Dès son premier jour aux commandes de Boeing en août, Kelly Ortberg avait arpenté l’immense hangar abritant les chaînes d’assemblage du 737 près de Seattle (nord-ouest), allant à la rencontre des ouvriers avec l’intention de « réinitialiser » les relations entre l’avionneur et ses employés.
Mais quelques semaines plus tard, plus de 33.000 syndiqués sont en grève, interrompant la production de plusieurs sites dont les cruciales usines du 737 – son best-seller – et du gros porteur 777.
Le nouveau patron a ainsi rapidement découvert le défi posé par son objectif d’apaiser les tensions sociales avec les adhérents du District 751, branche locale du syndicat international des machinistes (IAM).
Ils ont rejeté le 12 septembre à près de 95% le projet de convention collective négocié depuis mars avec Boeing, et voté à 96% un débrayage immédiat.
Les ouvriers réclament une hausse salariale d’au moins 40%, quand le projet annoncé le 8 septembre prévoyait 25% sur quatre ans. De nombreux syndiqués ont qualifié ce chiffre de trompeur, arguant que le texte prévoyait aussi la suppression d’une prime annuelle.
Le syndicat souhaite également le rétablissement du dispositif de retraite supprimé en 2014 ainsi qu’un engagement plus fort sur la construction du prochain avion – attendu pour 2035 – dans la région de Seattle, berceau du groupe.
Kelly Ortberg « se trouvait dans une position difficile à son arrivée », a commenté Jon Holden, président de l’IAM-District 751, lors d’une conférence de presse le 12 septembre.
Selon lui, la grève n’a pas de lien avec M. Ortbert mais illustre « ce qui a été fait à nos adhérents par la direction du groupe Boeing depuis près de vingt ans ».
– Réputation –
La dernière grève lancée par cette branche remontait à 2008 – c’était la quatrième en moins de vingt ans et elle avait duré 57 jours.
James McNerney, patron à l’époque, avait affirmé que les débrayages nuisaient à la réputation de Boeing en termes d’efficacité, soulignant l’essor industriel des Etats du sud des Etats-Unis, où le syndicalisme est encore peu présent.
Une fois le travail repris, il s’était employé à amoindrir le pouvoir du syndicat notamment en annonçant l’implantation d’une chaîne d’assemblage du 787 Dreamliner à Charleston, en Caroline du Sud (sud-est). Quelque 3.800 emplois ont été créés en sept ans, non syndicalisés.
Entre 2011 et 2014, période fructueuse pour Boeing pendant laquelle les actionnaires ont perçu des dividendes et les dirigeants des millions de dollars de rémunération, la convention collective a simplement été prolongée avec des hausses salariales minimes pour les ouvriers.
Et ces derniers ont consenti des concessions, comme un engagement à ne pas faire grève en échange d’une promesse de construire le prochain avion dans la région de Seattle, synonyme d’emplois pendant des décennies.
Une lutte en 2014 a laissé des traces, avec un syndicat divisé et un accord ratifié à une faible majorité (51%).
Depuis une semaine, plusieurs dirigeants du groupe ont appelé de leurs voeux une résolution rapide du conflit social.
– Economies –
Mais Boeing a annoncé lundi des mesures pour réduire ses coûts de fonctionnement afin de préserver sa trésorerie convalescente, mise à mal par deux crashes ayant fait 346 morts, par des problèmes d’approvisionnement après la pandémie et de qualité de sa production.
Deux jours plus tard, l’avionneur annonçait la mise au chômage technique partiel de plusieurs dizaines de milliers d’employés non syndiqués « dans les prochains jours ».
Boeing a indiqué vendredi à l’AFP qu’elles venaient de commencer.
De son côté, le syndicat signalait mercredi qu' »aucune avancée majeure » n’avait été effectuée pendant deux jours de négociations, avec médiation fédérale.
Selon une source syndicale, l’avionneur n’a rien changé à son offre initiale en termes de hausse salariale et de retraite, les deux grandes revendications des adhérents.
Les discussions devraient reprendre la semaine prochaine mais aucune date n’est fixée, a-t-elle précisé.
Boeing « doit encaisser un autre choc financier et essayer de rebâtir sa réputation, créer une nouvelle image auprès de son personnel », estime Leon Grunberg, spécialiste des relations sociales en entreprise.
Avec la pandémie et la vague de départs qu’elle a entraîné, le groupe a perdu beaucoup de travailleurs qualifiés et expérimentés.
Le bon côté, selon M. Grunberg, est que les jeunes recrues ne portent pas les stigmates des luttes passées et sont plus ouverts à une approche « transactionnelle ».
jmb/elm/nth
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