P aul Valéry écrivait : « Le temps d'un monde fini a commencé. »
Ce début de XXIe siècle marquera très certainement une inflexion majeure de la construction. En effet, le statut de la chose construite bascule, d'une situation d'objet uniquement physique, à celle de contributeur à un service. Ce passage est très important car il traduit une attitude différente des non professionnels vis-à-vis du bâti. Celui-ci n'est plus une charge, correspondant à une immobilisation financière importante, mais un potentiel. Un bâtiment de bureau est moins une dépense qu'un instrument de productivité des équipes au travail qui vont y trouver des lieux incitatifs et propices à une meilleure efficacité, compte tenu des éléments de confort offerts.
En parallèle au développement durable, dont la montée en puissance accompagne l'évolution du bâti, on constate non pas un changement profond de sa définition, mais, plutôt, la venue d'une autre perspective amenant, à terme, des modifications importantes du produit résultant de l'acte de construire. En effet, une vision en matière de service et, non plus, d'objet physique, introduit deux dimensions peu considérées jusqu'alors :
Ainsi, la technique n'est plus une fin, mais un moyen. Par ailleurs, un service s'entend à un instant donné, et peut être modifié dans le temps. Cette dimension temporelle introduit, ipso facto, la notion d'obsolescence, alors que le bâti a toujours été considéré comme un objet pérenne qui comptait, plus par sa valeur patrimoniale, que par ses valeurs d'usage.
Cette inflexion se trouve inscrite dans un paragraphe du fascicule SD 21000 qui s'adresse à tout responsable d'une entité économique désireux d'agir en conformité avec les principes d'un développement durable :
« ...La gestion des installations et des sites de réalisation (chantiers...) et d'exploitation (ateliers, usines, bureaux...) est une inscription forte de l'entreprise sur son territoire. La durée de vie des bâtiments et infrastructures dépasse, en général, celle de la plupart des technologies et procédés utilisés dans l'entreprise. La gestion de la conception/réalisation, de l'exploitation et de la fin de vie (nettoyage du chantier, arrêt d'exploitation, démantèlement) est donc une composante à part entière de la politique de développement durable de l'entreprise responsable...»
La notion même de service introduit le besoin d'une mesure. Par ce terme il faut entendre la capacité à évaluer le service rendu et à en mesurer la disponibilité, l'efficacité, et la facilité d'emploi.
Toutes ces performances sont les caractérisations des attentes de l'utilisateur final et elles définissent « en creux » l'objet construit. Elles seront d'autant plus opératoires qu'elles pourront être mesurées. Or, il n'est pas si courant, actuellement, d'opérer des mesures. La construction se contente, le plus souvent, d'une conformité à une prescription technique qui ne garantit pas forcément un fonctionnement réel en ligne avec les calculs de dimensionnement. Il s'avère ainsi, aux dires de certains spécialistes, qu'entre la performance énergétique calculée d'un bâtiment (performance nominale) et la performance réelle constatée en usage, il pourrait y avoir un écart de 25 %.
C'est la raison pour laquelle ce fascicule a été organisé en deux chapitres :
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dans le premier, il est proposé d'analyser le concept d'efficience comme nouvel indicateur de la performance d'un bâtiment en relation avec l'idée de fonctionnement ;
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au cours du second, il sera examiné comment l'efficience peut être traitée sur la durée et comment en tirer parti.
Il s'agit donc d'un travail préparatoire qui a pour but de soumettre au débat collectif un nouvel outil professionnel.
Trois concepts : efficience, efficacité et effectivité :
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l'efficacité correspond à un processus dont le produit est fourni avec un rendement élevé des moyens mobilisés ;
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l'effectivité caractérise, pour les Anglo-Saxons, un produit correspondant aux attentes à l'origine de sa demande ;
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l'efficience est un concept plus global, et plus récent, qui oriente les deux précédents dans la perspective d'un développement durable.
L'efficience peut donc être considérée comme une notion à inscrire au registre de l'économie dans son sens premier qui est de suppléer à la rareté des ressources. L'efficience est la mesure de la contribution de toute activité à ce principe fondateur.