Les maladies de la vue affectent près de 2,2 milliards de personnes à travers le monde selon l’Organisation Mondiale de la Santé. Elles ont d’importantes conséquences sur la qualité de vie. Bien que la majorité des troubles de la vision puissent être traités en consultation chez le médecin ou par des biais chirurgicaux, 20 % de ces maladies sont liés à des pathologies héréditaires et/ou incurables, comme les maladies rétiniennes ou le glaucome. Les maladies rétiniennes, comme la rétinopathie pigmentaire (RP) et la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), affectent les photorécepteurs de la rétine, tandis que le glaucome et la rétinopathie diabétique affectent les cellules ganglionnaires, et donc par extension le nerf optique connecté au cerveau. Si la dégénérescence des photorécepteurs laisse relativement intacte les autres couches de la rétine, qui peuvent alors être stimulées électriquement pour restaurer la vue, l’atrophie du nerf optique supprime toute connexion œil-cerveau. La restauration visuelle doit alors s’opérer au niveau des aires visuelles supérieures, dans le cerveau.
Malgré le développement de stratégies alternatives (transplantation, thérapie optogénétique), la stimulation électrique demeure aujourd’hui la seule approche validée cliniquement et qui permette la restauration de la vision pour les personnes souffrant de cécité sévère suite à la RP. Plus de 40 ans de recherche ont été dédiés à la compréhension du rôle de la stimulation électrique, ainsi qu’à l’amélioration de son efficacité dans les prothèses visuelles.
Les phosphènes sont des sensations visuelles qui se produisent suite à une stimulation électrique. Ils ont été mentionnés pour la première fois en lien avec une prothèse visuelle lorsque Brindley et Lewin placèrent des électrodes sur le cortex visuel d’un sujet aveugle. Au fil des années, les essais sur l’homme ont permis de tester les effets des stimulations électriques dans toutes les zones de la voie optique, afin de démontrer les propriétés restauratrices sur la vision de celles-ci.
Cet article cherche à présenter les différentes stratégies qui ont été explorées pour restaurer les fonctions visuelles chez des patients aveugles en utilisant la stimulation électrique. Il comprend une présentation de l’anatomie de l’œil, des maladies de la vue, et de l’interaction électrophysiologique entre le tissu neuronal et l’électrode. Depuis les l’années 2000, ces stratégies ont évolué aussi bien en termes du type de stimulation délivrée, de leur localisation, que de la structure des implants. Cet article présente les implants aujourd’hui sur le marché, ainsi que ceux en phase d’essais cliniques. Nous nous penchons également sur certaines innovations qui ont contribué à leur développement, ainsi que sur les défis futurs de ce domaine d’applications des interfaces dites cerveau-machine.
Le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire des termes utilisés.