Le concept de la blockchain est basé sur un protocole de gestion numérique de données décentralisées, en libre accès. La blockchain amène une nouvelle utilisation d’Internet par la possibilité d’effectuer des transferts de valeurs (via des transactions) de pair à pair, sans passer par un intermédiaire de confiance. Le transfert et l’enregistrement des données sont sécurisés par la cryptographie qui apporte la confiance entre les utilisateurs.
De tels échanges de valeurs sur un réseau décentralisé représentent une innovation majeure. Jusqu’à maintenant, lorsqu’un transfert (par exemple d’un fichier ou d’une image) était réalisé sur le réseau, une nouvelle copie était implicitement créée. Internet était basé sur la copie gratuite reproductible à l’infini (ce qui est infiniment reproductible n’a pas de valeur), et seule l’information pouvait être créée, publiée, conservée, copiée et échangée sur le réseau. L’innovation consiste à passer d’un échange de contenu informationnel à un échange de valeur. Cela est rendu possible par la cryptographie qui fournit une solution afin que le transfert se réalise sans duplication du contenu transféré. Autrement dit, lors du transfert d’un bien de valeur, l’émetteur se voit dépossédé de cette valeur, alors que le destinataire en devient le nouveau propriétaire.
La blockchain a créé un bien numérique non reproductible qui peut être une cryptomonnaie, mais aussi tout autre type d’actif numérique. Il se transfère de pair à pair, et son identification rend impossible toute double dépense.
Quant au stockage des données sur un réseau décentralisé, il apporte aussi de grands changements par rapport à notre modèle actuel de société. Cela remet en cause les bases de données centralisées traditionnelles où les informations sont enregistrées et certifiées par un tiers de confiance : la banque se porte garante du paiement, l’administration atteste l’état civil, l’INPI (Institut national de la propriété intellectuelle) enregistre le dépôt de la marque…
De même, cela bouscule le monopole de certaines plateformes centralisatrices, et notamment des GAFA. Actuellement, la toute puissance des GAFA, qui dominent le marché, bloque le développement de tout nouvel entrant qui subit la loi du « winner takes it all ». Par exemple, en 2020, les parts de marché des systèmes d'exploitation pour smartphone sont monopolisées par Google et Apple, les deux géants ne laissent plus aucune place à leurs rivaux. Les GAFA peuvent ainsi jouer de leur pouvoir dominant pour limiter l’arrivée de concurrents.
En opposition à cette centralisation, la blockchain instaure sur le web un système de certification totalement décentralisé, sans tiers de confiance, ni intermédiaire, qui repose sur un registre, ouvert et accessible à tous, consignant des écritures infalsifiables. C’est une nouvelle forme de « notarisation », la cryptographie se substitue au tiers de confiance ou à l’intermédiaire centralisateur.
Il faut ajouter à ces deux types d’usage que sont les échanges de valeurs, et la « notarisation des biens », un troisième type avec les smart contracts : les transactions qui leur sont destinées, déclenchent automatiquement des actions programmées. Cette auto-exécution de programmes fait dire à certains : « code is law ».
La blockchain apporte des éléments de confiance par sa technologie, car des personnes, qui ne se connaissent pas, peuvent effectuer des transactions directement, sans intermédiaire, cela en toute sécurité. Cependant, au-delà de ces transactions, les règles algorithmiques ne permettent pas de gérer toutes les situations, notamment les évolutions imprévues, et elles ne pourront jamais remplacer les organisations humaines. C’est pour cela que la gouvernance de la blockchain reste essentielle et nécessite aussi une grande confiance de la part des utilisateurs. Les architectes de cette technologie, qui décident des modifications à incorporer dans le logiciel, représentent une petite communauté de développeurs et d’ingénieurs en logiciel. Bien qu’il s’agisse de projets open source, c’est en fait un noyau très restreint de développeurs hautement qualifiés qui prennent en charge les développements de ces technologies, ils ont tous les pouvoirs, notamment celui de modifier les règles du jeu.
Enfin, il reste quelques verrous, entre autres technologiques (relatifs à la scalabilité, l’interopérabilité, le consensus, la sécurité…), pour que les perspectives ouvertes par les blockchains deviennent une réalité concrète dans un avenir imminent.
Bitcoin, la blockchain historique, a prouvé son efficience dans le cadre des applications financières. Ethereum, apparu plus récemment, s'ouvre à d'autres usages et apportera de réels avantages dans de nombreux secteurs. Son développement provoquera des changements dans l'organisation et la gouvernance de la société , les enjeux sont multiples, d'ordre économique, juridique, sécuritaire, et même éthique.