Tribune

C’est quoi un ingénieur ?

Posté le 7 février 2011
par La rédaction
dans Entreprises et marchés

[La chronique de l'ingénieur] Julien Roitman, CNISF
Julien Roitman, président du Conseil National des Ingénieurs et Scientifiques de France (CNISF), inaugure ce mois la nouvelle rubrique d'IT Online, "la chronique de l'Ingénieur". Ce mois-ci, une réflexion sur la perception qu'a le grand public des ingénieurs, souvent éloignée de la réalité...

Ingénieur… Un métier qui faisait rêver il y a quelques années encore, au même titre que médecin, pilote de ligne ou architecte. L’abondance d’information, pour ne pas dire de clichés, dont nous sommes inondés, et l’accélération du zapping d’un centre d’intérêt à l’autre, ont rendu assez floue la perception qu’a le grand public d’une profession dont les membres s’expriment très peu, trop peu, en particulier sur des sujets où ils auraient pourtant vocation à faire connaître leur vision des choses.

Alors « c’est quoi un ingénieur ? » Si on pose cette question à l’homme de la rue, il évoquera probablement un « spécialiste » ayant fait des études techniques plus poussées que la moyenne. D’autres risquent de se référer à une « caste de diplômés grande école », en mettant sans nuance dans le même sac les anciens élèves des écoles d’ingénieurs, de management ou d’administration.

La réalité est bien différente, et autrement diverse : « l’ingénieur, c’est celui qui fait que ça marche ».  De prépa en campus, il a fait l’apprentissage de l’effort, de la rigueur, de la synthèse et de la recherche de solution. Les ingénieurs constituent la colonne vertébrale de l’industrie et des services, publics ou privés, et leur contribution aux entreprises se manifeste jour après jour dans leur capacité à réfléchir, à utiliser leur bagage de connaissances pour innover et inventer, à oser entreprendre sur des sentiers encore peu fréquentés.

En fait, peu de métiers réunissent autant que celui d’ingénieur une richesse et une diversité  de facettes aussi complémentaires : maîtrise d’une compétence scientifique ou technologique, confrontation sur le terrain avec des problèmes concrets ou théoriques à résoudre en tenant compte de leurs incidences économiques et sociales, leadership des hommes et conduite des projets.

Dans ce domaine comme dans bien d’autres la France se distingue par « l’exception culturelle », avec son modèle unique de formation grande école d’ingénieurs, reconnu comme exceptionnel dans tous les sens du terme, mais sans équivalent dans le monde. Il en résulte une ambiguïté entre les diplômés pouvant prétendre légitimement au titre d’ingénieur mais se livrant à des activités complètement différentes, et ceux qui exercent professionnellement le métier d’ingénieur, qu’ils soient issus d’une grande école, de l’université ou formés sur le terrain.

Ces subtilités ne sont plus guère de mise dans la période de crise actuelle, où comme chaque pays la France est confrontée à des défis sans précédent dont l’enjeu est notre avenir politique, économique et social, et a besoin de tous ses talents. Or qu’on parle d’informatique, de télécom, d’alimentation, d’énergie, de transport, de climat ou de gestion des ressources naturelles, ces domaines ont tous en commun une dimension scientifique et technologique. Et là, les ingénieurs ont la compétence et le savoir-faire qui leur donne vocation à s’exprimer et à intervenir.

Il est grand temps pour les ingénieurs de faire savoir ce qu’ils savent faire.

Julien Roitman