Interview

Gouach : des batteries au lithium réparables grâce à un nouveau design

Posté le 11 septembre 2023
par Nicolas LOUIS
dans Énergie

La start-up bordelaise Gouach a mis au point une batterie au lithium dont les cellules à l'intérieur ne sont ni collées, ni soudées entre elles. Ce nouveau design permet de remplacer facilement les piles défectueuses à l'intérieur et ainsi de réduire l'impact écologique de la batterie. Rencontre avec le fondateur de cette entreprise.

À l’origine, en 2019, Alexandre Vallette souhaitait fabriquer un vélo en matériaux recyclés. Il s’intéresse aux batteries au lithium usagées et en récupère plusieurs milliers avant qu’elles ne soient broyées, pour en extraire certains éléments comme le cobalt et le nickel. Il découvre rapidement que seules quelques piles à l’intérieur sont abîmées, mais que la plupart sont en bon état. Il s’aperçoit également qu’elles sont toutes soudées et collées entre elles, ce qui oblige à jeter l’intégralité de la batterie dès que quelques piles deviennent défectueuses. Il invente alors un nouveau design de batterie afin de remplacer facilement les cellules à l’intérieur. Depuis 2021, il commercialise des batteries 100 % réparables. Entretien avec le fondateur et CEO de Gouach.

Techniques de l’Ingénieur : Décrivez-nous la manière dont sont conçues vos batteries ?

Alexandre Vallette, fondateur et CEO de Gouach. Crédit : Alexandre Vallette

Alexandre Vallette : Au lieu de souder et coller les cellules entre elles, nous utilisons un PCB (Printed circuit board), un circuit imprimé un peu spécifique, que l’on place le long des deux phases de la batterie. Sur ce PCB, sont placées des languettes qui assurent le contact avec chaque cellule. Elles sont conçues à l’aide d’un alliage un peu particulier dont je ne peux pas dévoiler la composition, et qui possède des propriétés d’élasticité et se comporte un peu comme un ressort. Cela permet de ne pas avoir de déconnexions, même en cas de vibrations et de chocs de la batterie. L’énergie des cellules traverse donc les languettes puis les pistes de cuivre du PCB. L’avantage du PCB est que l’on peut intégrer d’autres fonctionnalités sur ce support, c’est-à-dire intégrer des composants en CMS (surface mounted device), ce qui simplifie énormément l’assemblage et le désassemblage de la batterie. Grâce à ce nouveau design sans fil, nous avons réduit la complexité apparente de la batterie. Nos batteries ont fait l’objet de plusieurs certifications de la part de laboratoires indépendants, comme le LCIE (Laboratoire central des industries électriques) et le bureau Veritas.

Quels sont les avantages de vos batteries ?

L’entreprise utilise un circuit imprimé spécifique pour concevoir ses batteries. Crédit : Gouach

Elles sont 100 % réparables, il suffit simplement de remplacer les cellules défectueuses à l’intérieur. Nous avons développé notre propre BMS (Battery management system), il s’agit d’une carte électronique présente dans toutes les batteries et qui contrôle en temps réel le fonctionnement de chaque cellule. Les fabricants de batteries standards ont tendance à installer des BMS low cost, car leurs batteries ont une durée de vie limitée, et parfois près d’un tiers des pannes viennent de cet élément. Notre BMS est plus durable et permet de mesurer plus précisément l’usure des cellules.

Sur l’ensemble de son cycle de vie, nous parvenons quasiment à diviser par deux l’impact écologique de nos batteries par rapport à des batteries classiques. Elles coûtent un peu plus cher à l’achat, mais grâce à la possibilité de les réparer au lieu de les jeter, le prix est quasiment le même sur le cycle de vie.

Généralement, les batteries destinées à la mobilité ne sont utilisées qu’à 20 % de leurs capacités, puis sont jetées, car elles sont considérées comme n’ayant pas suffisamment d’autonomie. Pour éviter ce gâchis, nous retirons toutes les cellules qui n’ont plus que 80 % d’autonomie, et nous les remplaçons par des cellules neuves. Nous obtenons ainsi une batterie entièrement neuve, sans avoir jeté le boîtier et tous les composants électroniques à l’intérieur, c’est ce qu’on appelle le reconditionnement. Quant aux cellules retirées qui ont encore au moins 80 % de leur autonomie, nous les installons dans des batteries destinées à d’autres applications, comme le stockage de l’électricité, dont le besoin en densité énergétique est moins important. Cela nous permet d’exploiter toutes les cellules au maximum de leurs capacités.

Un dernier avantage concerne la facilité de recyclage. Contrairement aux batteries classiques, il n’est plus nécessaire de broyer l’ensemble de la batterie, y compris le plastique et l’aluminium, pour en extraire certains éléments (nickel, cobalt…), mais de recycler uniquement les cellules nues à l’intérieur.

À quel usage vos batteries sont-elles destinées ?

En 2021, nous avons commencé par concevoir des batteries pour la mobilité, c’est-à-dire les vélos et les trottinettes. À présent, nous en fabriquons également pour le stockage d’électricité ainsi que pour l’industrie, qui en a besoin pour rendre autonomes des chariots élévateurs et des petits véhicules. Nous travaillons actuellement au développement de batteries de plus grande dimension pour l’automobile. Le principe technologique est exactement le même, sauf que l’on s’adresse à d’autres marchés. Nous sommes en contact avec des grands fabricants de voitures qui procèdent en ce moment à des essais de nos batteries.

Quel est votre modèle économique de votre entreprise ?

Nous concevons et designons nos batteries, la fabrication est ensuite confiée à des industriels et la commercialisation est réalisée sous notre propre marque. Pour la maintenance, nous développons un réseau qui sera habilité à effectuer les réparations. Pour l’instant, nous effectuons nous-même les réparations pour finaliser un protocole de maintenance spécifique. Nous avons plusieurs milliers de batteries en fonctionnement, car nous équipons notamment la flotte de vélos en libre-service Pony. Tous les mois, nous récupérons des batteries défectueuses pour les réparer.


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