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Décryptage

Le bilan carbone est un instrument au service de l’efficacité de l’entreprise

Posté le par La rédaction dans Environnement

[Interview] Gérald Lefebvre - ECO6S

Faire un bilan carbone ! Oui, mais comment et surtout pourquoi ? Et s'il s'agissait d'améliorer les performances de l'entreprise ? Gérald Lefebvre, expert qualité Eco6S, revient sur les bénéfices de cette démarche, les référentiels européens qui existent et les moyens de bien la valoriser.

Faire un bilan carbone ! Oui, mais comment et surtout pourquoi ? Et s’il s’agissait d’améliorer les performances de l’entreprise ? Gérald Lefebvre, expert qualité Eco6S, revient sur les bénéfices de cette démarche, les référentiels européens qui existent et les moyens de bien la valoriser. Autant de conseils qu’il approfondira et détaillera dans le cadre de la formation « Gaz à effet de serre – Etablir son bilan équivalent Carbone et réduire ses émissions » organisée par les Techniques de l’Ingénieur le 27 janvier 2010.

ETI : En ce temps de crise et après l’échec du sommet de Copenhague, qu’est-ce qui doit amener une entreprise à effectuer un bilan carbone ?

Gérald Lefebvre :  » Pour répondre à cette question, il faut revenir sur les bénéfices de cette démarche. Le bilan carbone, comme tout bilan, lorsqu’il est bien fait, permet tout d’abord de remettre en question les performances et l’efficacité de l’entreprise. En effet un bilan, réalisé selon la méthode d’analyse de cycle de vie tout au long de la chaîne de création de la valeur, est très efficace pour mesurer et analyser ses flux industriels, et donc, pour mesurer l’efficacité énergétique et écologique de ses procédés et produits.

Au delà, l’analyse des flux permet une analyse des coûts en énergie et en matière grâce aux inventaires réalisés pour le bilan. Cette analyse débouche sur une stratégie de réductions des coûts, d’optimisation de l’utilisation de l’énergie et des ressources, et sur une amélioration de la qualité écologique et économique du produit.

Enfin, il s’inscrit dans une démarche de développement durable qui reste, malgré tout, d’actualité. Dans 40 ans, la déplétion des ressources fossiles prépare une période de pénurie. Et à plus court terme, dans 5 à 10 ans, les positions de monopoles sur les mines, les métaux rares et plus largement les ressources rendront toute entreprise n’ayant pas adopté une stratégie d’indépendance et d’autonomie énergétique dépendantes des hausses de prix.

Dans quels cas de figure est-il fortement recommandé de faire un bilan carbone ?

En ce qui me concerne, je recommande très fortement de faire un bilan carbone pour analyser la dépendance des achats et des procédés de l’entreprise en ressources fossiles comme le pétrole, mais aussi vis-à-vis des métaux. En 2009, en Europe, un baril passant de 80 dollars à plus de 150 dollars a causé beaucoup de faillites ! Dans ce cas, la bonne démarche est d’insérer le bilan « carbone », avec d’autres indicateurs comme la pollution de l’eau ou l’utilisation d’énergie, dans la politique de management Qualité ISO9001 & Environnement ISO14001 et QSE (Qualité Sécurité Environnement) de l’entreprise.

Il existe d’autres cas de figure où faire un bilan carbone est fortement recommandé. Il s’agit des entreprises dont les produits touchent une clientèle très sensible aux indicateurs du développement durable, comme par exemple les collectivités ou encore des acheteurs dont les critères de choix intègrent le CO2. Autres groupes concernés : les entreprises de plus de 500 employés qui, depuis le Grenelle 2, doivent le réaliser, ainsi que les entreprises soumises aux règles des quotas CO2.
 
