Décryptage

Transhumanisme : les théories sont-elles crédibles d’un point de vue scientifique ?

Posté le 31 mars 2016
par La rédaction
dans Innovations sectorielles

Le cycle des Grands Séminaires de Chimie ParisTech a commencé le 9 mars, avec la conférence « Le défi du transhumanisme, de la réalité à la science-fiction ». La parole y a été donnée à Jean-Guilhem Xem, biologiste médical, psychanalyste et essayiste. Un temps consacré à la réflexion, sur la place de l'homme au milieu des améliorations technologiques et biologiques, et sur les perspectives offertes par le transhumanisme.

S’il y a un point sur lequel Jean Guilhem Xerri a insisté tout au long de la conférence, c’est bien de « regarder les choses avec son opinion, en essayant de croiser les réflexions ». Aussi, a-t-il été proposé différentes lectures de ce courant de pensée et surtout de nombreuses questions soulevées, sans qu’aucune réponse définitive n’ait été donnée ; seulement des observations pour nous aider à développer notre appréciation.

« L’affranchissement du corps », un idéal transhumaniste.

« Par essence le transhumanisme n’aime pas le corps humain, mortel, subissant sa propre biologie. Améliorer son corps grâce aux technologies, voire s’en affranchir, fait partie des espérances revendiquées. » La dynamique est d’ores et déjà lancée, d’une certaine manière, si l’on songe aux greffes d’organes, aux prothèses qui améliorent le quotidien de nombreuses personnes. « On se dirige vers une réalité artificielle, entendre non-biologique. Une nouvelle ère s’annonce, faites de greffes d’organes artificiels (reins, coeur, etc.), où les technologies s’intègreront davantage au corps humain (puces).» Les perspectives transhumanistes évoquent donc une hybridation homme/machine très forte dans un futur proche : l’homme ressemblerait à un cyborg.
Dans cette logique d’affranchissement, « s’attacher à son corps pourrait devenir archaïque. » Le conférencier fait ici référence à l’homme considéré comme le « pape des transhumanistes », Raymond Kurzweil qui défend le concept, qui paraît somme toute assez dingue, de téléchargement de la pensée pour atteindre « l’immortalité cybernétique ». Dans les grandes lignes, il s’agit de transférer la réalité biologique d’un individu, sa réalité cognitive, dans une réalité artificielle comme un environnement cybernétique.

« La vie avec les robots intelligents »

Ce n’est plus qu’une question de temps, au rythme où les technologies avancent, un jour, les robots ne seront plus seulement fonctionnels. Si l’on ne connaît pas encore tout à fait la direction que prendra leur évolution, il n’est pas exclu qu’ils aient bien d’autres usages. « On peut imaginer que des robots de compagnie disposeront de l’empathie nécessaire pour tenir une conversation ou que des robots instituteurs pourront répondre à toutes sortes de questions, plus rapidement et précisément que des humains, etc. » Des pays comme le Japon et la Corée, confrontés au vieillissement de leur population, seraient en avance sur ces problématiques et investiraient conséquemment dans cette recherche pour prendre en charge les seniors. À priori, ce ne serait donc qu’une question de temps, mais on y arrive. Tout comme nous nous approchons du jour où l’intelligence artificielle dépassera celle de l’homme.

Les perspectives transhumanistes sont-elles sérieuses ?

Faut-il y croire, ou plutôt, ces théories sont-elles crédibles, ne serait-ce que d’un point de vue scientifique ? Au travers de la conférence, Jean Guilhem Xerri a tenu à nous questionner sur les problématiques émergeant du transhumanisme, mais quid de la faisabilité ? Certaines choses pourraient nous faire dire que oui, selon lui, comme la qualification des acteurs se réclamant du transhumanisme (mathématiciens, philosophes, ingénieurs, Google) ou encore l’évolution fulgurante des technologies ces dernières décennies. « Qui aurait pu croire que l’on aurait pu faire tenir une bibliothèque dans un disque dur ou reprogrammer des cellules ? Dans un passé pas si lointain, cela relevait de la science-fiction ».
En contrepoint, le conférencier a rappelé que l’inverse était vrai aussi. Bon nombre d’acteurs de haute volée émettent des doutes. Des pointures telles que Elon Musk, Stephen Hawkins ou Bill Gates, pour ne citer qu’eux, s’en inquiètent, notamment de l’avancée de l’intelligence artificielle chez les robots. Qui plus est, le transhumanisme est fait de sensibilités et d’objectifs essentiels parfois très différents, ce qui peut compliquer la réussite du « défi du transhumanisme ».

« Le sujet du transhumanisme : la nature humaine »

La croyance en ces théories n’est pas importante, finalement, pour Jean Guilhem Xerri. Leur intérêt réside surtout dans le fait d’apporter de nouvelles questions sur la définition de l’humanité. Par exemple, « s’il n’y a plus de maladies, il n’y a plus de soins, très bien, mais qu’advient-il alors de l’attention à l’autre ? Si nous n’avons plus besoin les uns des autres, que l’on coupe court à l’interdépendance et que l’on tend vers une autonomie complète, cela n’aurait-il pas, à terme, un effet déshumanisant ? » Cela pose donc des questions sur ce qu’est la finalité réelle du transhumanisme.

À quel moment l’homme sort-il du cadre d’être humain ? Si le sujet de l’hybridation homme/machine a été abordé, comment doit-on ou peut-on le percevoir d’un point de vue philosophique : « un être humain transformé est-il toujours un être humain ? Ne sommes-nous qu’un amas de gènes mal foutus, de cellules que l’on peut améliorer ? Il me semble qu’il y a une réalité immatérielle chez l’homme que l’on pourrait définir par tout un ensemble de choses telles que la capacité à donner, l’imagination, la solidarité, les convictions, l’amour, le langage, ce que l’on appelle l’âme, quelque chose chez l’homme qui dépasse l’homme. » Jean Guilhem Xerri a évoqué aussi la vie intérieure et ce principe de liberté intérieure qu’il faut nourrir à chaque instant et que peut-être l’on ne pourra jamais créer ou remplacer.

Source : Conférence « Le défi du transhumanisme, de la réalité à la science-fiction »

Par Sébastien Tribot


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