Le mouillage, qui est l’étude du comportement des liquides sur les solides, recouvre de nombreuses situations pratiques.
Une première grande classe de problèmes concerne les dépôts de films, où l’on cherche à couvrir un solide de liquide. Le liquide peut être une peinture, un vernis, une colle, une encre ou un lubrifiant ; il peut aussi former la base d’un film mince destiné à engendrer des propriétés spécifiques (couche antireflet, antigivre ou antisalissures, par exemple). Le solide sera parfois lisse à l’échelle moléculaire (verre), ou légèrement rugueux (acier poinçonné, mur enduit), voire poreux et désordonné (tissu, papier, ensemble de grains ou tas de sable). Dans tous ces exemples, le dépôt peut être un but en soi (lissage d’une surface rugueuse par un vernis, couverture d’une surface par une peinture) ou, au contraire, être le préalable à des opérations ultérieures (d’adhésion, par exemple, dans le cas d’une colle, ou de dispersion, si l’on pense à un solvant envahissant une poudre).
Une autre famille importante de problèmes est celle où l’on cherche à jouer sur les propriétés de surface d’un solide pour modifier la qualité du mouillage. On peut vouloir rendre un solide mouillant, comme dans les exemples déjà recensés, mais on cherchera parfois, au contraire, à éviter le mouillage, en particulier vis-à-vis de l’eau : pensons à un revêtement de baignoire ou de lavabo, au fond d’une poêle antiadhésive, ou encore à certains tissus particulièrement imperméables.
Le plan de cet article se fonde sur les classifications naturelles qui découlent de cette première liste d’exemples. Il nous a d’abord paru indispensable d’introduire la notion clé de tension superficielle et d’analyser ensuite les situations d’équilibre que les phénomènes de mouillage ou d’imprégnation induisent. Puis nous présenterons les lois du mouillage (comment une goutte se comporte sur un solide) et nous discuterons comment moduler ce comportement, du mouillage total (étalement et filmification) au mouillage nul. Les conditions dans lesquelles un solide poreux ou une surface rugueuse s’imprègnent seront ensuite étudiées. Notre but, dans ces deux parties, est aussi de décrire comment le point de vue académique, où les systèmes sont idéaux (solide parfait sur lequel on pose un liquide pur), s’est vu élargi, ces dernières années, vers des systèmes plus proches de la réalité et des applications pratiques.
La dernière partie montrera comment ces différentes situations d’équilibre sont approchées, d’un point de vue dynamique. Ces questions de cinétique sont souvent aussi importantes que celles de statique : il ne suffit pas, en général, de connaître les conditions d’imprégnation d’une encre par un papier ; il faut aussi comprendre à quelle vitesse l’imprégnation a lieu (ce qui permettra, par exemple, de distinguer plusieurs encres les unes des autres). De même, le fait qu’une peinture soit formulée pour s’étaler sur un support ne dispense pas de s’interroger sur la dynamique de son dépôt, dont nous verrons qu’elle détermine la quantité de peinture déposée. Dans cette même partie, les questions de démouillage (comment un film se rétracte sur un support non mouillant) seront abordées et les instabilités interfaciales brièvement introduites, en choisissant l’exemple de l’instabilité d’un cylindre liquide. Dans tous les cas, nous nous en tenons à une présentation élémentaire des phénomènes, et le lecteur désireux d’approfondir ces questions trouvera en annexe une bibliographie le renvoyant à des publications plus spécialisées.
La partie pratique sera étudiée dans l’article [J 2142].