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Décryptage

D’ingénieur à manager, l’évolution d’une carrière

Posté le par La rédaction dans Entreprises et marchés

[La chronique de l'ingénieur] Nathalie Vuitton

Nathalie Vuitton est ingénieur et formatrice en ressources humaines. Elle nous explique pourquoi les ingénieurs-managers doivent faire le deuil de la technique...

La connaissance technique ne suffit pas. Un ingénieur qui devient manager doit aussi posséder des notions de communication interpersonnelle.

L’école d’ingénieur ne prépare pas à être manager. Au début de sa carrière, armé de son seul bagage technique, un ingénieur ne connaît pas de difficultés particulières. Mais les choses se compliquent pour lui avec le temps, quand il se retrouve à devoir encadrer des équipes. Il manage alors ses équipes comme il peut, en fonction de ce qu’il pense être le mieux. Mais bien souvent, l’ingénieur ne sait pas manager des équipes.

« Les ingénieurs qui deviennent managers doivent prendre conscience que, malgré leurs grandes connaissances techniques, ils doivent acquérir un savoir-être. » Nathalie Vuitton

J’utilise souvent dans mes formations l’image de l’ingénieur débutant qui commence sa carrière comme s’il était sur un vélo. La roue arrière représente la roue du savoir, et la roue avant, celle du savoir-être (le management). À la sortie de l’école, l’ingénieur possède une grosse roue arrière car il a accumulé beaucoup de connaissances. La roue avant, par contre, est plus petite. Ce qui provoque un déséquilibre. L’ingénieur-manager sur son vélo fait des zigzags, il va à gauche puis à droite, il débute. Au fur et à mesure de l’évolution de sa carrière, ses responsabilités de manager allant grandissantes, il peut être conscient du déséquilibre, comme ne pas l’être. Il peut regonfler sa roue avant, grâce à des formations coaching, mais il peut aussi continuer de se former aux techniques de management, et toujours grossir cette roue de la connaissance, ce qui ne fera qu’amplifier le phénomène de déséquilibre.

J’ai rencontré dans le cadre d’une formation un directeur de laboratoire qui ne comprenait pas la démotivation de ses équipes et le manque de résultats, malgré leur haute qualification. Il était très érudit, et avait fait en outre des formations en management. Mais il n’avait pas eu le « déclic ». Ce déclic, il l’a eu par le coaching, en entamant une réflexion sur lui-même.

Au-delà des écoles qui abordent désormais le sujet de la communication interpersonnelle, il faut que l’ingénieur-manager comprenne avant tout qui il est. Cela veut dire se connaitre, et connaître son mode fonctionnement. Si je ne sais pas comment moi je fonctionne, comment puis-je prétendre savoir comment les autres fonctionnent ?

Les ingénieurs-managers doivent prendre conscience que, malgré leurs grandes connaissances techniques, ils doivent acquérir un savoir-être. S’ils ne s’intéressent pas à leurs équipes, s’ils ne prennent pas le temps de discuter avec elles, s’ils ne reconnaissent pas ce qu’elles font, ils passeront à coté de beaucoup de choses.

La solution n’est pas seulement de prendre conscience que l’on a deux roues, mais qu’il faut aussi développer la roue du savoir-être. Je rencontre fréquemment dans mes formations des ingénieurs qui découvrent qu’ils ont un deuil à faire de la technique. Très performants et passionnés, experts techniquement, beaucoup oublient dans leur cahier des charges, les composantes environnementales et humaines.

J’utilise dans mes formations un tableau présentant la courbe du développement de la technique et celle de l’évolution de carrière. Arrivé à mi-parcours de sa carrière, l’ingénieur doit souvent abandonner sa technique pour se consacrer au management d’équipes. La plupart du temps, plus de la moitié des ingénieurs ne sont pas préparés à faire du management, ou ne veulent pas manager.

Depuis sept ans, je travaille avec des outils psychométriques. MBTI (Myers Briggs Type Indicator) et Executive Profiler sont des outils de mesure de la personnalité qui s’appuient sur les recherches de Carl Jung, célèbre psychiatre suisse, contemporain de Freud. Dans son livre Les types psychologiques, Jung traite de la confrontation de l’individu avec le monde, de ses rapports avec les hommes et les choses. Selon son orientation psychologique, l’individu vivra différemment sa confrontation avec le monde et développera des stratégies d’adaptation différentes.

