Décryptage

Communication & réputation : 5 postures à bannir absolument chez les dirigeants (1/2)

Posté le 9 septembre 2012
par La rédaction
dans Entreprises et marchés

Le Monde a publié cet été un instructif feuilleton intitulé « Des ministres et des bourdes ». En 5 volets, le quotidien est revenu sur des célèbres boulettes de communication commises par des ministres en exercice. Boulettes dont certains ont payé le prix médiatique au plein tarif. Le Blog du Communicant 2.0 a souhaité revenir sur ces épisodes marquants pour en tirer quelques préceptes de communication à intégrer impérativement chez tous les dirigeants amenés à s’exprimer et agir publiquement.

Des préceptes qui sont d’une importance cruciale dans une époque actuelle où le tout-image est omniprésent, disséqué en permanence et viralisé avec une célérité jamais atteinte. Dans ce premier épisode, il va être question des disruptions d’image qui ternissent et broient les réputations qu’on croyait pourtant les plus établies et cohérentes.

Naufrage de l’Erika et Dominique Voynet : Quand l’image du décideur se fait distante

Fin 1999, le tanker Erika affrété par Total se fracasse au large des côtes du Finistère. Ses 30 000 tonnes de cargaison de fuel lourd se répandent progressivement sur les rivages bretons et ravagent gravement faune, flore et paysages. A cette époque, Dominique Voynet est la première ministre de l’Environnement issue des rangs écologistes et à ce titre, la coqueluche des médias. Alors qu’une telle catastrophe était l’opportunité de donner du poids à son ministère, elle va s’engluer dans une posture étonnamment distante.

Tandis que le carburant poussé par les vagues ne cesse de souiller plages et rochers bretons, Dominique Voynet ne renonce pas à ses vacances de Noël pour venir sur le terrain et s’enquérir de la situation exacte. A peine, survole-t-elle la zone sinistrée qu’elle part aussitôt en congés sous les tropiques pendant que les secours tentent toujours d’endiguer la marée noire. La polémique enfle et la presse ne tarde pas à interpeler la ministre faisant bronzette.

Au bout de plusieurs jours, elle daigne se rendre physiquement sur place et constate froidement devant les micros et caméras (1) : « Je ne suis pas complètement certaine qu’il s’agisse d’une catastrophe écologique » avant de surenchérir : « Ce n’est pas la catastrophe écologique du siècle. Au Venezuela, il y a au moins 25 000 morts » (NDLR : à cause de pluies torrentielles). Au même moment, les écrans de télévision et les pages de journaux s’emplissent de photos d’oiseaux mazoutés. La curée de l’opinion publique et des médias est impitoyable.

Dans l’article du Monde, Dominique Voynet explique qu’elle n’a pas voulu céder à la communication sensationnaliste en se montrant d’emblée sur le lieu de la catastrophe mais qu’elle a privilégié une approche distanciée et analytique pour relativiser les faits. Si dans pareille crise, il convient effectivement de ne pas surjouer l’empathie et d’en trop rajouter dans l’émotion, la ministre a toutefois négligé un postulat basique de communication qui lui a coûté sa popularité.

Omettre de venir montrer sa solidarité revenait à signifier une forme de dédain et de désintérêt à l’égard des victimes. Or face à la règle médiatique qui veut que plus un fait divers est proche géographiquement de la population concernée, plus celui-ci revêt une importance prioritaire. Même si d’un point de vue purement comptable, il n’y avait effectivement pas de victime humaine à déplorer contrairement à d’autres drames plus lointains où les morts s’entassaient. Or, en situation de crise, le dirigeant doit obligatoirement prendre le pouls du contexte et incarner sa présence même s’il ne dispose pas de tous les paramètres sur l’instant. S’y refuser équivaut à un suicide médiatique quasi assuré et implique un risque additionnel d’être le bouc émissaire.

Canicule de 2003 et Jean-François Mattei : Quand l’image du décideur se fait décalée

Eminent professeur de médecine, Jean-François Mattei est alors ministre de la Santé lorsque la canicule s’installe durablement sur la France en août 2003. Le 7 du mois,  Météo France émet un bulletin sans équivoque sur le risque caniculaire qui commence à poindre.

Sur le terrain, médecins urgentistes et sapeurs-pompiers affrontent vite de plein fouet une hausse alarmante et totalement inhabituelle des décès par coup de chaleur.

Le 10 au soir, le journal télévisé de 20 heures de TF1 ouvre sur les morts de la canicule. Dans la foulée, le docteur Patrick Pelloux tape d’un poing rageur sur la table pour dénoncer l’explication oiseuse des « morts naturelles » arguée par les autorités. Cette fois, l’affaire est de taille et tous les médias se ruent aussitôt sur le sujet. Le lendemain, Le Figaro étale sur cinq colonnes un titre choc en gros caractères : « La canicule tue en France ». La mort caniculaire rôde et les médias s’emballent.

Devant la tempête médiatique qui souffle, il faut désormais prendre la parole. C’est le ministre de la Santé, Jean-François Mattei qui s’y colle en acceptant au pied levé une interview en direct dans le journal de 20 heures de TF1. Sur la forme comme sur le fond, l’effet va cependant être totalement désastreux et à l’inverse des objectifs du ministre. Le ministre apparaît en effet à l’écran en polo noir décontracté depuis sa bucolique villégiature de vacances au milieu des pins provençaux. Une calamiteuse erreur d’image dont le conseiller en communication du Premier Ministre est à l’origine (2) : « Mets-toi en polo, c’est les vacances, il faut que tu aies l’air décontracté et que tu ne sèmes pas la panique ».

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