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Les médicaments anti-obésité, « chance » ou nouvelle « injonction » pour les patients ?

Posté le par AFP

« Une chance » sur le plan médical, ou un « effet de mode » qui renforce les injonctions à maigrir ? Les personnes obèses et les médecins apparaissent partagés face à l’élargissement des prescriptions de médicaments anti-obésité à tous les médecins.

« C’est une chance pour nous » affirme d’emblée Anne-Sophie Joly, à propos des traitements anti-obésité comme le Wegovy ou le Mounjaro, commercialisés en France depuis octobre et novembre 2024.

La présidente du Comité national des associations d’obèses (CNAO) souligne le « besoin d’un élargissement des prescriptions », mais de manière encadrée: « Nous on en crève (de l’obésité, NDLR), c’est pas pour faire de l’esthétique » souligne-t-elle.

Jusqu’ici réservées à certains spécialistes, les prescriptions de ces médicaments pourront être pratiquées par tous les médecins dès le 23 juin. Les précédentes restrictions ont « pu en freiner l’accès pour certains patients, du fait de délais parfois importants pour consulter un spécialiste », expliquait vendredi l’Agence du médicament (ANSM).

En arrière-plan, cette généralisation soulève la question controversée de reconnaître l’obésité comme maladie. Des associations comme le CNAO et la Ligue contre l’obésité (LCO) espèrent ainsi qu’elle permettra d’avancer vers une meilleure prise en charge.

– Méfiance –

« Pour certains, s’il n’y a pas de médicament, ce n’est pas une maladie » résume Anne-Sophie Joly.

Parmi les personnes obèses, la méfiance reste souvent de mise face à ces médicaments aux nombreuses promesses. Victor Brami, auteur du podcast « Obèses » qui relate son vécu de « gros » et sa sleeve gastrectomie (intervention de chirurgie bariatrique visant à réduire le volume de l’estomac), se méfie d’un « effet de mode » sur cette « solution miracle ».

Le trentenaire qui travaille dans la publicité craint « le revers de la médaille » et les effets secondaires à long terme de ces traitements à vie, doutant des intentions de « sociétés privées qui veulent faire du profit ».

Mathilde, modèle et créatrice de contenus sur TikTok qui a demandé l’anonymat, soutient la décision d’élargir les conditions de prescriptions mais insiste: « Ça ne réglera pas toutes les formes d’obésité », comme dans son cas, une prise de poids liée à des traitements médicamenteux.

La Strasbourgeoise de 26 ans espère que ces traitements ne primeront pas sur le fait d' »apprendre à s’accepter » et craint « que tout le monde en vienne à en prendre pour perdre toujours plus de poids ».

De fait, ces traitements sont mal vus par des activistes anti-grossophobie, qui, contrairement aux associations comme le CNAO, se refusent à dire que l’obésité est forcément pathologique.

– « Lobbying » –

« Je n’ai aucun doute sur le fait que ce sera prescrit en dehors des recommandations », réagit Pelphine, militante antigrossophobie de 35 ans derrière le compte Instagram Corps Cools.

La co-fondatrice de l’association belge Fat Friendly, qui a préféré rester anonyme après avoir subi du harcèlement en ligne pour ses prises de position, dénonce le « lobbying des laboratoires » à l’origine des médicaments.

« Ces dernières années, on commençait à se rendre compte que perdre du poids n’était pas forcément la solution » par rapport à l’idée de « faire gagner en santé les personnes grosses » grâce à l’activité physique et à l’alimentation, explique Pelphine.

Pour la professeure en nutrition Anne-Laure Borel, exerçant au centre spécialisé de l’obésité (CSO) du centre hospitalo-universitaire (CHU) de Grenoble, il est essentiel de s’assurer que ces traitements aident « les personnes en obésité et qui souffrent de leur obésité ».

« L’obésité n’est une maladie que si elle affecte le bien-être physique, fonctionnel ou psycho-social d’un individu », souligne la médecin. Si ce n’est pas le cas, il s’agit d’une « caractéristique » de la diversité des corps que « la société doit accepter » sans « injonction à se soigner ».

Encadrer l’élargissement des prescriptions par des programmes d’éducation thérapeutique, comme en chirurgie bariatrique, est alors nécessaire pour éviter tout mésusage, défendent les spécialistes comme Anne-Laure Borel.

« Prescrire les médicaments, ok, mais avec toute une équipe pluridisciplinaire au point de vue psychologique et nutritionnel », abonde Hanane Gaillard, diététicienne nutritionniste au CHU de Montpellier.

Directrice générale de la Ligue contre l’obésité, elle signale également le coût très élevé de ce traitement (300 euros par mois environ), alors que « les personnes concernées » sont majoritairement « précaires, donc n’ont pas nécessairement l’argent pour ». Pour l’heure, le remboursement des médicaments anti-obésité reste en suspens.

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