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Décryptage

Taxe carbone ou quotas CO2 ?

Posté le par La rédaction dans Environnement

[Tribune] Pierre Bacher

A l’heure où le Parlement débat de la loi Grenelle II dans un climat fortement dégradé par l’échec de Copenhague, les attaques contre le GIEC et l’abandon en France de la taxe carbone, il n’est pas sans intérêt de s’interroger sur les moyens de sauver l’essentiel : la diminution effective des rejets de gaz à effet de serre, notamment dans l'énergie.

L’an dernier, des études très intéressantes du Centre d’Analyse Stratégique ont comparé les systèmes de taxe et de quotas associés à un marché des permis de rejets.  Elles ont montré que, dans un monde parfait, les deux systèmes étaient équivalents et devaient permettre d’atteindre des objectifs quantifiés de réduction des rejets. Elles expliquent que, dans le monde réel, l’un comme l’autre présentent des avantages et des inconvénients. Pour faire simple :

  • Le système des quotas permet d’imposer une réduction donnée des rejets de CO2, mais, en créant un marché hautement spéculatif, il ouvre la voie à une possible bulle financière ; il faut donc encadrer sérieusement ce nouveau marché, par exemple en fixant des valeurs plancher et plafond au prix du CO2 (contraintes peu appréciées des financiers).
  • Un système de taxes permet de fixer le prix du CO2, mais ne permet pas de prévoir la réduction des quantités rejetées.

En conclusion de son études, le Centre d’Analyse Stratégique penchait plutôt pour un système des quotas bien encadré, car ce système a le mérite d’exister au niveau européen : c’est le « European Trading System » ou ETS. Les défauts du système ETS sont bien identifiés et doivent pouvoir être corrigés. En revanche, le système de taxes, même s’il est peut-être le meilleur en théorie, n’a aucune chance de voir le jour en Europe, car il nécessite l’unanimité des 27 pays de l’Union, alors que plusieurs pays y sont résolument opposés.

Depuis, on sait ce qu’il en est advenu : le gouvernement français, adoptant les conclusions de la commission Rocard, décida de créer une taxe carbone. Il était prévisible que les industries déjà soumises au système ETS demanderaient à être exonérées de cette taxe, pour éviter d’être pénalisées par la concurrence européenne et internationale. De fil en aiguille, et d’exemption en exemption, le Conseil Constitutionnel jugea que la loi ne respectait pas le principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt. Incapable de contourner l’obstacle, le projet de loi fut abandonné.

La Commissaire européenne en charge du dossier climat a récemment affirmé qu’il serait impossible d’obtenir l’unanimité des pays pour créer une taxe carbone européenne et qu’il était, de ce fait, préférable d’améliorer le système ETS. La triste réalité, c’est que le conflit qui oppose les tenants de la taxe carbone et ceux des quotas de CO2 ne fait qu’un heureux : le clan des opposants à toute restriction de l’utilisation des combustibles fossiles. Il serait grand temps que le gouvernement français marque résolument sa volonté d’aboutir à la réduction des rejets de CO2, et aborde les discussions européennes avec pragmatisme et sans parti pris en faveur de l’une ou l’autre des solutions.

Par Pierre Bacher, ancien directeur technique responsable des projets à EDF et auteur pour les Editions Techniques de l’ingénieur

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