport et la pétrochimie entraîne une hausse continue de la demande, qui passe de 90 millions de barils par jour (mb/j) en 2013 à 104 mb/j en 2040, même si les prix élevés et de nouvelles mesures politiques freinent peu à peu cette hausse de consommation globale qui s’approche d’un plateau.

Afin de répondre à la demande prévue, 900 milliards de dollars d’investissements par an seront nécessaires dans les années 2030 pour les secteurs pétrolier et gazier amont. Mais de nombreuses incertitudes demeurent quant à la réalisation de ces investissements en temps et en heure, surtout à partir du début des années 2020, lorsque les États-Unis voient leur production de pétrole de réservoir compact plafonner, puis leur production totale de pétrole commencer à baisser. De nombreux facteurs pourraient provoquer un manque d’investissements comparé aux besoins : le développement des gisements brésiliens en eaux profondes qui est complexe  et nécessite des capitaux importants, le développement du pétrole de réservoir compact aux Etats-Unis difficile à reproduire à une échelle identique en dehors de l’Amérique du Nord, les questions non-résolues qui affectent la croissance de la production des sables bitumeux canadiens, les sanctions qui restreignent l’accès de la Russie aux technologies et aux marchés de capitaux, et, surtout, les défis politiques et sécuritaires en Irak. La situation au Moyen-Orient est très préoccupante, car de nombreux pays dépendent de plus en plus de cette région pour satisfaire leurs besoins croissants en pétrole. Ceci est particulièrement vrai pour les pays d’Asie, destination des deux tiers des barils de brut importés dans le monde en 2040.

La demande de gaz naturel augmente de plus de moitié et connaît la croissance la plus rapide de tous les combustibles fossiles. D’autre part, un marché mondial du gaz naturel liquéfié (GNL) de plus en plus flexible permet de réduire les risques de rupture d’approvisionnement. Si la Chine et le Moyen-Orient sont les principaux moteurs de la hausse de la demande mondiale de gaz, ce combustible prend également la première place dans le mix énergétique de l’OCDE vers 2030, dû notamment à l’adoption par les États-Unis de nouvelles réglementations limitant les émissions liées au secteur de l’électricité. Contrairement au pétrole, la production de gaz augmente presque partout (à l’exception notable de l’Europe), et le gaz non conventionnel représente près de 60 % de la hausse de la production mondiale. La principale incertitude (hormis pour l’Amérique du Nord) est de savoir si le gaz peut être proposé à des prix intéressants pour les consommateurs tout en atteignant un niveau suffisant pour attirer les investissements de grande ampleur nécessaires à son approvisionnement. Cette question est au cœur des réglementations nationales de nombreux marchés émergents hors OCDE, notamment en Inde et au Moyen-Orient, et soulève des préoccupations sur le marché international. Les besoins en importations seront amenés à s’intensifier dans une grande partie de l’Asie et en Europe.

Néanmoins, les inquiétudes relatives à la sécurité de l’approvisionnement futur en gaz sont en partie dissipées par l’augmentation du nombre de fournisseurs internationaux, la multiplication par près de trois des sites de liquéfaction dans le monde et la part grandissante de GNL qu’il est possible de réorienter afin de répondre aux besoins à court terme de marchés régionaux toujours plus interconnectés.

Alors que le charbon est abondant et que son approvisionnement est assuré, sa consommation future sera limitée par des mesures de lutte contre la pollution et de réduction des émissions de CO2. La demande mondiale de charbon augmente de 15 % jusqu’en 2040, mais près des deux tiers de cette hausse se concentrent sur les dix prochaines années. La demande chinoise de charbon se stabilise juste au-dessus de 50 % de la consommation mondiale, puis elle retombe après 2030. La demande baisse au sein de l’OCDE, y compris aux États-Unis, où l’utilisation de charbon pour la production d’électricité chute de plus d’un tiers. L’Inde dépasse les États-Unis pour devenir le deuxième consommateur mondial de charbon avant 2020, et par la suite, détrône la Chine pour devenir le premier pays importateur. Les faibles prix actuels du charbon ont contraint les producteurs du monde entier à réduire leurs coûts, mais l’abandon des unités de production coûteuses et l’augmentation de la demande devraient entraîner une hausse des prix suffisamment importante pour attirer de nouveaux investissements.

