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Décryptage

L’apport des métamatériaux à ingénierie de perméabilité : exemples de l’imagerie et de l’invisibilité

Posté le par La rédaction dans Informatique et Numérique

Afin de simplifier les étapes de conception et de fabrication de métamatériaux, on tend à travailler à partir du seul paramètre de la perméabilité effective car il offre une grande souplesse de conception. Le point avec deux domaines d’application : l’imagerie et l’invisibilité.

Le travail précurseur de V. Veselago a révélé, dès 1968, les potentialités d’un matériau qui présenterait un indice de réfraction négatif [1]. En 1999, J. B. Pendry a proposé de synthétiser un milieu à indice négatif en superposant deux métamatériaux à permittivité et perméabilité effectives négatives [2].

On peut montrer que seul un milieu doublement négatif ou doublement positif autorise un régime de propagation. À l’inverse, les milieux qui présentent uniquement une permittivité ou une perméabilité négative sont évanescents. À partir de ce constat, un grand nombre de travaux ont visé la définition de métamatériaux doublement négatifs à même de couvrir l’ensemble du spectre électromagnétique, depuis les microondes jusqu’à l’optique [3-5]. Cette activité a été notamment motivée par la quête de la superlentille dont le concept a été proposé par J. B. Pendry en 2000 [6]. Le principe de la superlentille, qui consite à focaliser avec des détails très inférieurs à la longueur d’onde se heurte, en pratique, à l’effet néfaste des pertes. Par ailleurs, le métamatériau doublement négatif, qui doit présenter des propriétés de dispersion isotropes, peut être difficile à réaliser. Pour contourner cette difficulté, dans des conditions de champs très proches, un matériau simplement négatif peut-être utilisé.

Imagerie par milieu simplement négatif

Cette idée a fait l’objet d’une première démonstration expérimentale en 2005 par l’équipe de Fang et al. [7]. Le dispositif utilisé est une simple lame d’argent dont la permittivité, régie par la loi de Drude, présente une valeur négative avec un module proche de l’unité dans le domaine des ultraviolets. La résolution obtenue est de l’ordre de λ/6 à la longueur d’onde de 365 nm. Pour les fréquences faibles, on préfère généralement travailler sur la perméabilité plutôt que la permittivité afin de définir une structure de dimensions réalistes pour des valeurs de paramètre effectif proche de -1.Cette idée a été récemment exploitée avec succès par des chercheurs de l’université de Séville [8]. En effet, M. J. Freire et al. ont développé une lentille pour l’Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM). Ce travail est présenté dans l’article intitulé : « Une lentille à métamatériaux pour l’imagerie médicale » (voir le dispositif ci-dessous).

Si, dans le domaine de l’imagerie, on cherche à travailler avec un milieu quasi-homogène de perméabilité constante et égale à -1, avec l’émergence récente de l’optique de transformation, on utilise des gradients d’indice, de permittivité ou de perméabilité. Ici encore les métamatériaux à ingénierie de perméabilité sont très attractifs en raison de leur souplesse de conception. C’est à partir de telles structures qu’ont été proposés des capes d’invisibilité pour les domaines des hyperfréquences et de l’infrarouge lointain.

Cape d’invisibilité

Le principe de la cape d’invisibilité consiste à masquer un objet en l’enveloppant d’une couche de matériau dont le gradient des paramètres constitutifs favorise le contournement et la reconstruction du front d’onde en aval de cet objet. Ce concept, proposé par J. B. Pendry en 2006 [9], a été immédiatement suivi d’une démonstration expérimentale à la fréquence de 8,5 GHz par l’équipe de D. R. Smith [10]. Du point de vue de la conception, cette cape est constituée de plusieurs couches de diélectriques incluant des résonateurs métalliques. À la différence de la lentille précédemment décrite, on ne cherche pas à travailler avec une perméabilité négative mais plutôt avec des valeurs comprises entre 0 et 1. La variation des dimensions géométriques des motifs résonnants sur chaque couche permet de traduire le gradient de perméabilité. Lorsque l’on s’approche du domaine de l’infrarouge, afin de s’affranchir du problème des pertes métalliques, on peut utiliser des résonateurs diélectriques qui tirent parti de la concentration des champs dans un matériau à haute permittivité tel que le BaxSr1-xTiO3 (BST) [11]. Dans de telles structures, la perméabilité effective est la conséquence de la résonance d’un courant de déplacement encore appelée résonance de Mie.

Par Éric Lheurette, maître de conférences à l’université de Lille 1, IEMN

Notes
[1] V. G. Veselago, « The electrodynamics of substances with simultaneously negative values of epsilon and mu, » Soviet Physics Uspekhi, pp. 509, 1968.
[2] J. B. Pendry, A. J. Holden, D. J. Robbins, and W. J. Stewart, « Magnetism from conductors and enhanced nonlinear phenomena, » Microwave Theory and Techniques, IEEE Transactions on, vol. 47, pp. 2075-2084, 1999.
[3] R. A. Shelby, D. R. Smith, and S. Schultz, « Experimental verification of a negative index of refraction, » Science, pp. 77-79, 2001.
[4] F. Zhang, D. P. Gaillot, C. Croenne, E. Lheurette, X. Melique, and D. Lippens, « Low-loss left-handed metamaterials at millimeter waves, » Applied Physics Letters, vol. 93, pp. 083104, 2008.
[5] J. Valentine, S. Zhang, T. Zentgraf, E. Ulin-Avila, D. A. Genov, G. Bartal, and X. Zhang, « Three-dimensional optical metamaterial with a negative refractive index, » Nature, vol. 455, pp. 376-379, 2008.
[6] J. B. Pendry, « Negative Refraction Makes a Perfect Lens, » Physical Review Letters, vol. 85, pp. 3966, 2000.
[7] N. Fang, H. Lee, C. Sun, and X. Zhang, « Sub-Diffraction-Limited Optical Imaging with a Silver Superlens, » Science, vol. 308, pp. 534-537, 2005.
[8] J. F. Manuel, M. Ricardo, and J. Lukas, « Experimental demonstration of a mu = -1 metamaterial lens for magnetic resonance imaging, » Applied Physics Letters, vol. 93, pp. 231108, 2008.
[9] J. B. Pendry, D. Schurig, and D. R. Smith, « Controlling Electromagnetic Fields, » Science, pp. 1125907, 2006.
[10] D. Schurig, J. J. Mock, B. J. Justice, S. A. Cummer, J. B. Pendry, A. F. Starr, and D. R. Smith, « Metamaterial Electromagnetic Cloak at Microwave Frequencies, » Science, vol. 314, pp. 977-980, 2006.
[11] D. P. Gaillot, C. Croënne, and D. Lippens, « An all-dielectric route for terahertz cloaking, » Opt. Express, vol. 16, pp. 3986-3992, 2008.Image © Utilisée avec la permission de M. J. Freire, R. Marques et L. Jelinek, Experimental demonstration of a µ=-1 metamaterial lens for magnetic resonance imaging, Applied Physics letters, 93, 231108 (2008). Copyright (2008), American Institute of Physics.

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