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Dans la course à l’informatique quantique, l’Europe risque de prendre trop de retard

Posté le 5 janvier 2021
par Philippe RICHARD
dans Informatique et Numérique

L’informatique quantique est à la fois prometteuse (exploration de vastes champs d’études) et inquiétante (sa puissance de calcul pourrait remettre en cause la confidentialité des flux de données sensibles). Mais comme pour d’autres innovations majeures, l‘Europe pourrait être dépassée par les États-Unis et la Chine, prévient un rapport.

L’Europe va-t-elle rater le train de l’informatique quantique et ne pas être capable d’assurer sa souveraineté technologique ? Cette inquiétude transparait fortement dans une étude réalisée par France Digitale et le cabinet Wavestone. Elle insiste en particulier sur les dangers du quantique en matière de cybersécurité. Elle rappelle que de nombreux experts estiment que les ordinateurs quantiques seront opérationnels entre 2025 et 2040 et auront la capacité de déchiffrer en 8 heures une communication cryptée, et que le chiffrement RSA 2048  bits pourrait être cassé d’ici 20 ans.

Cette date parait lointaine. Mais en réalité, il est nécessaire de s’y préparer dès maintenant. Pour deux raisons principales. Premièrement, certains systèmes informatiques sensibles (comme ceux des télécoms ou de l’armée) reposent sur des roadmaps figées sur plusieurs années. Il est donc difficile de les mettre à jour aussi rapidement qu’un simple ordinateur.

Par exemple, le nouveau programme informatique des Rafale, appelé standard F4, a été lancé en janvier 2019 et ne sera déployé qu’à partir de 2023.

Deuxièmement, certains États ont pris de l’avance. Aujourd’hui, ils peuvent récupérer des données sensibles qu’ils pourraient déchiffrer le moment venu avec leurs ordinateurs quantiques.

« Une course technologique internationale s’est enclenchée, d’où les Européens sont aujourd’hui absents. Les Américains ont mobilisé aussi bien l’État que les Big Tech », insiste Nicolas Brien, directeur général de France Digitale.

Une réponse européenne lacunaire

Une dizaine d’États se sont dotés d’un plan national ambitieux. La Chine a investi plus de 10 milliards de dollars dans un centre de recherche de 37 hectares et les États-Unis ont investi plus de 2 milliards de dollars sur 5 ans.

Ces craintes concernant les capacités de déchiffrement des échanges de données, mais aussi un « décrochage » de l’Europe, ne sont pas récentes. Pourtant, le vieux continent montre à la fois des forces (avec une recherche fondamentale d’élite et la création de plus de 80 startups quantiques dont beaucoup sont françaises) et des faiblesses.

Signes encourageants, l’Allemagne montre l’exemple en ajoutant 2 milliards de dollars aux 650 millions du plan d’investissements sur 5 ans de 2018. L’Europe a également annoncé son plan de souveraineté digitale, le « Digital Europe Programme », pour 2021-2027.

Côté négatif, « la réponse européenne reste lacunaire, constate Nicolas Brien. Notre quantum flagship, créé en 2018 avec un budget global théorique d’un milliard d’euros sur dix ans, vise à financer des projets de recherche internationaux sur les technologies quantiques… et aucun plan stratégique européen n’est encore mis en œuvre ».

Mais surtout, l’Europe est divisée. « Il lui faut une stratégie commune, portée par une organisation rassemblant les acteurs européens du quantique (startups, chercheurs, industries) : une organisation européenne de recherche quantique. À l’heure où l’Europe négocie son budget pour 2021/2027 et établit pour priorité de relance la souveraineté technologique, elle doit tirer les enseignements des autres courses technologiques pour lesquelles elle n’a pas su se placer en tête », lit-on dans ce rapport.

C’est la raison pour laquelle les auteurs de ce rapport demandent aux décideurs politiques de bâtir un véritable plan quantique européen, basé sur trois piliers :

« Le quantique peut aussi devenir une opportunité de premier plan pour sécuriser et pacifier le cyberespace, avec la création de réseaux d’échanges théoriquement inviolables », insistent les auteurs du rapport. Reste le plus dur à faire : convaincre les hommes politiques et les décideurs des grands comptes de relever ce défi sans plus attendre…


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