Par exemple, vous rentrez dans une pièce, et vous posez la question aux gens : « Que voyez-vous ? » Certains vont répondre : « c’est une salle à manger », d’autres vont répondre : « il y une table, quatre chaises, une armoire, elle est noire, avec des assiettes à l’intérieur. » Nous avons tous des préférences psychologiques qui datent de l’enfance et qui font que nous ne voyons pas les mêmes choses. Un manager, qui aura une vision globale, et un autre, une vision de détail, n’auront pas le même type de communication. De même, un manager « global » qui devra manager des gens « détail » ne les comprendra pas, et l’inverse. Tous les types se valent et possèdent leurs forces comme leurs faiblesses.

La connaissance de son mode de fonctionnement est primordiale pour adapter son management, en fonction de ses équipes. Ca signifie connaître son mode de fonctionnement dans des contextes hors pression et sous pression, comprendre comment mieux travailler et vivre avec les différents types psychologiques dans le respect de leur spécificité, et se développer dans son type psychologique en travaillant sur les parties moins conscientes de sa personnalité.

Il faut sensibiliser les Ressources Humaines à l’existence de ce type de formation management, pour les personnes issues de formation technique. Bien souvent, ce sont des personnes du marketing ou des commerciaux qui sont orientées vers ces formations. Mais ce que l’on oublie, c’est que c’est l’ingénieur qui dirige les équipes et que ce sont elles qui produisent. Plus les équipes seront performantes, et mieux les commerciaux vendront les produits. On entend souvent dire « le marketing ne communique pas assez avec les équipes techniques » : le problème vient là aussi des modes de communication qui ne sont pas adaptés aux personnalités. Il faut que chacun apprenne à identifier des passerelles pour pouvoir communiquer avec les autres.

Je demande souvent aux gens qui assistent aux formations, la raison de leur présence. Certains me répondent : « mon chef m’a demandé de venir, car il trouve que je n’ai pas suffisamment de charisme, que je ne tape pas assez du poing sur la table et que mes équipes ne m’écoutent pas ». Au bout de six jours de formation, ils en arrivent à la conclusion qu’ils ne peuvent pas devenir quelqu’un d’autre, qu’ils sont ce qu’ils sont, et que leur mode de management, même s’il est différent, leur permet aussi d’atteindre des résultats. Souvent, il leur suffit d’apprendre à communiquer différemment avec leur hiérarchie.

Se connaitre soi-même, cela signifie donc prendre confiance en soi, et trouver le mode de management qui convient à sa personnalité. Les managers qui n’ont pas le profil attendu, qui ne sont pas du genre à crier fort ou à taper du poing sur la table, doivent reprendre confiance en eux. Il n’y a pas de mauvais ou de bon manager. Chacun a sa personnalité. L’important est de la connaître, et de savoir s’adapter à la personne en face.

Un hiérarchique doit aussi apprendre à reconnaître ses managers, dans leur différence. D’ailleurs, on me dit souvent à ce propos : « il faudrait que mon chef vienne aussi en formation »…

Nathalie Vuitton

 

Nathalie Vuitton est ingénieur diplômée de l’ESIEC Reims. Elle a débuté sa carrière chez Procter & Gamble, en Angleterre et aux États-Unis, pour encadrer ensuite des équipes chez Shiseido, Paco Rabanne, Neutrogena et Hermès. Sa grande adaptabilité et son expérience internationale l’amènent ensuite à se tourner vers le coaching et le management. Depuis plus de sept ans, Nathalie Vuitton est consultante Ressources Humaines. Elle travaille à l’accompagnement du changement, coaching d’équipes, coaching individuel, prise de poste à haut potentiel, formation en management et plus particulièrement formation des ingénieurs. Elle anime par ailleurs des formations en management à l’ESIEC. Nathalie Vuitton est co-auteur de l’ouvrage Développement professionnel des cadres, avec Yvon Pesqueux, professeur titulaire de la Chaire de « Développement des Systèmes d’Organisation » au CNAM et co-directeur du LIPSOR (Laboratoire d’Investigation en Prospective, Stratégie et Organisation).

 

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