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Décryptage

Où finit le plastique dans les océans ?

Posté le par Matthieu Combe dans Environnement

La pollution des océans par les microplastiques, on en parle depuis longtemps. Mais jusqu’ici, les estimations étaient clairsemées. Une nouvelle étude publiée le 10 décembre dans le journal PLoS ONE a évalué l’ensemble de la pollution de la surface des océans à 5 250 milliards de particules de plastique, soit 268 940 tonnes.

Les deux océans de l’hémisphère Nord contiennent 56% de toutes les particules de plastique flottant dans les océans et 57% du poids total. A elle seule, la mer Méditerranée contiendrait 247 milliards de particules pour 23 150 tonnes de plastiques flottant. Dans l’hémisphère Sud, l’océan Indien semble avoir un nombre de particules plus important que les océans Atlantique Sud et Pacifique Sud combinés.

Une pollution mondiale encore sous-estimée

Pour parvenir à ce résultat, les équipes de chercheurs coordonnées par l’institut 5 Gyres ont compilé les résultats issues de 24 campagnes océanographiques réalisées entre 2007 et 2013 sur 50 000 milles nautiques, soit 92 600 km. 

Durant ces campagnes, des échantillons ont été prélevés dans les cinq gyres (Pacifique Nord et Sud, Atlantique Nord et Sud et Océan Indien), dans de vastes régions côtières et dans des mers fermées (baie du Bengale, côtes australiennes et la mer Méditerranée). Elles totalisent 680 prélèvements de micro-plastiques à l’aide de filets Manta traînés en surface et 891 relevés visuels pour les gros débris plastiques. La pollution a ensuite été classée en 4 tailles de fragments : 0.33–1,00 mm (petits microplastiques), 1,01–4,75 mm (gros microplastiques), 4,76–200 mm (mésoplastiques), et >200 mm (macroplastiques). 

Les auteurs qualifient leurs estimations de « très prudentes » et d’« estimations basses ». Notamment, l’estimation des macroplastiques pourrait être « considérablement améliorée par une normalisation des méthodes et davantages d’observations », jugent-ils. Ils rappellent que cette évaluation ne s’intéresse qu’au plastique flottant en surface. Elle ne prend pas en compte les quantités de plastiques en suspension dans la colonne d’eau, gisant sur les fonds marins ou sur les rivages, ou encore au sein des organismes aquatiques. « La séquestration dans les sédiments semble être la destination finale de la pollution plastique, après une myriade d’effets biologiques », préviennent les auteurs.

Que deviennent les plastiques en se fragmentant ?

En compilant l’ensemble de ces données, les chercheurs ont développé un modèle numérique permettant d’évaluer la quantité totale de plastique flottant dans les océans du monde. « On aurait pu s’attendre à des quantités plus importantes de particules de petites tailles mais de manière surprenante, l’étude montre qu’elles représentent 90 % du nombre total des plastiques flottants mais seulement 10 % du poids total, c’est 100 fois moins qu’attendu », précise Martine Thiel, co-auteur des travaux.

Cela suggère que pendant la fragmentation, les matières plastiques disparaissent de la surface. Que deviennent-elles ? Plusieurs mécanismes semblent être en jeu. Il s’agit notamment de la dégradation UV, de la biodégradation, de l’ingestion par les organismes, de la baisse de la flottabilité suite à la colonisation par d’autres organismes et de l’échouage au fond des océans ou sur les plages… 

« Le taux de fragmentation de microplastiques déjà fragiles peut être très élevé, brisant des petits microplastiques en particules encore plus petites, les rendant non prélevables par nos filets (mailles de 0,33 mm) », notent les auteurs dans leur étude. Les microplastiques se dégradent en nanoplastiques, puis en oligomères puis en monomères. Pus les particules sont petites, plus le rapport surface/ volume augmente. Cela favorise encore la dégradation par abrasion ou dégradation bactérienne.  En conséquence, « les résultats montrent que la dégradation en nanoplastiques puis oligomères est une voie prépondérante », analyse Francois Galgani, chercheur à l’Ifremer et co-auteur de l’étude.

Les océans doivent donc certainement regorger de particules d’une taille inférieure à 0,33 mm, mais nous n’avons aucune évaluation de l’ampleur de cette pollution. D’autres études montrent aussi que ces microplastiques flottant sont ingérés par plusieurs organismes, directement ou indirectement, par exemple via leurs organismes proies.

Les gyres, des zones de transfert et de transformation

Contrairement à ce que l’on pensait depuis plusieurs années, les gyres ne semblent pas être des zones d’accumulation, mais plutôt « des lieux de transfert, de transformation et de redistribution des plastiques flottants en raison des phénomènes de dégradation par divers mécanismes et des mouvements des eaux ». Les plastiques y passent un certain temps avant d’être redistribués ailleurs dans les océans, mais ne s’y accumulent pas. Au final, il semble exister un certain équilibre entre les entrées et les sorties de déchets plastique dans ces gyres : visiblement, les quantités n’ont pas évolué dans les gyres depuis plus de 20 ans. Cela a été vérifié dans le gyre Atlantique sur des échantillons stockés depuis de longues années.

Pour combattre ce fléau, l’institut 5 Gyres  veut encourager le développement des polymères biodégradables. « Il paraît essentiel de favoriser l’utilisation de produits innovants pour le remplacement des objets à usage unique. La bonne nouvelle est que l’arrêt des apports permettrait une dégradation dans le temps des plastiques présents et la diminution du problème. Il est temps de traiter ce problème à la source afin d’entrer dans une démarche de restauration et de responsabilité », conclut Marcus Erikssen, auteur principal de cette étude.

Cartographie des microplastiques à la surface des océans. Chaque point représente 20 kg de plastique. Voir la carte interactive : http://app.dumpark.com/seas-of-plastic-2/ © Dumpark/New Zealand 

  • Aller plus loinRéférences de l’article : Eriksen M, Lebreton LCM, Carson HS, Thiel M, Moore CJ, et al. (2014) Plastic Pollution in the World’s Oceans: More than 5 Trillion Plastic Pieces Weighing over 250,000 Tons Afloat at Sea. PLoS ONE 9(12): e111913. doi:10.1371/journal.pone.0111913

Par Matthieu Combe, journaliste scientifique

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