Décryptage

Origine de la vie : une nouvelle pièce dans le puzzle moléculaire

Posté le 21 novembre 2017
par Sophie Hoguin
dans Chimie et Biotech

Des chercheurs du Scripps Research Institute de Californie ont trouvé un composé qui pourrait être crucial dans l'apparition des molécules supports à la vie sur Terre.

Les scientifiques qui étudient les origines de la vie sur Terre s’accordent à dire que la phosphorylation est une réaction chimique centrale et essentielle pour l’assemblage de trois ingrédients clés des premières formes de vie : nucléotides pour stocker de l’information génétique, acides aminés pour initier les protéines qui assurent le travail cellulaire et précurseurs de grandes chaînes lipidiques pour former des structures d’encapsulation comme les parois cellulaires.

Jusqu’à maintenant, personne n’a réussi à trouver un agent de phosphorylation qui puisse à la fois avoir été plausiblement présent au début de l’existence de la Terre et qui puisse être capable d’initier la phosphorylation de ces trois classes de molécules dans des conditions identiques et réalistes.

Un agent unique ?

Les chimistes du TSRI (The Scripps Research Institute) en Californie pensent avoir trouvé le candidat idéal: le diamidophosphate (DAP).

Précédemment, L’équipe de Ramanarayanan Krishnamurthy avait montré que le DAP pouvait efficacement phosphoryler une variété de sucres simples pour construire des hydrates de carbones contenant des groupement phosphores que l’on suspecte d’être impliqués dans les premiers stades de la vie.

Cette fois, dans l’article de Nature où les chercheurs relatent leur découverte, le DAP s’est révélé capable d’initier la phosphorylation et la construction de chaînes de l’ensemble des classes de molécules que l’on retrouve dans les cellules.

L’action du diamidophosphate a été mise en évidence tout d’abord dans la phosphorylation de quatre nucléosides qui forment les briques élémentaires de l’ARN. La réaction s’est tenue dans de l’eau ou dans un milieu apparenté et ce sous une large plage de températures et des conditions très diverses. En ajoutant un autre catalyseur, l’imidazole, un composé organique simple que l’on pense présent facilement aux premiers âges de la Terre, l’activité du DAP a aussi amené à des chaînes de ces quatre blocs, ressemblant à des brins d’ARN.

Reprenant alors le même modus operandi, les chimistes ont montré que l’alliance DAP + imidazole permettait à des molécules élémentaires des lipides comme le glycérol et des acides gras de s’assembler pour former de petites capsules de phospholipides, des vésicules que l’on pourrait assimiler à des versions primitives des cellules.

De la même manière, le DAP dans de l’eau à température ambiante a aussi entraîné une réaction de phosphorylation de trois acides aminés (glycine, acide aspartique, glutamate) et les a aidés à construire une petite chaîne peptidique – une version courte d’une protéine.

La preuve impossible

Evidemment, plusieurs milliards d’années plus tard, il est difficile de prouver que c’est vraiment le DAP qui était présent à l’origine pour tous ces processus. La seule chose que l’on peut dire c’est que la chimie du DAP est très proche de ce qui se passe au cœur du métabolisme cellulaire aujourd’hui. L’équipe de Ramanarayanan Krishnamurthy compte poursuivre les recherches sur le DAP et devrait s’associer à des géochimistes pour identifier les sources potentielles de DAP ou d’un autre composé agissant de la même manière dans l’environnement de la Terre primitive. Une quête qui va de pair aussi avec le travail des astrobiologistes qui depuis quelques années découvrent des molécules prébiotiques dans le gaz et la poussières de l’espace interstellaire.

Sophie Hoguin


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