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Décryptage

Chantal Jouanno prend les rênes du débat public

Posté le par Matthieu Combe dans Environnement

Chantal Jouanno est présidente de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) depuis mars dernier. Invitée de l’Association des journalistes de l’environnement, elle présente les travaux présents et à venir de cette autorité indépendante.

La CNDP gère actuellement 27 concertations et deux débats publics. Dans cette dernière catégorie, on trouve le débat public de la Montagne d’Or en Guyane et le débat public lié à la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE). Le débat public de la Route des Géraniums à la Réunion s’est quant à lui achevé le 3 mai dernier. En septembre prochain, le débat public sur le plan national triennal de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) sera lancé.

Pourquoi avoir pensé la CNDP ? « Son rôle fondamental est d’être un tiers garant, explique Chantal Jouanno. Surtout elle ne donne aucun avis sur le fond du projet et n’est pas partie prenante, donc elle ne peut pas être suspecte d’orienter la décision dans un sens ou dans un autre ». L’organisme veille à ce que l’information communiquée soit compréhensible par les citoyens et la plus objective possible. Elle fait appel à des expertises complémentaires lorsque cela est nécessaire.

Prendre en considération l’ensemble des avis

« On veille à aller chercher toutes les paroles et ne pas traiter que les paroles dominantes, car une seule personne peut exprimer une opinion majoritaire mais silencieuse », prévient Chantal Jouanno. En plus des grandes réunions publiques et des plateformes Internet dédiées, la CNDP organise des débats mobiles dans les trains, les gares, les universités, les marchés et des conférences citoyennes. Pour le débat public sur la PPE, elle va par exemple organiser un G 400. Sur l’ensemble de la France, 400 personnes représentatives de la population française seront formées et réunies pour donner leur avis sur le projet.

Le débat public sour l’égide de la CNDP a des exigences en matière  d’indépendance, d’objectivité et de pluralité des avis. Il se démarque en cela des débats organisés lors du Grenelle de l’environnement ou du débat national sur la transition énergétique. « Dans le débat public, on fait plutôt une cartographie des opinions que de la co-construction, précise Chantal Jouanno. On peut identifier ainsi les intérêts en présence pour les personnes, les gagnants et les perdants et les mesures de compensations nécessaires ». Mais la représentativité est difficile à atteindre. « En Guyane, on entend que les opposants, regrette Chantal Jouanno. Les défenseurs ne s’expriment pas dans le débat public ».

Par ailleurs, sur le nucléaire et beaucoup d’autres sujets, les experts sont forcément des parties prenantes. « On ne trouvera pas sur un sujet comme les déchets nucléaires, des experts qui n’ont pas travaillé sur le nucléaire à un moment ou à un autre », prévient l’ancienne présidente de l’ADEME. Pour garantir l’indépendance de l’expertise, la CNDP veille donc à assurer la pluralité des avis d’experts recueillis et énonce leurs conflits d’intérêts.

Une analyse critique des débats en cours

Il y a déjà eu un débat public dédié à Cigéo. Désormais, des concertations sont prévues en fin d’année sur les aménagements nécessaires au projet. Elles porteront notamment sur le raccordement au réseau électrique haute tension et peut-être sur la prolongation de la ligne ferroviaire pour amener les colis de déchets. « Il y a une grande confusion dans l’ensemble des procédures, que cela soit la chaîne depuis le débat public jusqu’à l’enquête publique et sur ce qui est mis dans la concertation, analyse Chantal Jouanno. On se discrédite soi-même lorsqu’après avoir fait un débat public sur Cigéo, on demande des concertations sur ses sous-produits ».

Selon l’ancienne secrétaire d’État chargée de l’Écologie, le débat de la Mine d’Or arriverait trop tard. L’aménageur a déjà défini ses installations de manière très précise. « Est-ce que l’exploitation de l’or en Guyane doit reposer sur de grosses installations ou une exploitation sous forme plus artisanale, voire locale ? », voici un débat qui aurait pu être « extrêmement intéressant », pour Chantal Jouanno.

Respecter le débat public?

Les premières conclusions du débat public sur la PPE seront connues le 29 juin. .  Le gouvernement devrait publier sa première version en juillet. Aura-t-il le temps de prendre en compte les conclusions ? « C’est au gouvernement de respecter les règles qu’il a lui-même fixées, estime Chantal Jouano. Soit le gouvernement accorde du crédit au principe même du débat public et attend la fin du débat public pour faire ses premières orientations de la PPE, soit il n’attend pas et en termes de confiance vis-à-vis de l’ensemble des participants au débat public, ce n’est pas très respectueux ».

Le débat public n’est pas là pour faire de la pédagogie, mais pour demander aux gens de donner leur opinion en opportunités sur telle ou telle grande orientation. Le maître d’ouvrage doit argumenter ses choix, notamment les raisons qui le pousse à retenir ou non telle opinion exprimée. Sur les 87 débats passés, six ont donné lieu à l’abandon définitif du projet, la majorité entraîné des aménagements ou une réorientation. « Il n’y a jamais eu de bilan et d’évaluation de l’ensemble des activités de la CNDP depuis sa création, regrette Chantal Jouanno. On est en train de collecter les données pour faire une cartographie des opinions qui sont versées au débat public et savoir ce qui est repris ».

Donner toute sa valeur au débat public

Le budget du débat public de la PPE s’élève à 500.000 euros. « Le budget est clairement sous-dimensionné par rapport à l’ampleur du débat », dénonce Chantal Jouanno. Pour la route des géraniums, le budget est supérieur, à 600.000 euros. En comparaison, la grande consultation interne d’EDF « Parlons Energies » auprès de 12.000 salariés aura pour sa part coûté 3 millions d’euros.

La CNDP est automatiquement saisie et organise un débat public pour les grands projets soumis à évaluation environnementale. Elle joue le même rôle pour les plans et programmes, soumis à évaluation environnementale, à caractère nationaux. Enfin, elle s’occupe des plans et programmes régionaux. « Je ne suis pas sûre que les collectivités en aient conscience, ce qui est dommage », regrette Chantal Jouanno. En effet, les collectivités sont assez avancées dans l’élaboration de ces différents plans. Elles ont mis en place des méthodes de participation auprès des parties prenantes. En revanche, elles n’ont pas nécessairement organisé cette concertation large du public à une échelle régionale. Dans ces conditions, « le droit d’initiative citoyen reste ouvert, ce qui est potentiellement source de contentieux », conclut Chantal Jouanno.

Par Matthieu Combe, journaliste scientifique

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