Décryptage

Climat : La Chine refait les comptes

Posté le 19 novembre 2015
par La rédaction
dans Énergie

La Chine a revu largement à la hausse sa consommation de charbon sur les 15 dernières années. Une correction qui tombe opportunément avant le début de la COP21 à Paris.

En pleine préparation de la conférence mondiale sur le climat qui se tiendra à Paris à partir du 7 décembre, l’information est passée presque inaperçue. Dans son rapport annuel, le Bureau national chinois des statistiques a publié des données corrigées qui révèlent que le pays a brulé 17% de charbon en plus par an sur les dix dernières années.

Ajustement

Selon les nouveaux chiffres publiés par l’Administration, la consommation chinoise se serait élevée à respectivement 3,3 et 3,8 milliards de tonnes de charbon en 2010 et 2012. Un écart d’un milliard de tonnes par rapport aux données compilées dans le BP Statistical Review, l’une des références mondiales du secteur. Le décalage, qui remonte au moins à l’année 2000 s’est accentué avec le temps. D’après l’Agence internationale de l’énergie, il n’était alors « que » de 400 millions de tonnes… Il apparait que la différence est en grande partie due à la sous-estimation de l’industrie lourde (ciment, acier, produits chimiques), et dans une moindre mesure du parc électrique. La houille produit 70% de l’énergie consommée dans l’Empire du Milieu, ainsi, même une légère variation représente des volumes considérables. Pour 2012, l’écart de consommation ne représente pas moins de 70% de la demande annuelle américaine !

De fait, il ne fait aucun doute que les émissions de CO2 qui y sont liés ont été sous-estimées elles aussi. Le charbon est de loin le combustible fossile émettant le plus de gaz à effet de serre (GES). Il est de notoriété publique que les statistiques officielles chinoises (mais pas seulement) sont à prendre avec méfiance. De nombreuses fermetures « officielles » de mines n’ont, dans les faits, jamais été suivies des actes, leurs productions n’étant simplement plus comptabilisées dans les registres nationaux. Mais ces corrections interrogent sur la véracité d’autres variables fondamentales de l’équation climatique (autres sources d’énergies, agriculture, transport, etc). Une problématique qui dépasse les frontières de la Chine. Ainsi, l’hebdomadaire économique allemand WirtschaftsWoche a annoncé récemment que la Commission européenne aurait été informée que Volkswagen trichait sur ses émissions de particules dès 2011.

Stratégie ?

On peut également s’interroger sur le timing adopté par Pékin dans cette affaire. La révision de la consommation charbonnière chinoise intervient juste avant la COP21 à Paris et de possibles engagements que pourrait prendre la Chine à cette occasion. François Hollande s’est déplacé au début du mois à Pékin pour s’assurer que son homologue était décidé à avancer sur le dossier « Climat ». Il faut dire que la bonne volonté de la Chine est, au même titre que les Etats-Unis, indispensable pour obtenir un accord juridiquement contraignant. Interrogé par le New York Times, qui a révélé l’affaire, Yang Fuqiang, conseiller au Natural Resources Defence Council, explique : « Lorsque le Président Xi Jinping a proposé que les émissions chinoises plafonnent en 2030, il n’a pas précisé à quel niveau elles seraient. Ces révisions peuvent signifier que le pic d’émission sera plus élevé que prévu ». Réévaluer la consommation de charbon aurait ainsi été un bon moyen de donner davantage de marge au pays sans pour autant revenir sur sa proposition.

Outre la portée politique, ce réajustement obligera sans doute les climatologues à revoir leurs études d’impact sur la Chine. Un exercice délicat car plusieurs variables entrent en jeu : nature du charbon, procédé de combustion, capacité de captation des forêts et océans, etc. Déjà les experts divergent quant à l’impact estimé sur les émissions de GES. Dans ces conditions, il est légitime de se demander si l’objectif d’un réchauffement climatique limité à 2 C° est encore crédible.


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