Décryptage

« Des présomptions de toxicité sur des nanoparticules ont été établies »

Posté le 14 avril 2011
par La rédaction
dans Environnement

Tribune [Didier Baptiste, directeur scientifique à l'INRS]
Du 5 au 7 avril 2011, se tenait, à Nancy, une conférence organisée par l’INRS, en partenariat avec le réseau européen PEROSH, rassemblant 13 instituts homologues de l’INRS, sur les risques liés aux nanomatériaux et nanoparticules. Didier Baptiste, directeur scientifique à l’INRS, nous parle des enjeux de la recherche dans ce domaine.

465 chercheurs, experts, préventeurs et médecins, venus de 22 pays, se sont rassemblés pour partager leurs connaissances autour de la toxicité des nanoparticules, de la  mesure des expositions et des méthodes de prévention.

Bien que le risque lié aux nanoparticules ne soit toujours pas avéré, plusieurs laboratoires internationaux ont fait état de présomptions de toxicité sur certaines nanoparticules. Il a été démontré qu’à concentrations massiques comparables, la toxicité induite est généralement plus importante lorsque la taille des particules diminue. Après inhalation, certaines nanoparticules se logeraient principalement, chez les animaux de laboratoire tout du moins, dans le foie et les poumons. Un manque de recherche in vivo par inhalation de nanoaérosols chez l’animal de laboratoire a été souligné. L’INRS, à Nancy, disposera en 2012 d’un tel laboratoire. Il en existe très peu en Europe aujourd’hui.

La nature chimique et la concentration massique, utilisées habituellement comme critères pour caractériser les risques des produits chimiques, ne sont pas des  paramètres suffisants pour les nanoparticules. La morphologie, la taille, la réactivité de surface et la surface spécifique sont d’autres paramètres qui doivent être pris en considération. L’un des objectifs des recherches d’aujourd’hui en toxicologie est de comprendre l’influence de ces paramètres sur la toxicité de ces matériaux et de déterminer quel serait la métrique qui caractériserait le mieux les effets sur la santé. Il convient également de vérifier la pertinence des méthodes d’essais existantes et de proposer le cas échéant des procédures adaptées aux nanomatériaux.

Les données d’exposition aux nanoparticules restent parcellaires. Des instruments sont disponibles pour mesurer la concentration en masse, nombre ou surface des particules dans l’air mais il n’existe pas encore de méthode spécifique, simple et validée pour mesurer l’exposition professionnelle aux nanoaérosols et les discriminer du bruit de fond. Des appareils de mesure transportables commencent à apparaître sur le marché. Les travaux consistent à étudier les performances de ces instruments, à développer des protocoles d’utilisation et des outils d’interprétation des données.

Concernant les dispositifs de protection collective ou individuelle des salariés, il a été démontré l’efficacité des filtres classiques sur les particules nanométriques de taille supérieure à 4 nm. Les moyens de prévention utilisés pour minimiser les risques chimiques semblent donc efficaces mais des études complémentaires sont nécessaires pour confirmer les performances, mieux comprendre les phénomènes d’agglomération des nanoparticules et l’influence des fuites.

Dans ce contexte d’incertitude, la démarche de prévention préconisée par l’INRS, partagée par de nombreux pays, est une approche « basée sur la précaution », associée à la mise en place de mesures de prévention « au cas par cas », adaptées au produit et au scénario d’exposition. Ces méthodes ne sont pas très différentes de celles qui sont recommandées pour toute activité exposant à des produits chimiques dangereux et doivent permettre de réduire l’exposition du salarié au niveau le plus bas possible.

 

Par Didier Baptiste, directeur scientifique à l’INRS

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