Débat

E-cigarette : le diacétyle, une substance dangereuse ?

Posté le 18 janvier 2016
par Philippe RICHARD
dans Chimie et Biotech

Les quelque 3 à 4 millions de vapoteurs français risquent-ils d’attraper la bronchiolite oblitérante ? À cause du diacétyle (présent dans les cigarettes électroniques aromatisées au bonbon), ils pourraient être touchés par cette maladie pulmonaire rare, mais grave et potentiellement mortelle.

C’est ce qu’indiquent des chercheurs de l’Université de Harvard (Massachusetts, États-Unis). Selon leurs travaux publiés dans l’édition de décembre 2015 de la revue Environmental Health Perspectives, des traces de diacétyle ont été repérées dans 39 des 51 types de liquides testés. Or, son inhalation prolongée peut déclencher une bronchiolite oblitérante.  Deux autres composés potentiellement toxiques pour les voies respiratoires, l’acétoïne et l’acétyle propionyle, ont également été détectés.

Cet additif alimentaire très utilisé dans l’industrie agro-alimentaire pour renforcer les goûts des biscuits, gâteaux mais aussi des boissons alcoolisées est mis à l’index par des scientifiques depuis 1985. A cette époque, une corrélation entre le diacétyle et cette maladie a été constatée lorsqu’elle est inhalée (pas lorsqu’elle est ingérée).

Mais cette étude est-elle réellement alarmiste ? Le Dr Konstantinos Farsalinos, spécialiste grec de la cigarette électronique « précise que les valeurs retrouvées dans cette étude sont faibles et même inférieures à celles que lui-même avait trouvées dans son étude de l’an dernier. Et surtout, cette nouvelle étude ne fait pas mention que ces substances sont aussi trouvées dans la fumée des cigarettes de tabac à des concentrations 10 fois (pour le diacétyle) et 100 fois (pour l’acétyle propionyle) plus élevées ».

surtout, cette nouvelle étude ne fait pas mention que ces substances sont aussi trouvées dans la fumée des cigarettes de tabac à des concentrations 10 fois (pour le diacétyle) et 100 fois (pour l’acétyle propionyle) plus élevées

Pour Jacques Le Houezec, membre de l’équipe de recherche en Addictologie à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), le but de cette étude est de « faire peur, et le résultat est que de moins en moins de fumeurs font confiance à la vape pour arrêter de fumer, car ils pensent à tort qu’elle est aussi, voire plus dangereuse que la cigarette. Dès l’instant où l’on arrête d’inhaler de la fumée (c’est elle qui est dangereuse, pas la nicotine) il y a un bénéfice de santé. Même si pour cela il peut être nécessaire de s’exposer à un très faible risque résiduel, qui reste cependant à démontrer ».

L’alarme lancée par les scientifiques américains vise peut-être un objectif plus précis : Sylvia Mathews Burwell, la secrétaire à la Santé et aux Services sociaux des États-Unis. A la différence de la France où différentes normes Afnor ont été adoptées en mai 2015, les États-Unis (mais aussi des pays européens) n’ont pas une réglementation restrictive. « La norme XP90-300 interdit l’utilisation de diacétyle dans les produits de la cigarette électronique. Les liquides fabriqués en France sont donc en principe exempts de cette substance, quelle que soit la saveur », a expliqué à Sciences et Avenir le Pr Bertrand Dautzenberg, professeur de médecine français et praticien dans le service de pneumologie de l’Hôpital de la Salpêtrière à Paris.

Par ailleurs, un processus de certification des fabricants, destiné à attester le respect de la norme Afnor, sera mis en place cette année.  En attendant, les vapoteurs peuvent se tourner en priorité vers les plus grandes marques françaises (Alfaliquid, D’lice ou Vincent dans les Vapes) et certaines marques nord-américaines (Halo et Vapor Shark) qui proposent des liquides sans diacétyle.

Ce n’est pas la première fois que la cigarette électronique est pointée du doigt. En 2014, une campagne de vérifications de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) avait conclut à une non-conformité de 90 % des liquides prélevés et de près de la totalité des chargeurs. Sur 110 analyses chimiques effectuées sur les liquides, la DGCCRF a relevé 90 % de produits non conformes. Par ailleurs, 6 % de ces produits ont été jugés « dangereux » pour des motifs d’absence d’étiquetage de danger ou d’absence de dispositif de fermeture de sécurité pour enfants.

Jacques Le Houezec rappelle aussi « que le risque zéro n’existe pas dans la vie. Même respirer l’air de nos villes ou boire l’eau du robinet n’est pas sans risques. Mais il est clair que, pour un fumeur, l’exposition à la vapeur d’e-cigarette est bien moins problématique que de continuer à fumer ».

Par Philippe Richard


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