Le contrat de cession de brevet est analysé par la jurisprudence comme un contrat de vente. Cela signifie que sa validité est soumise aux règles générales du droit des contrats qui impliquent, pour qu’il soit valable : le consentement des parties, leur capacité à contracter et un contenu licite et certain (article 1128 du Code civil).
Si ces conditions ne sont pas remplies, le contrat de cession est susceptible d’être annulé et sera alors censé n’avoir jamais existé.
À ce régime général s’ajoutent les règles propres au droit des brevets telles que visées par les articles L. 613-8 et suivants du Code de la propriété intellectuelle (CPI).
Brevet européen
En matière de brevet européen, l’article 74 de la Convention sur le brevet européen (CBE) prévoit qu’en tant qu’objet de propriété susceptible de faire l’objet d’une cession, la demande de brevet européen « est soumise, dans chaque Etat contractant désigné et avec effet dans cet État, à la législation applicable dans ledit État aux demandes de brevet national ».
Cela signifie que le droit français s’appliquera à la demande de brevet en ce qu’elle désigne la France, tandis que le droit allemand s’appliquera à la demande en ce qu’elle désigne l’Allemagne.
Une fois délivré, le brevet européen est assimilé à un brevet national (article 2 du CBE, article L. 614-9 du CPI).
Il se voit donc logiquement appliquer les règles nationales de l’État désigné.
Qui peut conclure un contrat de cession de brevet ?
La capacité à contracter est une technique de protection des personnes vulnérables dont le consentement paraît par nature ou par essence altéré. Si l’une des parties au contrat de cession de brevet n’a pas la capacité de conclure, celui-ci pourra être annulé.
Ainsi, par exemple, si l’inventeur est une personne mineure, il peut valablement déposer seul une demande de brevet. Toutefois, à peine de nullité, le contrat de cession de ladite demande de brevet ne peut être conclu que par son tuteur.
Consentement des parties au contrat de cession
Il est possible de conclure un contrat en amont de la conclusion du contrat de cession de brevet stricto sensu. Cet avant-contrat peut notamment consister dans une promesse unilatérale de cession du brevet, par laquelle le propriétaire d’un brevet octroie au bénéficiaire un droit d’option à la conclusion d’un contrat de cession du titre dont les éléments essentiels sont déjà déterminés (article 1124 du Code civil).
Dès lors, il peut être intéressant, pour le bénéficiaire d’une promesse unilatérale de cession de brevet, de la faire inscrire au registre pour rendre son droit d’option « opposable » aux tiers, c’est-à-dire pour que la promesse produise ses effets juridiques vis-à-vis d’autres personnes et notamment d’un autre acheteur.
A noter
La conclusion d’un contrat de cession de brevet peut être précédée d’une phase de négociation appelée « pourparlers ». S’il est possible de rompre ces pourparlers à tout moment, une rupture brusque, unilatérale et sans motif légitime peut être considérée comme fautive et être sanctionnée par le versement de dommages et intérêts.
La rupture des pourparlers a notamment été jugée fautive dans le cas où le breveté avait immobilisé en pure perte son procédé breveté pendant plusieurs années, sans pouvoir renégocier avec un autre partenaire pendant cette période et en ayant divulgué son savoir-faire (Cass. Com. 7-4-1998 n° 95-20361).
Le consentement donné par les parties ne doit pas avoir été vicié, sous peine de voir le contrat de cession du brevet annulé. Les juges français ont notamment pu considérer comme constituant un dol entraînant la nullité du contrat de cession :
Un titre en cours de validité
Les droits sur l’invention naissant au dépôt de la demande de brevet, la cession peut intervenir avant la délivrance dudit brevet, le risque résidant alors, non dans l’existence des droits au jour de la cession mais dans le risque de rejet de la demande de brevet ou dans la réduction du périmètre de protection accordé par rapport à la demande initiale.
Dans ce cas, la cession est valable mais les parties auront tout intérêt à anticiper cette possibilité par l’insertion de clauses spécifiques, telles que cession de la demande de brevet sous condition suspensive de délivrance du titre ou, au contraire, aux risques et périls du cessionnaire, possibilité de révision du prix au regard du titre délivré, clause de non-contestation du cessionnaire…
Dans tous les cas, le brevet ou la demande de brevet cédé doit être en cours de validité, c’est-à-dire que le titre cédé ne doit pas se révéler nul, déchu ou échu. En effet, le contrat de cession sera nul si, au moment de la cession, le brevet :
Conseil
Avant la conclusion de la cession, le futur acquéreur s’assurera que le titulaire du brevet a régulièrement acquitté ces redevances de maintien en vigueur et vérifié la durée de vie restante du brevet objet de la cession.
Ces informations peuvent être consultées à titre gratuit sur les bases de données des offices d’enregistrement concernés (base brevets de l’INPI, base espacenet de l’OEB).
Enfin, en application du principe selon lequel nul ne peut transférer à autrui plus de droit qu’il n’en a lui-même, le copropriétaire du brevet ne peut évidemment céder que la quote-part dont il est titulaire (cf. La copropriété du brevet).
Cas particulier du cumul de brevets français et européen
Lorsqu’un brevet européen est déposé à la même date ou sous priorité d’un brevet français et porte sur la même invention, le brevet français cesse de produire ses effets :
- en l’absence d’opposition au brevet européen, à l’expiration du délai d’opposition ;
- en cas d’opposition, à la clôture de la procédure d’opposition si le brevet européen a été maintenu (article L. 614-13 du CPI).
Néanmoins, durant cette période, les deux titres français et européen se cumulent.
Pour cette raison, l’article L. 614-14 du CPI interdit, à peine de nullité, toute cession indépendante des deux titres. De la même manière, la demande de brevet français ou le brevet français et le droit de priorité pour le dépôt d’une demande de brevet européen ne peuvent être transférés l’un sans l’autre.
Un prix réel et sérieux
Un contrat à titre onéreux implique que la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage ne soit pas illusoire ou dérisoire (article 1169 du Code civil).
Il en résulte que la contrepartie du transfert de droit doit être réelle et sérieuse. Toutefois, il a été jugé que le prix de cession peut être symbolique dès lors qu’il est justifié par des circonstances propres à l’espèce. C’est le cas par exemple lorsque la durée restante de protection du brevet cédé est bientôt écoulée (TGI Paris 27-6-2003 réf. B20030141, base de données juridiques de l’INPI).
Pour apprécier le caractère réel et sérieux du prix, il convient de replacer le contrat dans son contexte : est ainsi jugée valable la cession de brevet mentionnant un prix d’un euro dès lors qu’en contrepartie de la cession, le cessionnaire a apporté sa contribution en industrie, son soutien logistique et financier au développement et à la protection du produit et a renoncé au contrat de licence exclusive dont il bénéficiait (CA Aix-en-Provence, 1e ch. A, 7-6-2016RG n° 2014/22101, réf. B20160073, base de données juridiques de l’INPI)
(cf. Étape 3, « Comment déterminer le prix de cession du brevet ? », article 1163 al. 2 du Code civil).