Logo ETI Quitter la lecture facile

Décryptage

« Il y a un décalage entre la réalité économique des acteurs et une population de candidats très motivés »

Posté le par La rédaction dans Environnement

[Interview] Nicolas Leroy

Nicolas Leroy est directeur de la division Ingénieurs et Techniciens du cabinet de recrutement Michael Page. Il nous explique la situation de l'emploi dans les énergies renouvelables en ce début d'année 2011.

Nicolas Leroy est directeur de la division Ingénieurs et Techniciens du cabinet de recrutement Michael Page. Il est en charge des activités concernant le recrutement des ingénieurs, en CDI (Michael Page International) et sur l’intérim management (MPIM) dans le secteur industriel, et encadre une dizaine de consultants.

Techniques de l’ingénieur : Quelles sont les perspectives d’emploi dans les énergies renouvelables ?

On constate un fort ralentissement par rapport à l’an dernier. Notamment en raison de la dépendance de la filière à l’État, qui décide de la soutenir, ou non. Les perspectives d’endettement de l’État posent un certain nombre de questions par rapport à la pérennité du secteur. Dans l’éolien, notamment offshore, l’emploi reste très dynamique. Par contre, le photovoltaïque a subi un véritable « coup de massue » avec le rachat de l’énergie à un tarif inférieur. Les EnR constituent une filière très « perfusée », qui dépend de la confiance qu’on lui accorde et des perspectives. Les récents évènements concernant le photovoltaïque ont bouleversé pas mal de choses.

Le photovoltaïque faisait pourtant partie des secteurs les plus porteurs en termes d’emploi, non ?

Bien sûr, notamment sur la partie commerciale. Depuis deux ans, le secteur était très dynamique. Des structures se construisaient très rapidement. L’intérêt de cette redistribution va consister dans un « assainissement » du secteur. Jusqu’à maintenant, il y avait beaucoup de petits acteurs parfois plus spéculatifs que porteurs d’un réel projet. De petites structures se sont montées sur le photovoltaïque, pour spéculer sur le décalage entre le prix de rachat par EDF de ce type d’énergie et les énergies dites « classiques ». Ces structures n’avaient pas de projets à long terme. La baisse du prix de rachat par le gouvernement va permettre d’assainir le marché au sens où ses structures basées quasiment exclusivement sur cette spéculation ne pourront résister à cette baisse. Il ne devrait rester sur le marché du photovoltaïque que des structures solides et saines portant un vrai projet industriel et technique avec une vision à long terme.

Quels sont les secteurs des EnR qui recrutent le plus ?

L’éolien, la biomasse, la méthanisation, même si le fort ralentissement sur le photovoltaïque a généré une méfiance générale autour des EnR. L’éolien offshore, en particulier, continue de bien marcher et il y a actuellement de gros projets engagés dans ce secteur. Je pense que l’avenir se situe plutôt là.

Quelles sont les fonctions les plus en vue dans les EnR ?

Les fonctions techniques et commerciales. Pour le photovoltaïque, il s’agit surtout de commerciaux terrain. S’agissant de l’éolien, ce sont surtout des fonctions techniques-ingénieur qui sont recherchées, que ce soit de la construction, de l’électricité, ou de la mécanique.

Quels sont les types de profils recherchés par les entreprises ?

Surtout des profils expérimentés. En fait, il y a deux cas de figure : soit les petites structures donnent leur chance aux jeunes, aux jeunes ingénieurs essentiellement, et elles les forment ; soit elles ont besoin d’une expertise particulière sur certains postes, auquel cas elles privilégient les profils possédant une première expérience.

S’agit-il de créer des emplois ou d’adapter des métiers qui existent déjà ?

Il s’agit plus d’adapter des métiers qui existent déjà. Par exemple, un prospecteur foncier qui cherchait auparavant des terrains pour établir des carrières va désormais réfléchir à l’installation d’éoliennes. Mais si l’entreprise ne dispose pas des moyens d’engager des gens expérimentés, elle fera appel à des jeunes diplômés.