Je déconseille toutefois très fortement d’utiliser uniquement le « CO2 Equivalent », qui est un indicateur du réchauffement potentiel (à 100 ans), comme seul indicateur de performance environnementale. En effet, les dangers de transfert d’impacts de pollutions sont réels et nocifs ! Prenons un exemple. Une étiquette « Empreinte Carbone » sur une pomme « locale », issues de l’agriculture intensive, avec indice pesticide de 14, avec ou sans OGM, pourrait, avec ce seul indicateur, avoir une meilleure empreinte CO2 qu’une pomme biologique venue d’Espagne ! Ce qui ne manquera pas de créer une confusion énorme chez les consommateurs.

Il existe semble-t-il en Europe plusieurs méthodes pour calculer son bilan carbone. Comment s’y retrouver et comment choisir la bonne technique pour améliorer son efficacité ?

Tout d’abord, il faut retenir que la mesure et l’analyse des flux permettent un inventaire précis de l’efficacité énergétique, économique et écologique des produits et procédés. D’autre part, pour faciliter les comparaisons entre pays, l’Union Européenne a adopté une « nouvelle approche » (Directive IPPC et DD) consistant à mettre en place des référentiels industriels pour les MTD : Meilleures Technologies Disponibles. Ces référentiels sont des bases de comparaisons excellentes pour benchmarker son efficacité ! Beaucoup de ces technologies propres sont d’ailleurs référencées dans les bases des Techniques de L’Ingénieur et permettent de trouver des solutions très innovantes.

Concrètement, à toute ressource fossile en déplétion, l’on peut trouver une solution « renouvelable ». Certaines de ces solutions sont … dans l’espace, ou la gravité nulle rend possible bon nombre de recombinaisons physico-chimiques. Malheureusement, peu d’industriels ont une vision à la Kennedy du développement durable ! De fait, en pratique, lorsque la liste des solutions scientifiques et techniques est faite, l’arbitre suprême est toujours le calcul des retours sur investissement. Ce qui ne facilite pas les choses en temps de crise. La visibilité à court terme étant restreinte, la décision d’investir est d’autant plus difficile et souvent repoussée. Ce qui est très dangereux pour l’avenir…

Une fois ce bilan carbone réalisé, comment bien le valoriser ? Et d’ailleurs, est-ce un sésame ?

Un bilan carbone, c’est du T.E.M.P.S. C’est-à-dire, qu’on a pris le soin d’analyser les coûts Toxiques, Energétiques, de Matières, de Procédés et des Valeurs Durables (Sustainability Values tel le recyclage par exemple). Et le TEMPS, c’est de l’argent.

La valorisation des économies d’énergies, de matières et de procédés ne posent généralement pas de soucis ! En revanche, la valorisation des « Externalités » T et S Values, c’est-à-dire les investissements pour économies en toxiques et en valeurs Durables, est plus problématique, à cause des coûts d’investissement, qui ne sont généralement pas payés de retour à court terme ; des coûts réels de pollutions des toxiques qui ne sont pas taxées à hauteur des dégâts causés comme c’est le cas des pesticides ; des valeurs en développement durable qui ne sont pas forcément partagées par les acheteurs ; et enfin, en raison de la non protection ou exonération des entreprises « vertueuses » face à la productivité intensive et non basée sur une éthique « C.E ». On en revient à l’exemple de la pomme OGM et/ou avec pesticides qui sont des toxiques autorisés et de la pomme Bio (S-Valeur Durable non exonérée) que j’ai donné tout à l’heure.

La difficulté de valoriser les investissements n’est pas toujours du fait des entreprises ou des consommateurs qui ne sont pas prêts à payer le prix. Elle vient plutôt du fait que des produits « à bas prix et non éco-conçus » sont autorisés à venir concurrencer des « produits à plus forte valeur ajoutée en développement durable et ne sont ni régulés par des surtaxes, ni soumis à la règle « pollueur-payeur », ni contrôlés sur leurs méthodes et matériaux de fabrication. »

Propos recueillis par Anne-Laure Béranger

 

 

Formation Techniques de l’Ingénieur

27 janvier 2010 : Gaz à effet de serre – Etablir son bilan équivalent Carbone et réduire ses émissions.
Intervenant : Gerald Lefebvre, ECO6S, Expert qualité. 6 Sigma et développement durable

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