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Espace et énergie : la fusion plus que jamais dans les tuyaux

Posté le par Sophie Hoguin dans Innovations sectorielles

A l'occasion de The Dawn of Private Space Science Symposium qui s'est tenu à New York début juin, Michael Paluszek, président de Princeton Satellite Systems, est venu présenter l'avancée de ses travaux en matière de propulsion par fusion nucléaire.

Une idée née dès les années 1960 mais qui a dû attendre la fin de la première décade des années 2000 pour espérer réellement pouvoir aboutir. Alors que l’étude de la fusion comme nouvelle source d’énergie prend la forme en Europe d’un projet titanesque et extrêmement coûteux à travers ITER, qui vise la production de plusieurs centaines de mégawatts, aux Etats-Unis certains se penchent sur des dispositifs beaucoup plus petits et du coup beaucoup moins chers. C’est le cas par exemple de Helion Energy qui s’appuie sur une technologie basée sur la fusion Deutérium / Helium-3 et qui espère installer un pilote de 50MW vers 2019  et sa première usine opérationnelle vers 2022. C’est aussi le cas de Tri Alpha Energy qui étudie la fusion de protons sur des noyaux de bores et qui dispose de nombreux fonds privés lui ayant permis de construire une des plus grandes installations du monde équipée d’un confinement magnétique pour les plasmas.

La Nasa croit dans la fusion

La Nasa s’est toujours intéressée à l’avancée de la fusion. Elle a ainsi participé en 2014 au lancement d’Helion Energy et suit de près l’avancée des travaux de Princeton Satellite Systems petite entreprise spécialisée dans le contrôle et la simulation pour l’aérospatiale. Elle lui a déjà attribué trois subventions d plusieurs centaines de milliers de dollars via différents programmes de soutien à l’innovation ou de transfert de technologies (Small Business Technology Transfer (STTR) programs et NIAC -Nasa Innovative Advanced Concepts). Mais comme le précise Michael Paluszek, la Nasa ne finance que certaines parties du développement du système et non la totalité si bien que l’avancée des travaux est toujours dépendante d’une levée de fonds qui reste aléatoire. Ainsi, si le projet avance bien et que les chercheurs sont confiants, pensant pouvoir passer à la phase 3 sur les 4 nécessaires à démontrer la faisabilité réelle de la fusion, il faudra encore 5-6 ans de travail et 50 millions de dollars pour arriver à un premier démonstrateur et au moins autant de temps pour que la technologie soit intégrée à une mission spatiale.

Des minis réacteurs de quelques mégawatts

Michael Paluszech met en avant les avantages des petits réacteurs à fusion : en ne visant la production que d’une dizaine de mégawatts par réacteur, ceux-ci deviennent tout de suite beaucoup plus petits, légers et faciles à construire et à lancer dans l’espace autant pour de futures missions habitées que pour des robots et des sondes. La propulsion par fusion vise à produire 1 kW par kilo de matériel, aussi un tel réacteur pèserait 10-11 tonnes et occuperait à peu près 4-8 mètres de long sur 1,5 m de diamètre. Bien sûr, précise-t-il pour des engins spatiaux plus grands, il faudrait combiner plusieurs réacteurs, mais, dit-il, cela a un avantage certain en terme de fiabilité, si un réacteur est endommagé, les autres peuvent permettre d’assurer tout de même la mission.

Le rôle des ondes radio basses fréquences

Un des obstacles rencontrés jusqu’alors pour le développement de la fusion est qu’elle nécessite des très hautes températures et pressions pour l’initier si bien que les technologies utilisent plus d’énergie qu’elles n’en produisent. Princeton Satellites Systems utilise des ondes radio ultra basses fréquences pour chauffer un mélange de deutérium (atome d’hydrogène muni d’un neutron en trop) et d’Hélium-3 (atome d’hélium auquel il manque un neutron) qui est confiné par des champs magnétiques sous forme de plasma dans un anneau. Ce plasma est en rotation et une partie peut être dirigé vers une tuyère pour assurer la poussée. Les vitesses pourraient atteindre 25 000 km/s selon les concepteurs. Ce qui aurait par exemple réduit la durée du voyage de New Horizon vers Pluton de 9 à 4 ans en lui laissant encore de la puissance pour envoyer 100 000 fois plus de données par seconde que ce que la sonde a pu faire. Cela ouvre aussi la possibilité de concevoir une fusée capable de dévier un astéroïde.

Encore des inconvénients majeurs

Il reste encore plusieurs inconvénients à cette technologie. D’une part, il faut se procurer de l’hélium-3 qui est extrêmement rare sur Terre (alors qu’il est courant sur la Lune et que son exploitation est d’ailleurs envisagée) et que l’on produit surtout dans des réactions nucléaires et dont les réserves aujourd’hui sont gérées de manière très confidentielles par les Etats-Unis et la Russie. Un obstacle pourtant en grande partie levée sur le système développé par Helion Energy qui a mis au point sur ses prototypes un cycle de l’hélium permettant d’en auto-produire lui-même. Ensuite, les ondes basses fréquences utilisées ont un faible pouvoir de pénétration dans le plasma ce qui limite le diamètre du réacteur autour d’un mètre. Enfin, la réaction produit encore des radiations ionisantes (neutrons et rayons X), nécessitant un bouclier de protection. Cependant, Princeton Satellite Systems a prévu d’utiliser en partie ces rejets pour alimenter un circuit thermodynamique secondaire intégré directement dans le bouclier. Si bien que le bouclier ne constitue plus un élément supplémentaire.

La vidéo de présentation des recherches de Princeton Satellites :

Sophie Hoguin

Pour aller plus loin

Posté le par Sophie Hoguin

Les derniers commentaires

  • Bonjour. On aimerait bien avoir des infos sur l’impulsion spécifique et la poussée d’un tel moteur. Je suppose qu’il ne serait opérationnel qu’à partir de l’orbite.


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