La grève des dockers aux Etats-Unis a des conséquences potentielles sur le commerce mondial, et tout particulièrement pour les échanges avec l’Europe.
Coup dur pour l’économie américaine
Les dockers sont en grève depuis mardi dans près de 40 ports de la côte Est et du Sud des États-Unis, par lesquels transitent habituellement environ la moitié des importations maritimes en Amérique du Nord. Parmi les produits concernés: épicerie fine ou produits laitiers, composants électroniques, automobiles, pièces pour industrie aéronautique…
Les experts d’Oxford Economics estiment que chaque semaine de grève amputerait le PIB américain de 4,5 à 7,5 milliards de dollars.
A l’échelle mondiale, les conséquences sont moindres, aucun des ports de la côte Est ne figurant parmi les plus importants au monde en termes de trafic.
La grève touche surtout les flux maritimes entre l’Amérique du Nord et l’Europe. « De 7 à 8 millions de conteneurs pleins circulent chaque année entre l’Europe et les États-Unis », détaille Paul Tourret, directeur de l’Institut supérieur français d’économie maritime (Isemar). Comparé aux « 210 à 215 millions de conteneurs pleins dans le monde, c’est tout petit », relativise-t-il.
Retards
« Une grève relativement prolongée serait une vraie catastrophe économique », souligne cependant Eric Martin-Neuville, responsable des opérations de fret chez la société française de logistique Geodis.
Par effet domino, le mouvement pourrait provoquer d’importants retards et des manques à gagner pour les exportateurs européens, tablant sur la saison des fêtes.
« Une semaine de grève c’est trois semaines de perturbations maritimes à destination et en provenance des Etats-Unis, donc une baisse d’activité sensible pendant une période d’un mois » pour un groupe comme Geodis, qui réalise le quart de son chiffre d’affaires aux Etats-Unis, assure Eric Martin-Neuville.
« Le gros sujet va être de s’assurer que les délais (de livraison) vont être tenus, d’autant plus lorsqu’il s’agit de produits ayant une date limite de consommation », explique Arthur Barillas de Thé, le dirigeant du commissionnaire français de transport Ovrsea.
Certaines entreprises avaient prévu le mouvement social – la date des négociations étant connue à l’avance. Mais cela ne sera pas suffisant, avertit la plateforme allemande de logistique Container xChange: « Si la grève se poursuit pendant une période prolongée, nous pourrions constater une pression importante sur la disponibilité des conteneurs et sur les calendriers d’expédition. »
Si certains exportateurs européens ont commencé à se tourner vers le fret aérien, ce n’est pas possible pour toutes les cargaisons. « Parmi nos clients, certains se reportent déjà sur l’avion, pour la pharmacie, les parfums, les produits légers, mais si vous exportez 100.000 bouteilles de champagne, vous ne le ferez pas par avion », souligne Arthur Barillas de Thé.
Surcoûts
« Les compagnies maritimes ont commencé à mettre en place des surcharges liées à la grève », indique Eric Martin-Neuville.
Le géant danois du transport maritime Maersk a averti qu’il allait mettre en oeuvre un supplément allant de 1.500 à 3.780 dollars par conteneur pour toutes les marchandises en provenance et à destination des terminaux de la côte Est des États-Unis et du Golfe du Mexique.
Son concurrent français CMA CGM a lui aussi augmenté ses tarifs pour les conteneurs immobilisés dans les ports.
Les transporteurs ont peu d’alternatives. Une partie du trafic pourrait être détournée vers la côte ouest américaine, générant des journées de navigation supplémentaires, mais les ports de la région ne seront pas en capacité d’accueillir l’ensemble des navires.
Viendront s’y ajouter les coûts additionnels de livraison, par le rail ou la route, une fois sur le continent. A la clef, des délais rallongés et des coûts à la hausse pour les exportateurs, et potentiellement des prix plus élevés en rayon pour le consommateur.
Pour l’instant, sans s’envoler vers les niveaux atteints au sortir de la pandémie, les tarifs du fret maritime ont plus que doublé sur un an, les entreprises ayant anticipé le mouvement social depuis le mois de juillet.
Pour Stéphane Defives, l’un des responsables de l’activité maritime chez le transporteur suisse Kuehne + Nagel, « cette crise, si elle perdure, pourrait faire tâche d’huile, d’autant qu’elle s’ajoute à la crise en mer Rouge » où les Houthis, qui contrôlent de larges pans du Yémen, ciblent depuis des mois les navires qu’ils estiment liés à Israël, aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni.
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