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Hinkley Point : les salariés d’EDF n’en veulent pas!

Posté le par Matthieu Combe dans Environnement

Le projet de construction de deux réacteurs nucléaires EPR à Hinkley Point, en Angleterre, est plutôt controversé. Alors que le conseil d'administration d’EDF a donné son feu vert, les critiques fusent : de l'intersyndical au parti socialiste, tout le monde s'y met !

Jeudi 28 juillet, le conseil d’administration d’EDF a autorisé son PDG Jean-Bernard Lévy à signer les contrats définitifs pour la construction des deux réacteurs d’Hinkley Point. 10 votes pour, 7 votes contre ; une décision loin de rallier l’ensemble du conseil. Mais, la décision à peine prise le gouvernement britannique a annoncé qu’il entendait « analyser soigneusement tous les aspects de ce projet » et ne prendre sa décision qu’« au début de l’automne », alors que la signature du contrat était attendue le 29 juillet.

Les  syndicats d’EDF manifestent leur inquiétude sur la stratégie d’EDF. Suite à ce vote, l’intersyndicale d’EDF a saisi le Tribunal de grande instance de Paris pour tenter de suspendre la délibération du Conseil d’administration quant à la poursuite du chantier. Vendredi 5 août, cette demande a été rejetée. Le tribunal estime en effet qu’il n’y a pas lieu à référé dans la mesure où « aucun dommage imminent succeptible d’intervenir d’ici le 30 septembre (…) n’est précisément évoqué, ni justifié ». Une audience décisive est en effet attendue pour fin septembre.

EDF contre son intersyndicale

EDF et son intersyndicale s’attaquent à coup de communiqués de presse. Dans un communiqué paru le 8 août, l’intersyndicale CGT, CFE-CGC et FO d’EDF SA, dénonce « un véritable scandale de gouvernance » et accuse la direction d’EDF de « passage en force » concernant la validation du projet nucléaire Hinkley Point. Elle considère cette validation comme « nulle et non avenue » dans la mesure où le PDG d’EDF n’aurait pas informé l’ensemble des membres du conseil d’administration du report de la décision britannique alors qu’ils en étaient avertis.

De son côté, EDF assure qu’ « au moment où le conseil d’administration de l’entreprise s’est tenu, EDF et son président n’avaient pas connaissance de la volonté du gouvernement britannique de procéder à un nouvel examen du projet Hinkley Point ». L’entreprise précise que « Jean-Bernard Lévy va engager une action en justice contre le syndicat Sud Energie » et « contre toute personne colportant de telles contre-vérités »

Le Parti socialiste entre dans le débat

Si la direction d’EDF peut compter sur le soutien indéfectible du ministre de l’Economie Emmanuel Macron, fervent défenseur du projet, le Parti socialiste vient de prendre position. Dans un communiqué en date du 8 août, il estime « qu’un projet dont l’importance est telle qu’elle engage la solidité et la pérennité de l’énergéticien national impose que soient levées toutes les interrogations et les réserves avant d’aller plus loin dans sa réalisation ». Par ailleurs, le PS rappelle que le projet pourrait être soumis aux « incidences, nombreuses et incertaines, du Brexit».

De nombreux protagonistes de ce dossier « ont alerté sur le risque financier », rappellent les socialistes, faisant allusion à la démission de son directeur financier, Thomas Piquemal, le 1er mars 2016. Ce dernier jugeait le projet « non faisable » et trop risqué pour les finances de l’entreprise dans les conditions actuelles, caractérisées par un effondrement des prix de marché de l’électricité.

Un projet trop cher pour EDF?

Avec une facture totale estimée à 23 milliards d’euros (contre 16 milliards prévus initialement), EDF devra apporter 66,5 % des investissements, le tiers restant étant supporté par deux électriciens chinois, CGN et CNNC. Le géant français devra donc trouver 15 milliards d’euros, soit peu ou prou, l’équivalent d’une année d’investissements pour EDF. Ce projet se ferait donc au détriment d’une transition énergétique vers des énergies renouvelables, déjà plus compétitives.

En décembre dernier les marchés financiers ont d’ailleurs sanctionné les choix stratégiques d’EDF en le retirant du CAC40. Son action est passée d’une valeur de 31€ lors de son introduction en bourse en 2005 à tout juste 11€ en juillet 2016.

Cet investissement est-il réellement risqué ? « Qui parierait 60 %, 70 % de son patrimoine sur une technologie dont on ne sait toujours pas si elle fonctionne alors que cela fait dix ans qu’on essaie de la construire ? » alertait Thomas Piquemal le 2 mai devant les députés. Par ailleurs, l’électricien français affiche déjà une dette colossale. Et cela devrait empirer. Son résultat net est en chute libre, notamment à cause de ses dépréciations d’actifs, de la baisse des prix de marché de l’électricité et de l’augmentation des provisions à faire pour le projet Cigéo. Son résultat est passé de 3,7 milliards d’euros à 1,2 milliards entre 2014 et 2015. Or, de nombreux investissements arrivent : absorption d’Areva, travaux de grand carénage, les futurs démantèlements, dont les coûts provisionnés ont sans doute été sous-évalués et les surcoûts de l’EPR de Flamanville. « Quand on a 66 milliards d’euros de dettes, 100 milliards à financer dans les centrales françaises, 20 milliards à rajouter pour la Grande-Bretagne, on peut considérer qu’on est dans une très mauvaise situation », analysait Thierry Gadault, auteur du livre EDF : la bombe à retardement?,  à Europe1, en mars dernier.

Mais les doutes concernant l’investissement à faire ne s’arrêtent pas là. Les experts et les médias britanniques dénoncent un prix d’achat garanti trop élevé du mégawattheure (92,5 livres sur 35 ans, soit 126 euros). Même si ce tarif peut sembler alléchant pour EDF, rien ne garantit la rentabilité du projet sur le long-terme, car le contrat ne prévoit pas d’engagements sur les volumes achetés.

Malgré tout, fin avril, le géant de l’électricité a annoncé un projet d’augmentation de capital de 4 milliards d’euros pour 2017, dont 3 milliards apportés par l’Etat, son actionnaire principal (à hauteur de près de 85 %). Ce renflouement des caisses servira à renforcer ses fonds propres et garantir ses investissements. Mais rien n’est facile en matière de nucléaire ! Greenpeace et l’entreprise britannique d’énergie verte Ecotricity estiment que cette décision s’apparente à une aide d’Etat pour financer l’EPR et les deux entités ont demandé à Bruxelles d’ouvrir une enquête. EDF avance donc plus que jamais dans le flou dans un projet qui, avant même son lancement, pourrait mener à un échec cuisant, comparable à celui annoncé à Flamanville.

Par Matthieu Combe

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