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Décryptage

Accord Russie-Ukraine sur le gaz : une trêve temporaire ?

Posté le par La rédaction dans Énergie

[Traduction d'un article du New York Times, 1er Nov 2014]

Un accord conclu le 30 octobre dernier pour redémarrer la fourniture de gaz naturel russe à l'Ukraine assurera le chauffage des foyers cet hiver, mais ne résout pas la féroce bataille de longue date sur les prix de l'énergie qui reprendra probablement en début d'année prochaine, voire même plus tôt, ont dit les analystes.

Plus fondamental, l’acceptation à contrecœur de cet accord n’a pas signé la fin imminente d’une dispute politique plus profonde sur l’est de l’Ukraine. Cette impasse a entraîné la Russie et l’Occident dans leur conflit le plus dangereux depuis la Guerre Froide et a engendré la violence la plus sanglante en Europe depuis les conflits balkaniques des années 1990.

L’accord a été conclu après que l’Europe a négocié le payement de plus de 3 milliards de dollars d’arriérés de factures à Gazprom, le géant de l’énergie contrôlé par le Kremlin – et après que les deux côtés se sont inclinés devant les réalités financières.

« Ce que j’entends, c’est : ‘OK, si c’est pour amener du gaz a Kiev, nous sommes prêts à certains arrangements temporaires’ et le mot-clef des deux côtés semble être ‘temporaire’ » a dit Thane Gustafson, professeur en Science politique à l’université de Georgetown, dans une interview recueillie le 31 octobre à l’université d’Ottawa où il était venu assister à une importante conférence académique sur l’Ukraine.

La Russie fait présentement face à quantité de problèmes économiques, provenant du double pétrin financier des prix abaissés du pétrole et des sanctions économiques de l’Ouest. L’Ukraine, en dépit d’efforts frénétiques, n’est pas parvenue à rassembler suffisamment d’approvisionnements alternatifs pour couvrir ses besoins en gaz pour l’hiver. 

Il semble en outre que chaque côté ait été poussé de force vers un accord temporaire par l’Union européenne, laquelle avait pris ses propres mesures de précaution au cas ou la dispute se serait aggravée et ou l’approvisionnement russe aurait été coupé. La Russie avait en effet fermé les vannes au cours de disputes précédentes en 2006 et 2009, laissant certains foyers d’Europe dans le froid et forçant le rationnement des entreprises.

Après que la Russie a coupé son approvisionnement vers l’Ukraine en juin et exigé un pré-payement pour toute livraison future, les dirigeants européens ont constitué des réserves de gaz.

La réaction à Kiev et Moscou a renforcé le sentiment que cet accord ne revient finalement qu’à un répit dans la guerre du gaz, laquelle ne s’achèvera pas tant que les deux pays ne trouveront pas un arrangement politique au sujet de l’Ukraine de l’est.

Dans une interview 26 octobre, avant la conclusion de l’accord, le premier ministre de l’Ukraine, Arseni P. Iatseniouk, loin d’être un ami du Kremlin, a déclaré qu’il s’attendait à ce que les Russes pour finir coupent ou réduisent leurs livraisons de gaz après avoir eu leur argent.

« Mon sentiment est que la Russie répétera encore le même scenario de toujours, pour obtenir du liquide de l’Ukraine, et ensuite dira ‘vous savez, quelque chose a changé, et nous ne sommes pas prêts à fournir du gaz’ », a dit Iatseniouk.

Dans une déclaration après l’accord du 23 octobre, il a accusé la Russie de tentative de chantage sur l’Europe pour la faire abandonner un plan prévoyant que le gaz russe pourrait être acheminé en sens inverse, de la Slovaquie vers l’Ukraine, en cas de coupure.

Soulignant l’acrimonie de la situation politique globale, des officiels russes ont déclaré que non seulement on ne pouvait pas faire confiance a l’Ukraine pour payer ses dettes, mais qu’en fait, on pouvait s’attendre à ce que l’Ukraine vole une partie de l’approvisionnement russe vers l’Europe.

« C’est une énorme concession et une intention, d’abord et avant tout, de parvenir à un accord avec l’Union européenne et en partie de ne pas la laisser geler complètement » a déclaré à l’agence de presse RIA Novosti, Ivan Grachyov, président du comité énergie de la chambre basse du parlement russe. « Je pense que la Russie et l’UE ont compris que l’Ukraine siphonnerait le gaz illégalement de toute façon. Quoi qu’ils en disent, quand l’hiver les mettra aux abois, ils démarreront le siphonage sans autorisation. Cela, bien sûr, soulève des problèmes entre la Russie et l’Europe. »

Alexeï Miller, le directeur général de Gazprom, a dit que l’arrivée de l’hiver avait apparemment forcé le côté ukrainien à conclure l’accord du 23 octobre. Dans des interviews à la télévision russe, il a également noté que Gazprom n’avait pas donné son accord pour octroyer des crédits supplémentaires ou pour prendre de nouveaux risques par rapport à la situation financière de l’Ukraine, qui va en se dégradant.

« Le fait que l’accord a été signé maintenant, à la fin du mois d’octobre, au début de la saison automnale et hivernale, n’est pas une coïncidence », a dit Miller.

« Évidemment, cela a été influencé par le fait qu’il fait froid en Ukraine, qu’on a besoin de chauffage dans les maisons, la consommation de gaz est croissante ». L’accord requiert que l’Ukraine procède au payement d’un montant total de 3,1 milliards de dollars d’arriérés de factures de gaz avant la fin de cette année, en utilisant pour cela l’argent qu’elle a emprunté au Fond monétaire international. Elle sera ensuite en mesure d’acheter pour 1,5 milliards de dollars de plus à des prix négociés pour le restant de l’hiver, usant aussi largement de crédits de l’Ouest.

Cet accord a mis l’Union européenne dans une position inhabituelle de soutien vis-à-vis des efforts ukrainiens pour payer des milliards de dollars de dettes à Gazprom, et ce a peine quelques semaines après avoir imposé des sanctions économiques afin de faire pression sur la Russie pour qu’elle amende sa politique en Ukraine, y compris concernant son annexion de la Crimée en mars dernier.

Traduction : Alexandra Béliaeff

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