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Décryptage

L’éolien, le solaire et le nucléaire. Le débat

Posté le par La rédaction dans Énergie

Un article du quotidien de référence finlandais à propos du coût du Nucléaire EPR, dont ont fait écho les rédactions du média indépendant Médiapart, qui ose parler de « gouffre financier », et de Techniques de l’ingénieur, a suscité des remous chez quelques lecteurs.

Un article du quotidien de référence finlandais à propos du coût du Nucléaire EPR, dont ont fait écho les rédactions du média indépendant Médiapart, qui ose parler de « gouffre financier », et de Techniques de l’ingénieur, a suscité des remous chez quelques lecteurs.

« Eolien et PV sont des énergies intermittentes, qui ne fonctionnent que suivant les caprices de la météo, et seulement 20% du temps en moyenne. Elles doivent être secourues par des centrales à gaz ou au charbon de même puissance, qui produisent « à leur place » les 80% du temps restant (en émettant du CO2 voire des particules dangereuses pour le charbon). Donc, économiquement parlant, il faut additionner leur coût de production à celui des centrales qu’elles soutiennent pour comparer le résultat à celui du nucléaire : et là, ce dernier reste imbattable, même avec l’EPR tête de série de Finlande. Vos conclusions sont donc erronées, et je souhaite que par honnêteté pour vos lecteurs vous les corrigiez » écrit un internaute. « Il faut intégrer dans le coût des renouvelables celui des énergies fossiles sur lesquelles ils sont adossés » renchérit un autre.

« Étude très intéressante et fouillée » écrit un autre lecteur suite à l’article « Non, le solaire ne pousse pas à la consommation de charbon en Allemagne ». Mais il ajoute : « L’arbre cache t-il la forêt ? Y aura t-il enfin un débat scientifique enfin sur le sujet ? Comment nier qu’une éolienne n’est active que 30% du temps sur le continent (marge supérieure) et donc pour le temps restant nécessité un apport équivalent ! Ce constat simple, et qui ne dépend que du lieu d’installation, permet t-il d’en faire un prédicat pour avancer plus loin ? ».

La demande de cet internaute est légitime, un débat scientifique, sur le fond, est utile.

En 2013 le Danemark a répondu à 33 ,2% de sa demande électrique avec l’éolien ceci avec un facteur de capacité moyen de l’éolien sur l’année de l’ordre de 25%. L’éolien répondra en 2020 à environ 50% de la demande, toujours avec un facteur de capacité proche de 25%. Une éolienne reste active quand elle délivre une puissance inférieure à sa puissance nominale, y compris inférieure au quart de cette puissance. Le prédicat de ce lecteur est erroné. En France, selon RTE, le facteur de capacité de l’éolien est 90% du temps supérieur à 6%.

L’analyse de Agence Internationale de l’Energie

L’Agence Internationale de l’Energie a publié récemment une étude permettant de mettre les points sur les i. Techniques de l’ingénieur a fait écho de ce rapport dans cet article :
Intégrer de hauts niveaux de solaire et d’éolien n’est pas un problème (AIE)Ni sur le plan technique, ni sur le plan économique.

Pour Maria van der Hoeven, directrice exécutive de l’AIE, « un système électrique transformé avec 45% d’éolien et de solaire dans la consommation annuelle – et donc 10 fois plus que dans la plupart des systèmes actuels – est un système qui est seulement 15% plus coûteux qu’un système qui ne possède pas du tout de solaire et d’éolien. Et cette petite augmentation de coût est estimée sur la base des coûts actuels des technologies et d’un prix modéré du carbone à 30 dollars la tonne. Dans le future l’éolien et le solaire auront un coût plus faible. Combiné avec une augmentation du prix de la tonne de carbone le surcoût du système pour des niveaux aussi élevé d’ENR-V peut être ramené à zéro. »

Le solaire PV et l’éolien, outils de flexibilité compris, sont meilleurs marché que le nucléaire nouvelle génération

Voici trois études en complément qui viennent de paraître :

