« Une honteuse passivité de l’État »: en Isère, les élus du territoire menacé de centaines de suppressions d’emplois chez les chimistes Vencorex et Arkema ne cachent plus leur exaspération face à ce qu’ils perçoivent comme une absence de « vision industrielle ».
Mais pour le gouvernement, qui assure se tenir aux côtés des salariés et des élus, il n’existe « pas de perspectives pour le modèle économique de Vencorex », une entreprise pivot pour la chimie régionale à qui elle fournit des produits utilisés ensuite comme matières premières, dont du sel.
Président divers gauche de la métropole de Grenoble et maire du Pont-de-Claix, où se trouve l’usine Vencorex en redressement judiciaire, Christophe Ferrari ne mâche pourtant pas ses mots: « Ce qu’on vit, c’est un vrai scandale d’État. »
« Je suis outré, blessé, choqué par ce qui s’est passé », lance-t-il au lendemain d’une longue réunion à Bercy, au cours de laquelle il dit n’avoir reçu « aucune réponse » à ses questions.
C’est un « sentiment d’abandon », renchérit Raphaël Guerrero, maire de la commune voisine de Jarrie, où est implantée une usine Arkema qui a annoncé cette semaine envisager de supprimer 154 de ses 344 emplois à la suite des difficultés de Vencorex.
« Cette phrase de +On a une stratégie+, on ne l’entend pas. Ça veut dire qu’on n’a pas d’aide, qu’on se débrouille tout seul. (…) Quand on est élu local, c’est assez violent », a-t-il souligné jeudi.
Syndicats et élus réclament depuis des mois une « nationalisation temporaire » de Vencorex pour éviter la fermeture de la plate-forme chimique de Pont-de-Claix, la perte d’outils industriels financés en partie par l’État et des effets dominos massifs sur l’emploi et la filière chimique.
Or, ce « scénario catastrophe est en train de se réaliser » avec l’annonce d’Arkema à Jarrie, où le « climat social est très tendu », s’indigne M. Ferrari.
De fait, une réunion du conseil économique et social (CSE) jeudi sur le site, en grève totale depuis le 13 janvier, s’est soldée par des incidents, « des exactions et dégradations inadmissibles » et un « envahissement », selon Arkema. Selon l’Intersyndicale, « la direction a fui dans le coffre » d’une voiture.
– Une nationalisation « pas envisagée » –
Vencorex est désormais en attente d’un jugement de mise en liquidation du tribunal de commerce de Lyon le 6 mars. Seule une cinquantaine d’emplois sur les 450 devraient être maintenus dans le cadre d’un rachat d’une part de l’activité par le groupe chinois Wanhua, son concurrent.
Accusé d’inaction, le gouvernement affirme avoir « cherché des repreneurs industriels », s’être « battu aux côtés des salariés (pour) un traitement digne » et se tenir « aux côtés des collectivités et des élus pour redynamiser le territoire ».
Mais la nationalisation réclamée « n’est pas une solution envisagée », a répondu sans ambages la ministre déléguée au numérique Clara Chappaz, interrogée mardi lors des questions au gouvernement.
« Le seul plan présenté prévoyait des pertes cumulées de plusieurs centaines de millions d’euros sur près de dix ans. Il n’existe donc pas de perspectives pour le modèle économique de Vencorex », a-t-elle souligné.
Pour MM. Ferrari et Guerrero, cet argument n’en est pas un car selon eux le gouvernement ne propose pas d’alternative.
« Ce n’est pas uniquement un sujet de fermeture d’usines. C’est un test pour la puissance et l’autorité de l’État face à des groupes économiques », estime le premier. « Je pense qu’il y a zéro vision industrielle (…) C’est une passivité coupable », accuse-t-il.
Pour M. Guerrero, l’absence de « stratégie globale » se reflète aussi dans le flou entourant l’avenir de la mine de Hauterives (Drôme), qui alimente Vencorex en sel via un saumoduc (canalisation transportant de la saumure).
Si les pressions dans ses cavités « ne sont pas équilibrées, six villages peuvent connaître des effondrements partiels », posant un « sujet écologique majeur », avertit-il.
Selon la préfecture de la Drôme, la saline est « suivie de près » et nécessiterait en cas de fermeture des « mesures » pour « éviter la fracturation du massif ». Pour autant, « plusieurs cavités sont à l’arrêt depuis plusieurs années, et aucun désordre n’est à déplorer », assure-t-elle.
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