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Décryptage

Le terminal méthanier d’Antifer : l’avenir du gaz naturel en France

Posté le par La rédaction dans Environnement

[Tribune] Pierre Bacher

L'annonce récente par le ministère de l'Ecologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (MEEDDAT) que le projet de terminal méthanier d'Antifer était « un projet d’intérêt général » est l'occasion de se poser quelques questions sur l’avenir du gaz naturel en France.

Le MEEDDAT rappelle que la France consomme 50 Gm3 de gaz naturel [1], importé pour une forte moitié sous forme gazeuse de la mer du Nord et de Russie et pour le reste sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL).Les 3 terminaux de réception du GNL ont une capacité totale de 23,75 Gm3 (Fos Tonkin, Montoir, Fos Cavaou), susceptible d’être portée à 3.5-40 Gm3 d’ici 2020. Les 4 nouveaux projets actuellement envisagés (Dunkerque, Antifer, Verdon et Fos Faster) auraient pour leur part une capacité de 33 à 39 Gm3.Au total, si tous ces projets se réalisaient, les capacités d’importation de GNL seraient de 70 à 80 Gm3 en 2020, ce qui porterait les capacités totales de gaz disponibles en France à près de 100 Gm3. Le MEEDDAT explique que les importations en provenance de la mer du Nord devraient baisser de 40 % (soit environ 6 Gm3) et que les importations de Russie (10 Gm3) sont soumises à des aléas géopolitiques. Il explique également que la création du grand marché européen du gaz ouvre des opportunités commerciales et que la France est bien placée pour alimenter ce marché.Le dossier de presse du MEEDDAT du 3 juin 2009 [2] annonce une baisse de 10 % de la consommation finale de gaz d’ici 2020 ; celle-ci passerait de 42 à 38 Gm3. Il est précisé que « cette variation cache en réalité deux évolutions différentes : une très forte baisse dans la consommation résidentielle, compensée par une hausse sensible dans la consommation industrielle et électrique (remplacement du charbon par du gaz). »

Une perte de 15 Mtep pour le gaz ?
Que penser de tout cela ? Du côté de la consommation nationale, il importe d’être plus que circonspect. Ainsi, dans le secteur résidentiel et tertiaire, le fioul domestique et le gaz naturel représentent respectivement 15 et 23 Mtep. Or, la loi Grenelle 1 prévoit une diminution proche de 40 % de la consommation d’énergie de ce secteur, qui passerait de 70 à 40 Mtep. La baisse de 30 Mtep devrait porter essentiellement sur ces deux combustibles, seuls émetteurs de CO2 ; même en admettant que la première « victime » sera le fioul domestique, le gaz naturel pourrait « perdre » 15 Mtep, soit plus de 15 Gm3 [3].Dans l’industrie, le gaz et l’électricité sont déjà les deux énergies largement dominantes, et le gaz ne peut guère espérer gagner plus de quelques Mtep.Le seul secteur où les besoins de gaz devraient augmenter de façon significative est la production d’électricité, en remplacement du charbon et du fioul : actuellement, les quelque 50 TWh électriques produits à partir de combustibles fossiles, essentiellement pour assurer la demi base et la pointe, se répartissent approximativement de la façon suivante : 20 TWh à partir de charbon, 10 TWh à partir de fioul et 20 TWh à partir de gaz. En admettant (comme le fait le MEEDDAT) que d’ici 2020 toute la production « charbon » sera assurée par le gaz, cela représenterait une augmentation de la consommation de gaz de 35 TWh (3,5 Gm3).

Quel coût pour le remplacement du charbon par le gaz ?
La consommation finale française devrait donc diminuer encore plus nettement qu’annoncé par le MEEDDAT, et atteindre environ 35 Gm3 d’ici 2020 (soit 40 Gm3 d’énergie primaire).Le remplacement d’ici 2020 du charbon par le gaz naturel pour la production d’électricité permettra aussi de diminuer de 45 à 35 Mt CO2 les émissions de gaz à effet de serre de ce secteur. Ceci s’inscrit bien dans la trajectoire du Grenelle de l’Environnement, mais à un coût qu’il conviendrait de chiffrer. Pour que ce gain soit durable, deux conditions devront être remplies :
  • Que la production thermique n’augmente pas, et cela malgré les besoins nouveaux engendrés par les électricités intermittentes.
  • Que les centrales à gaz mises en service au cours de la prochaine décennie puissent, dès que possible, être équipées de capacités de captage et stockage du CO2. Ces centrales, en effet, seront encore en service en 2050, date à laquelle les rejets totaux de CO2 dus à l’énergie devront être environ 3 fois plus faibles qu’en 2020.
Une contribution importante de la France aux besoins énergétiques européens (électricité et gaz) est une option défendable. Le programme nucléaire a bien permis d’exporter environ 70 TWh par an d’électricité et la France est effectivement bien placée pour abriter des terminaux de GNL.

Assurer les mesures de sécurité et de protection de l’environnement
La capacité d’importation excédentaire proche de 60 Gm3 n’est pas négligeable rapportée aux besoins européens (aujourd’hui supérieurs à 300 Gm3). Encore faut-il que soient assurées, pour les terminaux méthaniers, toutes les mesures de sécurité et de protection de l’environnement. D’autre part, les capacités supplémentaires étant pour l’essentiel destinées au marché européen, il serait tout à fait anormal qu’elles bénéficient d’aides directes ou indirectes de l’Etat. En particulier, il appartient aux industriels d’assumer pleinement le risque d’ « investissements échoués » si, par malheur, les prix du gaz naturel et (ou) du CO2 venaient réduire fortement la demande de gaz en Europe.Par Pierre Bacher, ancien élève de polytechnique, est l’auteur de « L’énergie en 21 questions » – édition Odile Jacob (2007), membre du conseil scientifique de Sauvons le Climat et éditorialiste à l’Espace Veille de Techniques de l’ingénieur.

Notes
[1] Chiffre probablement un peu fort, mais que nous conserverons par souci de cohérence[2] MEEDDAT Dossier de presse «Jean-Louis Borloo présente une feuille de route issue du Grenelle Environnement pour les infrastructures énergétiques de la France»[3] 1 Gm3 # 10 TWh # 0,86 Mtep
Pour aller plus loin

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