(cf. Aide à la décision sur le classement des inventions de salariés).
Par principe, la loi attribue le droit de déposer une demande de brevet (« le droit au brevet ») à l’inventeur ou à son ayant cause (c’est-à-dire à toute personne à qui ce droit a été transmis, article L. 611-6 du Code de la propriété intellectuelle). Mais un régime dérogatoire a été instauré pour les inventions réalisées par les salariés dont le contrat de travail est soumis à la loi française et qui sont brevetables (article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle). Ces trois conditions sont cumulatives.
La qualité de salarié
La première condition est relative au statut juridique de l’inventeur. Il doit être salarié. À défaut, il faut revenir au principe, c’est-à-dire à l’attribution de l’invention et du droit à l’obtention d’un brevet à l’inventeur (non salarié). La Cour de cassation juge ainsi que « le droit au titre de propriété industrielle appartient à l’inventeur, et que les exceptions à ce principe ne résultent que de la loi » (Cass. com. 25-4-2006, n° 04-19.482).
À cet égard, les stagiaires (Cass. com. 25-4-2006, n° 04-19.482), les dirigeants sociaux dont les inventions constituent un apport en nature (Cass. soc. 2-6-2010, n° 08-70.138) et les « consultants indépendants » (CA Bordeaux, 10-62010) ne peuvent se voir appliquer le régime dérogatoire des inventions de salarié.
A noter
Bien que le régime des inventions de salariés constitue une exception, c’est lui qui, en pratique, s’applique dans l’immense majorité des cas, puisqu’il englobe tant les salariés du privé que les agents du secteur public (sous réserve de certaines spécificités, articles R. 611-1 et suivants du CPI).
La soumission du contrat de travail à la loi française
La deuxième condition est relative à la loi applicable au contrat de travail qui confère le statut de salarié. Ce doit être la loi française.
En principe, le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties, ce qui implique de vérifier si, dans le contrat de travail, la clause de loi applicable vise bien le droit français.
À défaut de choix exercé par les parties, le contrat de travail est régi par la loi du pays dans lequel – ou à défaut à partir duquel – le travailleur, en exécution de son contrat, accomplit habituellement son travail (Règlement CE n° 593/2008, 17-6-2008, article 8). Cela implique de s’assurer que le lieu habituel d’exécution du contrat est bien la France, étant précisé que le pays dans lequel le travail est habituellement accompli n’est pas réputé changer lorsque le travailleur accomplit son travail de façon temporaire dans un autre pays.
En matière de demande de brevet européen, la Convention sur le brevet européen (CBE) prévoit une règle spécifique.
- Si l’inventeur est un employé, le droit au brevet européen est défini selon le droit de l’Etat dans lequel l’employé exerce son activité principale.
- si l’Etat dans lequel s’exerce l’activité principale ne peut être déterminé, le droit applicable est celui de l’Etat dans lequel se trouve l’établissement de l’employeur auquel l’employé est attaché (article 60 de la CBE ; cf. CA Lyon 2-12-2010, PIBD 2011 936 III 205 qui a retenu l’application de la loi espagnole, cette décision ayant été censurée par la Cour de cassation mais pour un autre motif, Cass. com. 14-2-2012, n° 11-14.288).
A noter
Le régime des inventions de salariés reste applicable :
- que le salarié soit de nationalité française ou non ;
- que l’employeur soit une société de droit français ou non.
Le caractère brevetable de l’invention
Enfin, la dernière condition tient au caractère brevetable de l’invention réalisée. Si celle-ci n’est pas susceptible de conduire à la délivrance d’un brevet, le régime des inventions de salariés doit être écarté.
Par conséquent, l’invention réalisée par le salarié ne doit pas relever d’une matière non brevetable (articles L. 611-10 et L. 611-16 à L. 611-19 du Code de la propriété intellectuelle, cf. Théorie scientifique, méthode marketing, logiciel… Que peut-on protéger ?). En outre, l’invention doit satisfaire aux conditions de la brevetabilité, à savoir être :
A noter
Le critère tient bien au caractère brevetable de l’invention. En d’autres termes, il n’est pas impératif qu’une demande de brevet ait été effectivement réalisée pour que le régime des inventions de salariés s’active. Seul compte le fait que l’invention soit susceptible de donner lieu à un brevet, c’est-à-dire qu’elle remplisse les conditions de brevetabilité (Cass. com. 20-9-2011, n° 10-20.997 qui vise la réalisation d’une invention « brevetable » ; Cass. com. 12-2-2013 -12898 qui vérifie la brevetabilité de l’invention en l’absence de dépôt).