Cette adaptation passe-t-elle par des formations spécifiques ?

Non, il suffit d’avoir des compétences spécifiques. Beaucoup de gens pensent à tort qu’il est nécessaire de faire une formation « green ». Pour l’instant, je ne connais pas de formations qui soient réellement significatives. Les entreprises ont besoin aujourd’hui essentiellement d’une compétence, et surtout d’une motivation. C’est plus une expérience qu’une formation qu’elles vont rechercher. Le secteur des EnR est un secteur très jeune, où les gens se forment sur le terrain, et c’est ce qui rend aussi l’aventure sympathique.

Le Grenelle de l’Environnement a-t-il eu une influence sur le recrutement ?

Il s’agit surtout d’un effet d’annonce… Les demandes continuent d’affluer car l’activité était assez dynamique il y a deux ans. Mais aujourd’hui, le recrutement est nettement ralenti.

Donc, il y a eu un véritable changement ces derniers temps ?

Oui, on a eu deux années très dynamiques en termes de recrutement mais aujourd’hui, c’est l’expectative complète. Je ne dis pas que le marché s’écroule. Les gens s’arrêtent et regardent.

Comment cela se passe pour les grandes entreprises ayant des secteurs dédiés aux EnR ?

Ces entreprises sont aussi dans une phase d’attente.

Les 600 000 emplois annoncés entre 2009 et 2020 par Jean-Louis Borloo sont surestimés selon vous ?

Bien sûr. La réalité n’est pas celle-là.

Quels sont, selon vous, les vrais chiffres ?

Je ne travaille que sur la partie cadres, qui doit représenter 10 ou 15 % de notre recrutement. Sachant qu’on recrute environ 400-500 ingénieurs par an, si on en recrute 50 ou 60 dans le secteur des EnR, c’est bien. Le problème aujourd’hui est qu’on a beaucoup plus de gens intéressés par le secteur que de places disponibles.

Pensez-vous qu’un changement soit à prévoir ?

Cela déprendra uniquement de la volonté politique et des subventions qui seront accordées à la filière. L’éolien commence à être intéressant avec la mise en place de grosses structures, mais le photovoltaïque, essentiellement constitué de petites structures, peut ralentir fortement.

Il y a un décalageentre ce qui a été annoncé et la réalité des faits. Ces métiers étaient recherchés il y a deux ans, mais depuis six mois ce n’est plus le cas. Il s’agit d’acteurs très jeunes, de structures qui peuventdifficilement se permettre de recruter par anticipation. Ce n’est pas la même chose que pour le nucléaire ou le pétrole, où les investissements se font sur du long terme, auquel cas il faut que vous anticipiez beaucoup plus. Là on est vraiment sur du spontané.

Pensez-vous que l’activité soit amenée à reprendre à un moment ?

C’est envisageable, si le gouvernement décide de consacrer à la filière un budget important, en en faisant réellement une priorité. Le photovoltaïque vient de subir un coup de frein préjudiciable. J’ai vu des commerciaux arriver dans une entreprise spécialisée dans le photovoltaïque, et décider de partir à la seule vue du business plan. Le secteur est rattrapé par la réalité économique, et la reprise ne dépend que de la volonté de l’État.

Sentez-vous de la part des jeunes un engouement pour ces métiers-là ?

Oui, et c’est là le décalage entre la réalité économique des acteurs, plutôt fragile, et toute une population de candidats, surtout des ingénieurs, très motivés pour intégrer ce secteur.

 

Propos recueillis par Carole Hamon

 

POSTULEZ À UN EMPLOI VERT SUR RÉSEAU & EMPLOI ET/OU REJOIGNEZ LE GROUPE ENVIRONNEMENT

Pour aller plus loin

Dans l'actualité

Posté le par La rédaction


Réagissez à cet article

Commentaire sans connexion

Pour déposer un commentaire en mode invité (sans créer de compte ou sans vous connecter), c’est ici.

Captcha

Connectez-vous

Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.

INSCRIVEZ-VOUS
AUX NEWSLETTERS GRATUITES !