Décryptage

Stockage de l’électricité d’origine solaire : attention aux faux espoirs

Posté le 15 mars 2009
par La rédaction
dans Environnement

[Tribune] Geoffrey Styles
Le principal obstacle à l'utilisation à grande échelle de l'énergie solaire aujourd'hui n'est pas tant sa nature cyclique, que le stockage peut résoudre, mais son coût élevé par kilowatt-heure généré comparé à d'autres technologies. Explication.

Un article sur une nouvelle batterie liquide dans le magazine Technology Review du MIT m’a remis en tête une hypothèse que j’avais énoncée quelques temps auparavant concernant la synergie entre les énergies renouvelables et des batteries plus performantes. De la même façon, l’auteur de l’article suggère qu’avec des batteries plus grosses et moins chères, on pourrait fournir en permanence de l’électricité grâce à l’énergie solaire. Pourtant, alors que cette nouvelle batterie faite d’une combinaison de métaux et de sels fondus paraît futée, je ne suis pas sûr que cela ait un sens de l’utiliser pour stocker de l’électricité solaire ainsi que l’envisage l’auteur.Mon propos ne porte pas ici sur les panneaux solaires installés sur les toits des maisons. Le stockage ne s’y prête pas dans la plupart des cas, à moins d’être isolé ou de mettre un point d’honneur à être indépendant du réseau. Le « Net metering », un système de comptage qui permet de vendre le surplus d’électricité produite au réseau et de lui en acheter quand le soleil ne brille pas, offre typiquement une meilleure solution que les batteries pour les propriétaires, qui se servent en pratique du réseau comme d’un moyen de stockage. Je suis davantage intéressé par les installations solaires de grande envergure qui poussent ici et là. Ces dernières concurrencent directement les turbines à gaz à cycle simple et les centrales électriques standards. Ces projets solaires coûtent environ 6.000 dollars par kilowatt (kW) installé, une moyenne calculée sur plusieurs projets récents (lire l’article) suite à une recherche rapide sur Internet (lire l’article). Même avec un crédit d’impôt de 30% (lire le document de la SEIA) sur l’investissement solaire et une localisation ensoleillée comme la Floride, les coûts de production sont amortis de près de 0,25 dollar par kilowatt-heure (kWh) pour un taux d’intérêt de 6 % sur 20 ans. Cela pourrait être acceptable au plus fort de la demande, les après-midi de grande chaleur, mais en période creuse, le modèle ne tient pas la comparaison avec les coûts énergétiques d’autres technologies telles que les turbines à gaz et les éoliennes, sans parler des centrales à charbon ou nucléaires.

Le prix au kWh n’est pas le seul obstacle que l’énergie solaire doit surmonter pour être compétitive en permanence, même en considérant un faible coût de stockage, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. L’investissement nécessaire à la production de suffisamment d’énergie pour fournir le marché 24h sur 24, 7 jours sur 7, est beaucoup plus important que pour les autres technologies en raison des facteurs de capacité du solaire – la fraction de temps pendant laquelle ces capacités sont disponibles et fonctionnent à pleine puissance – qui en moyenne sont inférieur à 20%.

Dans l’exemple de la Floride cité ci-dessus, une installation solaire recevrait en moyenne un taux d’ensoleillement de 4 à 4,5 heures de grand soleil par jour (voir la carte) Cela équivaut à un facteur de capacité compris entre 17 et 19%.Remplacer une centrale à charbon de 500 MW avec un facteur de capacité de 80% nécessiterait une centrale solaire de 2.200 MW avec une capacité de stockage en rapport. Ainsi, à 6.000 dollars /kW, une centrale solaire capable de générer autant de kWhs qu’une centrale à charbon à 1,5 milliard de dollars coûterait 13,2 milliards de dollars, sans compter le coût de distribution de l’énergie à la demande et pas uniquement lorsque le soleil brille. (Cela implique aussi un très fort coût par tonne pour les émissions de CO2 évitées.)Si on considère la technologie solaire actuelle, l’idée même de stocker une grande quantité d’énergie solaire ne paraît ni réaliste, ni nécessaire. Le stockage à grande échelle et à bas prix (batteries, air comprimé, pompe à eau,…) des énergies renouvelables, à la carte, a plus de sens quand on parle de l’énergie éolienne dont la production à faible coût chevauche par ailleurs beaucoup moins les courbes quotidiennes et saisonnières de la demande, que de l’énergie solaire. Le solaire requière peu ou pas de stockage autrement que pour compenser les effets des nuages ou pour prolonger ou anticiper d’une heure ou deux les pics naturels de production. La technologie solaire thermique qui stocke l’énergie sous forme de chaleur plutôt que d’électricité semble alors la plus évidente. Aussi, les constructeurs de nouvelles batteries ne devraient pas placer leurs espoirs dans la croissance du marché de stockage de l’énergie solaire.

Geoffrey Styles est gérant de GSW Strategy Group, LLC, une firme de consultants sur l’énergie et les stratégies environnementales. Il rédige également le blog : Energy Outlook.