Stéphane Séjourné, proche du président français Emmanuel Macron, va prendre la tête d’un portefeuille clef à la stratégie industrielle au sein de la nouvelle Commission européenne, mais il devra, après le départ fracassant de Thierry Breton, lutter pour s’imposer et préserver l’influence de la France.
Le nouveau commissaire, choisi à la dernière minute par l’Elysée, sera chargé du redressement de l’industrie européenne, grande priorité des prochaines années, a annoncé la présidente allemande de la Commission, Ursula von der Leyen. Il héritera du titre de « vice-président exécutif pour la Prospérité et la Stratégie industrielle ».
Sur le papier, il apparaît comme l’un des poids lourds de l’exécutif aux côtés de cinq autres vice-présidents. Mais, dans l’univers complexe de la Commission, le titre ne fait pas forcément l’influence.
Son prédécesseur Thierry Breton avait réussi à faire de l’ombre à Margrethe Vestager, théoriquement sa supérieure hiérarchique. Ancien chef d’entreprise et ancien ministre des Finances, doté d’une forte personnalité, il avait mis à profit ses connaissances des milieux d’affaires, son expertise des dossiers technologiques et son activisme médiatique pour s’imposer notamment comme régulateur de la tech.
En dénonçant publiquement l’autoritarisme de von der Leyen au printemps dernier, M. Breton aura cependant franchi la limite qui lui a coûté son poste.
Stéphane Séjourné sera finalement responsable de l’Industrie et du Marché intérieur, comme son prédécesseur… Mais avec le numérique et le secteur de la défense en moins.
En tant que vice-président, « il guidera le travail visant à mettre en place les conditions permettant à nos entreprises de prospérer, pour l’investissement et l’innovation, ainsi que pour la stabilité économique, le commerce et la sécurité économique », a expliqué Ursula von der Leyen, tout en l’adoubant.
– « Il va se faire bouffer » –
« Je connais très bien Stéphane Séjourné » qui a présidé le groupe Renew (centristes et libéraux) au Parlement européen de 2021 à 2024, a-t-elle souligné. « Nous avons très bien travaillé ensemble et je suis convaincu qu’il sera un excellent commissaire européen. »
A 39 ans, le chef du parti présidentiel Renaissance a pour lui deux atouts: sa proximité avec Emmanuel Macron et sa fine connaissance des institutions bruxelloises.
Mais le ministre français des Affaires étrangères sortant est peu réputé pour sa maîtrise des sujets économiques et financiers. Il ne cachait d’ailleurs pas sa volonté de rester au Quai d’Orsay, où il n’aura guère eu l’occasion de s’illustrer depuis sa nomination en janvier.
Il semble en outre peu à l’aise dans ses prises de parole publiques et maîtrise mal l’anglais, langue désormais hégémonique au « Berlaymont » – le siège de la Commission – où les commissaires doivent s’imposer non seulement face à leurs collègues mais aussi face à l’appareil administratif organisé en puissantes directions générales.
L’Allemande Ursula von der Leyen, qui entame son deuxième mandat, semble plus puissante que jamais. Quinze membres de son équipe sur 27 sont issus comme elle des rangs du PPE (conservateurs). Au point de faire craindre une hégémonie allemande sur l’institution.
Elle connait bien les deux principaux commissaires censés rendre des comptes à Stéphane Séjourné, Valdis Dombrovskis (PPE lui aussi) et Maros Sefcovic (social-démocrate), deux poids lourds de l’exécutif sortant, qui seront aussi placés sous l’autorité directe de la présidente.
Chargé de l’Economie et de la Productivité, M. Dombrovskis entame déjà son troisième mandat, tandis que M. Sefcovic, nommé au Commerce et à la Sécurité économique, officie à Bruxelles depuis 2009.
« Stéphane Séjourné hérite d’un portefeuille clef à la stratégie industrielle, avec possiblement plusieurs commissaires expérimentés sous ses ordres. Avec quelle expertise? Deux ans en tant que membre de la commission des Affaires économiques et des Affaires juridiques au Parlement européen et un niveau en anglais extrêmement médiocre… Il va se faire manger et l’influence française va payer l’addition », a raillé Céline Imart, eurodéputée LR/PPE.
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