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Décryptage

La micro-analyse X au secours des œuvres de Van Gogh

Posté le par La rédaction dans Informatique et Numérique

Une équipe de scientifiques européens a mis en évidence le processus chimique complexe impliqué dans l’assombrissement du jaune de chrome, entraînant la perte d’éclat de tableaux emblématiques de Vincent Van Gogh et d’autres artistes de la fin du XIXe siècle. Les rayons UV seraient en grande partie responsables de la réduction du chrome de Cr VI à Cr III. 

L’utilisation de couleurs vives par Van Gogh dans ses tableaux fut un tournant décisif dans l’histoire de l’art : plutôt que d’utiliser ces couleurs de manière réaliste, c’était pour lui le moyen d’évoquer des humeurs et des émotions. Ceci n’aurait pu être possible sans les innovations majeures intervenues au XIXe siècle dans la fabrication des pigments.  L’éclat des nouveaux pigments industriels, tels que le jaune de chrome, a permis à Van Gogh de parvenir à l’intensité que l’on retrouve, par exemple, dans le tableau intitulé Les Tournesols. L’assombrissement du jaune de chrome, sous l’effet des rayons du soleil, est connu depuis la première moitié du XIXe siècle. Cependant, tous les tableaux d’époque ne sont pas affectés de la même façon et à la même vitesse.

Pour identifier le processus chimique incriminé dans l’assombrissement des toiles de Van Gogh, des chercheurs italiens (CNR di Scienze e Tecnologie Molecolari CNR-ISTM), belges (Universiteit van Antwerpen), hollandais (Delft University of Technology et Van Gogh Museum) et français (Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France ou CRRMF) ont tout d’abord recueilli des échantillons issus des restes de trois tubes différents de peinture de jaune de chrome de l’époque. Une fois ces échantillons vieillis artificiellement pendant 500  heures à l’aide d’une lampe à UV, un seul d’entre eux, provenant d’un tube de peinture ayant appartenu à Rik Wouters (1882-1913), peintre flamand issu du mouvement fauviste, a révélé un assombrissement important. En l’espace de trois semaines, la surface de la peinture jaune vif originale est devenue marron chocolat. Ceci confirme que tous les jaunes de chrome de cette période ne réagissent pas de la même manière, les jaunes les plus clairs étant ceux qui brunissent le plus vite aux rayons UV.

Altération des pigments sur 1 à 3 µm  de profondeur

Une étude effectuée ensuite au synchrotron européen de Grenoble (l’ESRF ou European Synchrotron Radiation Facility) sur cet échantillon réactif, a révélé que l’assombrissement de la couche supérieure était lié à une réduction du chrome contenu dans le jaune de chrome, passant de Cr VI à Cr III. Les scientifiques ont également reproduit à partir d’anciennes recettes, la peinture jaune de chrome que Rik Wouters utilisait et l’ont également soumis aux UV. Même résultat : l’effet d’assombrissement est également visible.

Au cours d’une deuxième étape, les scientifiques ont examiné des micro-échantillons provenant des zones affectées sur deux tableaux de Van Gogh, Vue d’Arles avec iris (1888) et Berges de la Seine (1887), tous deux exposés au musée Van Gogh d’Amsterdam. L’examen de ces échantillons grâce à cette même technique de micro-analyse X, a confirmé la réaction chimique de réduction du chrome de Cr VI à Cr III sur ces tableaux.

La profondeur à laquelle les rayons du soleil pénètrent dans la peinture et altèrent la couleur de ses pigments est comprise entre 1 et 3 µm, ce qui rend l’analyse de la couche d’altération d’autant plus difficile. Ce sont les rayons du soleil qui, en favorisant la réduction du chrome, concourrent à transformer le jaune de chrome en pigments marron, modifiant alors la composition originale. Mais les rayons UV ne sont vraisemblablement pas les seuls à incriminer dans ce processus.

Le baryum et le soufre aggraveraient l’altération 

D’autres expériences sont d’ores et déjà programmées, afin d’identifier très précisément les conditions qui favorisent la réduction de chrome et de savoir s’il existe un espoir de rendre aux pigments leur état original dans les tableaux déjà affectés par ce phénomène. Car si le rôle de la lumière est ici clairement identifié dans la réduction du chrome, les analyses par micro-spectroscopie X ont également montré que l’altération était particulièrement importante en présence de composés chimiques contenant du baryum et du soufre (présents dans la peinture blanche). Ceci laisse supposer que la technique de Van Gogh consistant à mélanger de la peinture blanche à son jaune pour le rendre encore plus lumineux, pourrait être également à l’origine de l’assombrissement de sa peinture. Ainsi, cette découverte pourrait permettre d’empêcher que la couleur jaune vif des tableaux les plus célèbres de Van Gogh ne soit recouverte d’une pellicule sombre et qu’elle ne perde de son éclat au fil du temps, grâce à des précautions particulières de conservation et d’exposition des œuvres, notamment aux rayons UV.

Posté le par La rédaction


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