Décryptage

Des vaisseaux sanguins découverts sous le crâne pourraient établir un lien le cerveau et le système immunitaire

Posté le 24 juin 2015
par La rédaction
dans Innovations sectorielles

Les enseignements dispensés dans les manuels scolaires depuis des décennies pourraient être dépassés par cette découverte, qui expliquerait également les relation entre les troubles de la santé et ceux du cerveau que connaissent les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer.

Les scientifiques ont découvert un lien jusqu’ici inconnu entre le cerveau et le système immunitaire qui pourrait aider à expliquer les liens de cause à effet entre les troubles de santé physique et les troubles cérébraux chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et de dépression.

La découverte de vaisseaux nichés juste sous le crâne révolutionne des décennies d’enseignement académique et pourrait ouvrir la voie à de nouvelles approches pour le traitement des maladies du cerveau. Les scientifiques à l’origine de la découverte n’ont pas caché leur surprise d’avoir découvert une structure anatomique majeure qui avaient été entièrement négligée jusqu’à présent !

« Ces vaisseaux n’étaient tout simplement pas censés être là »

« Ces vaisseaux n’étaient tout simplement pas censés être là d’après l’état actuel de nos connaissances », déclare Jonathan Kipnis, qui a dirigé le travail à l’Université de Virginie. « Je pensais que l’anatomie du corps humain avait été entièrement cartographiée et que de telles découvertes étaient révolues, et ce depuis au moins 50 ans ! Mais apparemment, cela n’est pas le cas. »

La découverte pourrait fournir un argument anatomique solide contribuant à renforcer l’idée grandissante selon laquelle la santé mentale et l’état du système immunitaire sont étroitement interconnectés.

Les personnes atteintes de diabète, qui est une maladie auto-immune, sont 65% plus susceptibles de développer une démence, d’après les conclusions d’une étude publiée en début d’année. D’autres recherches récentes ont montré que les patients atteints d’Alzheimer ayant subi des infections régulières, comme la toux et le rhume, ont vécu un déclin cérébral quatre fois plus important révélé lors des tests de mémoire effectués au cours d’une période de six mois que les patients avec les niveaux d’infection les plus bas.

Il n’a pas été clairement défini en revanche si ces résultats émanaient de fondements physiologiques profonds ou bien étaient simplement induits par le style de vie, comme l’alimentation et la sédentarité, qui dégradent la santé mentale et physique de façon indépendante.

« Nous sommes convaincus que pour chaque maladie neurologique dans laquelle un composant immunitaire est impliqué, ces vaisseaux peuvent jouer un rôle majeur », déclare Kipnis. « Dans la maladie d’Alzheimer, il existe une accumulation de gros morceaux de protéines dans le cerveau. Nous pensons qu’ils sont accumulés dans le cerveau parce qu’ils ne sont pas éliminés efficacement par ces vaisseaux. »

« Un état diabétique », ajoute-t-il, « qui affecte le système immunitaire dans tout l’organisme, pourrait aussi nuire à la capacité du cerveau à déblayer les protéines toxiques qui sont un des fondements de la maladie. Le rôle précis de ces vaisseaux n’est que spéculation à ce jour, d’après les scientifiques. Répondre à ces questions sera le thème de la prochaine phase de leur recherche. »

Quel est le rôle des méninges ?

La nouvelle anatomie révélée correspond donc une extension du système lymphatique, réseau de vaisseaux qui fonctionne en parallèle avec le système vasculaire du corps et véhiculant des cellules immunitaires, à la place du sang. L’étude a découvert que plutôt que de s’arrêter à la base du crâne, ces vaisseaux se prolongeaient à travers les méninges, une membrane qui enveloppe le cerveau et la moelle épinière. Ces vaisseaux n’ont sans doute pas été détectés, selon Kipnis, parce que les méninges sont souvent considérées comme une sorte d’emballage plastique du cerveau, plutôt que d’un pan de l’anatomie en tant que tel.

« Dans votre manuel d’instruction lorsque vous êtes étudiant, la première consigne est de « retirer les méninges », précise-t-il. «Les gens ne sont habituellement pas intéressés par cette région du cerveau. »

La découverte a été faite en montant les méninges d’une souris sur une seule lame afin qu’elles puissent être examinées dans leur ensemble. Après avoir remarqué au microscope la présence d’éléments ressemblant à des vaisseaux sur des cellules immunitaires présentes sur les diapositives, ils se sont lancés dans une série de tests qui ont démontré qu’il s’agissait de vaisseaux lymphatiques desservant le liquide céphalo-rachidien, le liquide qui sépare le cerveau et la moelle épinière.

Des expériences préliminaires suggèrent la même anatomie chez les êtres humains, selon l’étude publiée cette semaine dans la revue Nature.

« Nous sommes convaincus qu’ils existent aussi chez les humains », pronostique Kipnis.

Kevin Lee, un neuroscientifique de l’Université de Virginie et co-auteur de l’étude, raconte que  « la première fois que ces gars-là m’ont montré le résultat de leur étude, j’ai tout de suite pensé : il va falloir réécrire beaucoup de manuel scolaires ! Il n’a jamais été fait état d’un système lymphatique pour le système nerveux central, et ceci est cependant très clairement établi par cette observation singulière ».

La découverte d’un nouveau morceau de l’anatomie du cerveau a été accueillie avec enthousiasme par d’autres scientifiques, même si certains étaient plus prudents sur le rôle potentiel des vaisseaux dans les maladies.

Nick Fox, professeur de neurologie à l’University College de Londres, assure que la possible existence d’un lien entre les maladies du système immunitaire et la maladie d’Alzheimer est rapidement devenue un « sujet brûlant et très controversé ».

« Il s’agit d’être prudent quant aux résultats des études épidémiologiques lorsque vous ne pouvez pas être certain d’établir un lien de causalité et de corrélation, » prévient-il dit. « Et il convient de  noter que les essais de médicaments anti-inflammatoires [ciblant la réponse immunitaire] n’ont pas été concluants concernant la maladie d’Alzheimer, mais peut-être n’ont-ils pas été donnés aux patients assez tôt. »

La dernière phase de recherche pourrait, selon lui, aider à définir la véritable nature de ce lien.

James Nicoll, professeur de neuropathologie à l’Université de Southampton, perçoit les bénéfices possibles d’une telle découverte : « Ceci est susceptible d’être une découverte importante par rapport à la compréhension des maladies infectieuses et inflammatoires du cerveau à condition que les résultats soient confirmés par d’autres et chez l’être humain. »

Il déplore par ailleurs le fait que les auteurs n’aient pas vérifié de manière plus approfondie les conclusions sur les êtres humains : « toutes les expériences qu’ils ont faites ne pourraient être menées sur l’homme, mais suffisamment aurait pu l’être pour confirmer la présence de canaux similaires ».

Enfin, Roxana Carare, professeure agrégée sur le vieillissement vasculaire cérébral à l’Université de Southampton, comme la plupart de ses confrères, veut rester prudente : « Les connexions décrites prennent place entre la structure entourant le cerveau et le système immunitaire, plutôt que le cerveau lui-même et le système immunitaire. La méthodologie est très impressionnante, mais les résultats doivent être interprétés avec prudence en ce qui concerne les maladies affectant les tissus mêmes du cerveau ».

Traduit par S.L

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