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Décryptage

Les effets des téléphones mobiles sur l’activité cérébrale

Posté le par La rédaction dans Informatique et Numérique

[Tribune] Ariel Fenster, professeur de chimie à l’Université McGill (Canada)

Une étude publiée dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) risque de relancer la controverse au sujet des téléphones mobiles.

Malgré les nombreuses études faites à ce sujet, aucune n’est arrivée à la conclusion qu’un lien existe entre leur utilisation et un risque accru de cancer cérébral. Je pense en particulier à l’étude Interphone publiée au mois de mai 2010 dans l’International Journal of Epidemiology.

Menée auprès de participants de 13 pays et conduite sous l’égide du Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), c’était une des plus importantes du genre. Plus de 5 000 patients souffrant de deux rares formes de cancer cérébral, gliome et méningiome, avaient été invités à répertorier leur utilisation du téléphone cellulaire sur une période pouvant remonter jusqu’à dix ans plus tôt. Les résultats avaient ensuite été comparés à un nombre équivalent d’individus en santé. Après avoir investi plus de 30 millions de dollars, les auteurs ont conclu que : « Globalement, l’étude ne démontre pas de risque accru de gliome et de méningiome associé à l’utilisation du téléphone cellulaire. »

Cette nouvelle étude ne met pas elle non plus à jour de risque accru de cancer. Par contre, elle suggère que les ondes électromagnétiques de radiofréquence émises par les téléphones cellulaires pourraient avoir un impact sur l’activité cérébrale de leurs utilisateurs. Pour arriver à cette observation, une équipe de chercheurs dirigée par le docteur Nora Wolkow du National Institute of Drug Abuse au Maryland a mesuré le métabolisme cérébral du glucose par tomographie à émission de positrons (PET Scan), l’intensité de ce métabolisme étant un bon marqueur de l’activité cérébrale. Pour les besoins de l’étude, qui impliquait 47 individus en bonne santé, un téléphone cellulaire a été placé sur chacune des oreilles des sujets. Deux mesures ont été prises, de 50 minutes chacune. Pour une des mesures, agissant comme contrôle, les deux téléphones, sur l’oreille droite et l’oreille gauche, étaient désactivés. Pour l’autre, le téléphone sur l’oreille droite était activé alors que celui sur l’oreille gauche était complètement désactivé. Le téléphone activé recevait un message enregistré, mais avec le son supprimé pour ne pas causer de stimulation auditive. L’ordre dans lequel ces deux mesures étaient conduites était aléatoire (random) et les participants ne savaient pas à quel ensemble de mesures ils participaient.

L’étude n’a mis en évidence aucune différence globale sur le métabolisme cérébral du glucose. Par contre, les chercheurs ont pu constater une augmentation du métabolisme dans la région du cerveau qui était la plus proche de l’antenne du téléphone activé. Ceci se voit sur la photo de gauche (cf. plus bas), indiqué par une petite flèche. La différence était relativement faible, de l’ordre de 7 %, mais quand même significative. La conclusion des auteurs de l’étude : « … les résultats montrent que chez les humains le cerveau est sensible aux effets des champs électromagnétiques modulés par les radiofréquences provenant de l’utilisation de téléphones cellulaires. »

Que faut-il penser de tout cela ? Pour l’instant pas grand-chose. Il n’y a pas d’informations suffisantes pour tirer quelque conclusion que ce soit sur ces observations. Les chercheurs eux-mêmes admettent qu’il n’y a aucune indication que cette augmentation du métabolisme cérébral puisse être dangereuse à long terme. Ils remarquent aussi que l’augmentation de 7 % observée à la suite des effets du cellulaire est bien moindre que celles notées à la suite de stimulations visuelles où elles peuvent atteindre plus de 50 %. Et il n’y a pas d’indication qu’une augmentation de l’activité cérébrale soit néfaste pour la santé ; on pourrait penser que cela serait plutôt le contraire.

Cette étude, qui – il faut le dire – a été menée sur des bases scientifiques rigoureuses, demande à être répétée sur une plus longue durée et avec plus de participants. Entre-temps, si vous êtes inquiet, faites comme le docteur Volkov qui utilise son téléphone avec la fonction haut-parleur ou avec une oreillette pour éloigner l’antenne de son cerveau, des précautions qui sont jugées superflues par des experts comme le docteur Dimitrios Trichopoulos, professeur d’épidémiologie et de prévention du cancer à la Harvard School of Public Health. Il déclare : « Ces données sont cliniquement de valeur inconnue et cela ne va pas me faire changer ce que je fais. »

Par Ariel Fenster, professeur à l’Université McGill (Canada), et membre fondateur de l’Organisation pour la Science et la Société

Posté le par La rédaction


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