  1. Le think tank Agora Energiewende démontre par A+B dans cette étude que les nouvelles centrales éoliennes et solaires de 2013 délivrent un kWh bien meilleur marché que le nucléaire nouvelle génération de 2023 ceci en intégrant les outils de flexibilité nécessaires.
  2. Une étude du gouvernement Belge montre qu’« en faisant appel à l’éolien plutôt qu’au nucléaire, les Wallons gagneront 3,6 milliards d’€ sur la durée de vie estimée d’une centrale nucléaire dernière génération, grâce à l’objectif de 3.800 GWh/an d’énergie éolienne que s’est fixé la Wallonie. En termes d’emploi, l’éolien c’est 4 fois plus de jobs que la filière nucléaire. Ces conclusions sont le résultat d’une analyse fouillée réalisée par les experts du cabinet du Ministre de l’Energie, basée sur une revue complète de littérature (…) En matière d’énergie, les choix posés aujourd’hui déterminent notre réalité de demain et des décennies à venir (…)». La synthèse de l’étude est disponible ici. L’étude complète .
  3. Une étude intitulée « Coûts et bénéfices réels des énergies conventionnelles et renouvelables » du cabinet du bureau 3E commanditée par Eneco et WWF analyse notamment les subventions en Belgique. « La production d’électricité à partir de sources traditionnelles est soutenue depuis des décennies : le charbon et le nucléaire ont été financés à hauteur de presque 44 milliards d’euros entre 1950 et 2013 par l’Etat. Ce montant va continuer à augmenter à cause de la rente nucléaire pour s’élever à 50 milliards d’euros en 2025 » résume Eneco dans ce communiqué.

Pour Joseph Stiglitz, ex-Directeur de la Banque Mondiale, Prix Nobel d’économie : « Je pense que le risque de prolifération nucléaire est l’une des pires externalités qui soit pour cette énergie. Selon ce que je sais, jusqu’à présent le nucléaire vit surtout grâce aux subventions publiques, ce qui est totalement anti-économique. A cet égard, la France, est un cas d’école. Mais même aux Etats-Unis, c’est au gouvernement fédéral de garantir les prêts faits à l’industrie, d’aider les assureurs à couvrir les risques d’accident, de financer les solutions pour le retraitement des déchets, il existe 1001 façons de subventionner le nucléaire (…) Au vu des problèmes que pose l’industrie nucléaire, je pense qu’il faut se tourner, d’abord et avant tout, vers les énergies renouvelables ».

La légende urbaine la plus répandue au sujet de l’éolien et du photovoltaïque

Marc Fontecave, de la fondation Ecologie d’avenir crée par Claude Allègre, et Philippe Aghion  ont écrit dans le journal Le Monde: « pour stabiliser la puissance du réseau il faut du stockage et des générateurs conventionnels à base de combustibles carbonés fossiles en backup ».

Voici la réponse d’un expert EnR de l’Agence Internationale de l’Energie: « C’est la légende urbaine la plus répandue au sujet de l’éolien et du solaire (PV). Un lecteur en donne quelques jours après une version plus caricaturale – mais introduisant une nuance importante: « Pour chaque kWh produit de cette manière, il faut en produire quatre avec d’autres centrales: nucléaire, charbon ou gaz, au choix. » (Le Monde, 30-31 mars). Alors non, il ne faut pas produire 4 kWh autres pour 1 kWh éolien – il n’y a aucune équivalence de ce genre. Outre que les plus récentes éoliennes ont plutôt des facteurs de capacité de 30 à 35% que de 20%, il faut avec les variables des capacités totales plus importantes, mais cela ne dit rien sur le rapport des énergies produites. La nuance intéressante que ce lecteur introduit, ignorée de nos deux professeurs, c’est que le nucléaire n’est pas incompatible avec les renouvelables variables ». 

Chacun est libre d’avoir le point de vue qu’il veut en matière de politiques énergétiques. Par contre, il convient que l’argumentaire soit solide sur le fond. Les études mentionnées ci-dessus, en particulier celle de l’AIE, devraient enfin permettre d’élever le niveau du débat scientifique, technique et économique à ce sujet en France. Sauf pour ceux qui refuseront de la lire.

Errare humanum est, perseverare diabolicum.

Par Olivier Danielo

Pour aller plus loin

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