La notion et la tradition des cultures en milieu liquide (aujourd'hui appelées planctoniques) ont constitué les fondements de la microbiologie pendant plus de 60 ans.
Naissance de la microbiologie
C'est avec minutie qu'Anton van Leeuwenhoek (1632-1723), un horloger hollandais amateur de microscopie, s'attachait à décrire les « animalcules » qu'il observait à l'aide de microscopes qu'il construisait lui-même. C'est avec l'un de ces microscopes qu'il décrivit en 1863 les différentes morphologies bactériennes connues à ce jour. C'est lui aussi qui observa pour la première fois, sur des surfaces dentaires, ce que nous appelons aujourd'hui des biofilms.
Longtemps, ces êtres microscopiques ont été supposés naître de la matière non vivante grâce à une « force vitale ». Cette théorie de la génération spontanée perdura jusqu'en 1861 lorsque Louis Pasteur (1822-1895) démontra que les contaminations observées dans les bouillons nutritifs étaient dues à des micro-organismes présents dans l'air ambiant. L'implication de ces micro-organismes dans les maladies, bien que supposée un siècle avant JC, ne fut démontrée qu'en 1835 par Agostino Bassi (1773-1856) lorsqu'il découvrit que la muscardine, maladie du ver à soie, était causée par un champignon qu'il nomma Botrytis paradoxa (aujourd'hui Beauveria bassiana). Dès lors, on oublia les miasmes et autres déséquilibres des quatre humeurs corporelles et la microbiologie prit son envol.
En 1876, le médecin allemand Robert Koch (1843-1910) publia ses travaux sur Bacillus anthracis et développa les « postulats de Koch ». Le deuxième de ces quatre postulats implique l'isolement du micro-organisme et la notion de culture pure.
Mais ce sont les travaux de Claude E. Zobell (1904-1989) qui ont ouvert une nouvelle ère dans le domaine de la microbiologie. Dès 1936, ce chercheur (considéré comme le père de la microbiologie marine) démontra que les surfaces solides sont bénéfiques au développement des bactéries lors de leur conservation dans un milieu nutritif dilué. En 1943, il montra que de très faibles quantités de nutriments organiques s'adsorbent sur le verre et que cette concentration de matière organique favorise la formation de « biofilms » sur les surfaces [1].
Les biofilms
La mise en évidence de ces biofilms est longtemps restée anecdotique, en partie parce que les méthodes d'observation n'étaient pas suffisamment performantes. Il fallut attendre la microscopie électronique et les travaux de Jones et col. [2] pour mettre en évidence que ces biofilms sont composés d'une très grande variété d'organismes [2]. C'est sous l'impulsion de W.G. Characklis (décédé en 1992) puis de J.W. Costerton (actuellement directeur du Centre sur les biofilms à la Faculté dentaire de Californie du Sud) que l'étude des biofilms a pris véritablement son essor. Dès 1973, Characklis mit en évidence que des slimes microbiens provenant de circuits d'eaux industrielles étaient hautement résistants aux désinfectants et, en particulier, au chlore [3]. En 1978, Costerton et col. proposèrent les premières hypothèses sur les mécanismes impliqués dans l'adhésion des micro-organismes [4]. Depuis, un nombre croissant d'études ont été consacrées aux biofilms, aussi bien dans le domaine industriel et environnement que dans le domaine médical, comme le montre la figure 1.