Décryptage

Les grosses entreprises soupçonnées de fraude au Crédit Impôts Recherche (CIR)

Posté le 3 mai 2015
par La rédaction
dans Entreprises et marchés

Le rapport sur l’efficacité du dispositif CIR révèle des failles d’importance. Les entreprises bénéficiant majoritairement du CIR ne sont pas celles qui créent le plus d’emploi en R&D.  De quoi s’interroger sur les motivations de certaines d’entre elles.

L’association Sciences en marche s’est penchée sur l’impact du Crédit Impôt Recherche, un dispositif censé doper l’embauche des scientifiques et l’innovation française, sur l’emploi scientifique ainsi que la R&D privée. Autant dire tout de suite que leurs conclusions sont accablantes, pour le dispositif lui-même mais aussi pour les entreprises de plus de 500 salariés soupçonnées d’opportunisme malhonnête.

D’après les travaux menés par l’association et présentés devant la commission d’enquête parlementaire créée pour l’occasion, « Il n’existe aucune corrélation entre la création d’emplois en R&D et la créance de CIR », tant pour les chercheurs que pour le personnel de soutien. Pire, les entreprises de moins de 500 salariés, qui ne bénéficient que de 37% du CIR, sont à l’origine de la création de 82% des 30000 emplois en R&D créés entre 2007 et 2012. Les  grandes entreprises de plus de 500 employés (GE), bénéficiaires de plus des deux tiers des financements n’ont créé que 18% des emplois. Un déséquilibre regrettable, qui témoigne d’une différence de coût de l’emploi considérable. Ainsi, un emploi créé grâce au CIR dans une PME coûte 60 000€/an, contre 450 000€/an pour un emploi dans une GE !  Et les mauvaises nouvelles ne s’arrêtent pas là. En comparant l’évolution de l’emploi avec l’Allemagne les chercheurs ont constaté une évolution similaire, alors que l’Allemagne ne propose pas de dispositif équivalent au CIR. Autrement dit, les emplois créés l’auraient été de toute façon.

De quoi remettre sérieusement en cause le CIR

De quoi remettre sérieusement en cause le CIR. D’autant que certains secteurs, pourtant bénéficiaires du CIR, perdent des emplois. C’est le cas du secteur des industries pharmaceutiques qui comptabilise une perte de 700 emplois R&D par an. Est-il réellement opportun de financer un secteur qui diminue sa masse salariale ?

Il existe quand même des secteurs qui créent des emplois et pour qui les aides du CIR semblent utiles. Ainsi 80% des emplois créés sont concentrés dans les branches « Activités informatiques et services d’information » et « Activités spécialisées, scientifiques et techniques ». Mais là encore, l’intérêt du CIR est remis en question par des soupçons de fraude. La Cour des comptes a d’ailleurs remis un rapport lui aussi accablant estimant que 15% des dossiers traités sont potentiellement frauduleux, le secteur de l’informatique étant cité comme le plus touché par cette dérive. Sciences en marche a quand à elle constaté une explosion des recrutements de cadres de R&D en 2007, avec un pourcentage d’embauche de 24% alors qu’il stagnait autour de 5% les 5 années précédentes. Cette hausse brutale, stabilisée autour de 25% par an, pose questions. S’agit-il d’une modification de la définition du périmètre de la R&D dans la loi ou bien à une fraude fiscale massive ? Cette augmentation anormalement élevée ne trouve pas de justification logique puisque le pourcentage de postes de chercheurs créés ne dépasse pas 5% du nombre total de cadres recrutés.

Les conclusions du rapport ne laissent plus place au doute, le CIR est un dispositif inefficace et détourné par les GE. Il est donc urgent de cibler les entreprises qui en bénéficient réellement pour développer leur activité R&D.

Par Audrey Loubens

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