Décryptage

Le point sur les gaz de schistes

Posté le 31 janvier 2011
par La rédaction
dans Environnement

En Europe, les compagnies pétrolières commencent à s'intéresser aux gaz de schistes, ou shale gas, dont les ressources pourraient être importantes. En France, la signature des premiers permis de recherche a toutefois déclenché l’ire des écologistes. Un scientifique, Roland Vially, géologue à IFP Energies nouvelles, explique quels sont les enjeux liés à l'exploitation de ces gaz non conventionnels. Explications. 

Les shale gas sont des gaz contenus dans des roches sédimentaires argileuses très compactes et très imperméables, qui renferment au moins 5 à 10 % de matière organique. Ils font partie des gaz non conventionnels parce qu’ils ne peuvent pas être exploités avec les modes de production classiques. Ils sont aujourd’hui produits en grande quantité aux États-Unis où ils représentent 12 % de la production de gaz contre seulement 1 % en 2000. A part quelques pays qui n’ont pas de bassins sédimentaires, on peut trouver des shale gas à peu près partout. En Europe, le consortium Gash, auquel participe IFP Energies nouvelles, vise à établir d’ici 3 ans une cartographie des ressources européennes. Les réserves mondiales représenteraient plus de 4 fois les ressources de gaz conventionnel. De quoi, si on arrivait à les exploiter, changer la donne de la géopolitique gazière.
 
Le développement de la production aux Etats-Unis est dû en partie à l’amélioration des techniques d’extraction ces dernières années, en particulier le forage horizontal et la fracturation hydraulique des roches qui permet d’augmenter la perméabilité à proximité des puits, les fluides ne migrant pas naturellement dans les argiles. Les shale gas étant dispersés dans la roche imperméable, il faut forer de très nombreux puits et fracturer la roche. Généralement, la profondeur d’exploitation des shale gas est de l’ordre de 1 500 à 3 000 mètres de profondeur, soit de un à plusieurs kilomètres au dessous des aquifères d’eau potable.

Le puits produit quelques années puis est abandonné, et un nouveau puits est foré quelques centaines de mètres plus loin. La fracturation de la roche suppose par ailleurs d’injecter de 10 000 à 15 000 m3 d’eau à haute pression et du sable. Le faible coût des forages, un droit de propriété des particuliers étendu au sous-sol, une réglementation environnementale moins contraignante ainsi que des incitations fiscales, associées aux avancées technologiques, expliquent l’engouement outre-atlantique. 

 

 

 

 Forage horizontal et fracturation hydraulique 

 

La gestion des ressources en eau, premier impact environnemental

L’impact environnemental de ces techniques d’extraction n’est pas neutre, même s’il faut le relativiser en le comparant avec d’autres activités industrielles. Le premier impact concerne la ressource en eau dont la gestion doit intégrer 3 aspects majeurs :

Une emprise au sol réduite des installations d’exploitation 

Dans le cas des shale gas, les couches géologiques concernées étant très peu poreuses et imperméables, il faut forer un grand nombre de puits (plusieurs puits par km2 ). Ces installations, comme toute installation industrielle, ont une emprise au sol.

Il faut bien distinguer deux phases dans l’exploitation des gaz de schistes :

Pour minimiser l’empreinte au sol mais surtout pour optimiser l’architecture et la productivité des puits horizontaux et diminuer leur coût, on regroupe les plateformes de forage sous forme de « cluster ». A partir d’une seule plateforme de forage, on peut forer 10 à 15 puits horizontaux. L’empreinte au sol des installations peut donc être réduite, rendant ainsi la remise en état des sites d’exploitation plus facile et moins onéreuse.

Le développement de cette technologie va encore prendre du temps

La gestion raisonnée de la ressource en eau (prélèvement, traitement et recyclage) ainsi que la remise en état des installations d’exploitation ne constituent ni un verrou technologique ni un frein aux futurs développements de nouveaux projets. Elles ont un coût qui est pris en compte lors des études économiques au même titre que les autres travaux. Mais cette gestion raisonnée de l’eau et du paysage est essentielle : elle est le garant d’une exploitation durable, acceptée par tous, des shale gas.
 
L’exploration des shale gas n’a commencé que récemment en Europe mais elle suscite beaucoup d’intérêt de la part des compagnies pétrolières. Les bassins les plus intéressants sont situés en Europe du Nord et de l’Est et plus au sud, notamment en France dans le bassin du sud-est. Total vient d’obtenir un permis d’exploration dans la région de Montélimar. Des permis ont aussi été pris en Suède par Shell, en Allemagne par ExxonMobil, en Pologne par presque tous les majors ainsi qu’en Lituanie.

Compte tenu des contraintes environnementales mais aussi d’une industrie parapétrolière moins développée qu’aux États-Unis, il faut s’attendre à des coûts de production plus élevés en Europe qu’aux États-Unis. L’intérêt économique de la production des shale gas, dans un cadre de développement durable et en accord avec les populations, reste donc à démontrer. Dans tous les cas, leur développement va prendre du temps et n’en est qu’à ses débuts.

R.V