La Chine, l’Inde, l’Indonésie et l’Australie représentent à elles seules plus de 70 % de la production mondiale de charbon à l’horizon 2040, ce qui souligne l’importance de l’Asie sur les marchés du charbon. L’adoption de centrales à charbon plus efficaces et, à plus long terme, de technologies de capture et stockage de carbone pourrait garantir une transition sans heurts vers un système énergétique à faibles émissions de carbone. Et ceci, tout en réduisant les risques que les capacités de production électrique doivent être abandonnées avant le recouvrement des coûts d’investissement.

Des prix et des politiques appropriés pour un mix énergétique plus efficace

L’efficacité énergétique est un outil essentiel pour diminuer la pression qui s’exerce sur l’approvisionnement énergétique. Elle peut en outre partiellement réduire l’impact des disparités régionales des prix sur la compétitivité. Dans de nombreux pays, les questions d’efficacité énergétique connaissent un regain d’attention, le secteur des transports se trouvant en première ligne. Aujourd’hui, plus des trois quarts des ventes mondiales de voitures sont soumis à des normes d’efficacité, et la demande de pétrole pour les transports ne devrait augmenter que d’un quart, alors que le nombre de véhicules légers et de poids lourds en circulation dans le monde fait plus que doubler d’ici 2040.

On estime que les nouveaux efforts d’efficacité mis en œuvre permettent de réduire la croissance de la demande totale de pétrole de 23 mb/j en 2040, soit plus que la production de pétrole actuelle cumulée de l’Arabie Saoudite et de la Russie. D’autre part, les mesures liées principalement aux secteurs de la production d’électricité et de l’industrie réduisent la hausse de la demande de gaz de 940 milliards de mètres cubes, une valeur supérieure à la production actuelle de gaz de l’Amérique du Nord. En plus de réduire la facture des importations d’énergie et l’impact environnemental, les mesures en faveur de l’efficacité énergétique peuvent en partie apaiser les craintes de certaines régions dépendantes des importations d’énergie, qui voient leurs industries énergivores souffrir d’un désavantage compétitif en raison de prix relativement élevés du gaz naturel et de l’électricité. Mais les disparités régionales des prix de l’énergie sont amenées à perdurer, et l’Amérique du Nord en particulier reste une région où les coûts demeurent relativement faibles jusqu’en 2040. La somme moyenne déboursée pour une unité d’énergie aux États-Unis devrait même devenir inférieure à celle dépensée en Chine au cours des années 2020.

En 2013, les subventions allouées aux combustibles fossiles représentaient 550 milliards de dollars, soit plus de quatre fois la somme des subventions aux énergies renouvelables, ce qui freine les investissements en faveur de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables. Au Moyen-Orient, près de 2 mb/j de pétrole brut et de produits pétroliers sont utilisés pour la production d’électricité, alors qu’en l’absence de subventions, les principales technologies d’énergie renouvelable seraient compétitives face aux centrales au fioul. En Arabie Saoudite, on estime actuellement à 16 ans la durée nécessaire pour compenser la différence de prix à l’achat d’une voiture deux fois plus efficace que la moyenne actuelle grâce à des dépenses inférieures en carburant. Cette durée serait ramenée à 3 ans si l’essence n’était pas subventionnée. Réformer les subventions aux énergies fossiles n’est pas simple, et il n’existe pas de formule unique garantissant la réussite. Néanmoins, comme le montrent nos études de cas sur l’Égypte, l’Indonésie et le Nigeria, il est essentiel : d’être clair sur les objectifs et les calendriers de réformes, d’évaluer soigneusement leurs effets, de rechercher des moyens de les atténuer (si besoin), de procéder à des consultations approfondies et de communiquer clairement à toutes les étapes du processus.

Source : Agence internationale de l’énergie

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